tag:blogger.com,1999:blog-60117768000306065002024-03-04T23:12:30.231-08:00Blog de Pierre-Henri TAVOILLOTLato sensuPage perso de Pierre-Henri TAVOILLOThttp://www.blogger.com/profile/15414603971965208116noreply@blogger.comBlogger370125tag:blogger.com,1999:blog-6011776800030606500.post-47329273496679362962024-02-01T02:51:00.000-08:002024-02-01T02:51:10.695-08:00Pourquoi fait-on des enfants ? <p> Chronique LCP du 23/01/2024</p><div style="text-align: justify;"><b><i><br /></i></b></div><div style="text-align: justify;"><b><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhqPgFD5n4vVS1Fpq-F4-hYlj3gZuGeJ9u_r4_P5i0R38T4RzTuIeoDOb8H6nuH8XgVNmc_OqiOdA67J1sdm-YXFJ1Q5AP8zM-dScDtJHxQvWAF4MjqVVa7A7quefbPsd-MAf8TT9li6MOoX7_blkdoLE1JxbPcUktbWLM6nVMPzLAvUS9Kn158AXh2JCtp/s320/download.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="158" data-original-width="320" height="113" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhqPgFD5n4vVS1Fpq-F4-hYlj3gZuGeJ9u_r4_P5i0R38T4RzTuIeoDOb8H6nuH8XgVNmc_OqiOdA67J1sdm-YXFJ1Q5AP8zM-dScDtJHxQvWAF4MjqVVa7A7quefbPsd-MAf8TT9li6MOoX7_blkdoLE1JxbPcUktbWLM6nVMPzLAvUS9Kn158AXh2JCtp/w229-h113/download.jpg" width="229" /></a></div><br /></b></div><div style="text-align: justify;"><b><i>Bonsoir Pierre Henri Tavoillot, le nombre annuel de naissance en France est passé sous la barre des 700 000 en 2023 ; le nombre d’enfants ne permet plus le renouvellement des générations (1,6), et cette situation inquiète le président et quelques autres personnes. </i></b></div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Mais pas tout le monde, puisque la députée Sandrine Rousseau a affirmé, avec l’esprit de contradiction qui la caractérise, je cite, que « la baisse de la natalité était au contraire rassurante » (TF1). Elle justifiait son propos de deux manières : en tant que féministe : « Les utérus des femmes ne sont pas une affaire d’Etat : chaque femme est libre de choisir de faire des enfants ou pas » — Propos un peu contradictoire avec une de ses affirmations constantes selon laquelle « le privé est politique » : passons, d’autant qu’aucune des propositions n’oblige à rien. Le second argument « en tant qu’économiste », est lui tout à fait cohérent : elle vise une politique de la « décroissance » au nom de la protection de l’environnement qui lui paraît infiniment plus importante que les impératifs de puissance économique et géopolitique de la France et que la viabilité de son système social. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><b><i>Depuis le propos du président, beaucoup (comme David Lisnard, maire de Cannes, ce matin dans Le Figaro) ont avancé leurs propositions pour une politique nataliste. </i></b></div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Oui, le débat est ancien (faut-il rappeler Alfred Sauvy ?) mais il néglige parfois une question toute simple qui a passionné les philosophes : pourquoi fait-on des enfants ? Il y a plusieurs types de réponse. </div><div style="text-align: justify;">La première est biologique et consiste à dire que nous sommes les jouets de la nature : celle-ci se sert de nos passions sexuelles et amoureuses pour son objectif de perpétuation de l’espèce. </div><div style="text-align: justify;">La deuxième est culturelle : si nous faisons des enfants, c’est pour neutraliser un peu la peur de la mort. Grâce à eux, et parce qu’ils nous ressemblent, nous trouvons un petit moyen de durer, de transmettre un nom, une terre, un héritage, un souvenir, … l’enfant est un ersatz d’immortalité. </div><div style="text-align: justify;">Il y a une troisième raison, plus spirituelle, que l’on trouve particulièrement dans le christianisme avec cette image d’un enfant « sauveur ». Le Dieu tout puissant s’est manifesté sous la forme de la vulnérabilité la plus extrême : ce petit être fragile, démuni, incapable de se débrouiller tout seul (avant l’âge de 25 ans … au moins).
Rousseau (mais Jean-Jacques, cette fois-ci) utilise et laïcise cette idée en montrant que l’enfant sauve l’humanité en l’obligeant à être morale : l’arrivée du nouveau-né, contraint le parent à se décentrer, à se sortir de l’égoïsme naturel, pour le protéger. C’est une idée très profonde : c’est en protégeant et en faisant grandir l’autre vulnérable que l’on parvient à grandir soi-même. C’est en ce sens que l’enfant sauve : il permet de devenir une « grande personne », attentive aux autres, à l’environnement et à l’avenir. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><b><i>Selon vous, ce serait cette dernière dimension spirituelle qui aurait du plomb dans l’aile ? </i></b></div><div style="text-align: justify;"><b><i><br /></i></b></div><div style="text-align: justify;">Pas pour tout le monde, bien sûr, car il y a encore quelques enfants qui naissent. Mais en effet, cet idéal que l’on grandit par l’autre est concurrencé de manière rugueuse par l’individualisme (et sa logique du développement personnel, sans, voire contre les autres) et par l’objectif de décroissance. L’enfant apparaît comme un quadruple obstacle : à la libération de la femme, à une vie de couple épanouie, à la réalisation de soi (développement personnel), au salut de la planète (qui prime celui de l’humanité).
Au fond, vouloir grandir semble être devenu suspect ! Et certains disent qu’il vaut mieux se déconstruire.</div>Page perso de Pierre-Henri TAVOILLOThttp://www.blogger.com/profile/15414603971965208116noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6011776800030606500.post-24743284858329229542023-12-05T05:59:00.000-08:002023-12-05T05:59:45.338-08:00Cinquante nuances de vert <p> <b><i>Chronique LCP du 23 novembre 2023</i></b><br /><br /></p><p style="text-align: justify;"><i>A l’approche de la COP 28 qui se déroulera à Dubaï à partir du 30 novembre, vous souhaitez revenir sur les formes contemporaines de l’écologie. </i></p><p style="text-align: justify;"> Oui, car toutes les enquêtes d’opinion le montrent : la préoccupation environnementale est devenue un, voire le souci majeur dans toutes les opinions publiques occidentales et notamment française . En un sens tout le monde est devenu écologiste. Mais si tout le monde est peu ou prou écolo, personne ne l’est de la même manière, au point même que l’on pourrait dénombrer bien plus de « 50 nuances de vert ». </p><p style="text-align: justify;"><i> Est-ce que, dans cette diversité, l’on peut, malgré tout, s’y retrouver ? </i></p><p style="text-align: justify;"> Il y a plusieurs types de classement possible. Le premier partirait de ce qu’on met au centre de l’écologie. Est-ce l’Homme ou est-ce la Nature ? Ou plus exactement la nature a-t-elle de la valeur parce qu’elle est la maison de l’homme (c’est l’origine du mot écologie : oikios/logos : le discours rationnel sur la maison), ou parce qu’elle vaut par elle-même et pour elle-même ?
C’est une opposition entre
— D’un côté, l’environnementalisme qui va défendre le développement durable — (qui n’empêche pas une certaine sobriété) : c’est-à-dire une nature ménagée et aménagée au profit de l’humain.
— De l’autre côté la deep ecology (ou écologie profonde) qui va prôner, non le développement durable, mais une totale décroissance, car, pour elle, l’action humaine quelle qu’elle soit est toujours une mise en danger de la Nature. Il faut donc combattre la démesure (hybris) de l’homme aspirant à se poser, comme disait Descartes, en « maître et possesseur de la nature ».
Bref, écologie anthropocentrée, d’un côté ; écologie antihumaniste de l’autre. </p><p style="text-align: justify;"> <i>Y a-t-il d’autres clivages possibles dans le vert ?</i> </p><p style="text-align: justify;"> Il y a en a un méconnu, mais qui me semble important. L’écologie est-elle seulement une politique ou devient-elle aussi sinon une religion, du moins une spiritualité ? Ce qui met la puce à l’oreille c’est cette formule « sauver la planète ou la nature ». C’est quand même la thématique du salut qui est en jeu, et ce n’est pas rien si l’on prend un peu de recul. « Sauver la nature », pour un philosophe grec, Socrate, Aristote, ou Epicure, une telle prétention est ridicule, car la nature, pour eux, c’est l’éternité : tout naît, tout croît, tout meurt ; ce cycle (physis) est éternel et prétendre le sauver n’a strictement aucun sens.
Idem pour un chrétien, mais parce qu’il y a un seul sauveur du monde — salvador mundi — c’est le Christ, qui a en, pour ainsi dire, le monopole.
Face à ces grands modèles, l’écologisme (qui n’est pas toute l’écologie) émerge comme scandale pour les chrétiens et folie pour les Grecs. Que dit-elle ? Que chaque petit individu est à même de sauver le monde. Immense défi ! On comprend à partir de là plusieurs phénomènes induits par l’écologisme : l’eco-anxiété (serons-nous, nous autres pécheurs, à la hauteur de cette mission ?), le culte de l’apocalypse (la fin du monde est proche !), mais aussi le fanatisme (« je suis la voix de celui qui crie dans le désert »). Attention : l’écologisme ne résume pas l’écologie, mais il en est devenu une dimension non négligeable.</p>Page perso de Pierre-Henri TAVOILLOThttp://www.blogger.com/profile/15414603971965208116noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6011776800030606500.post-39856901189950246672023-11-12T22:33:00.000-08:002023-11-14T07:20:07.529-08:00Le RN est-il (encore) d’extrême droite ?<p><a href="https://www.lefigaro.fr/vox/politique/pierre-henri-tavoillot-le-rassemblement-national-est-il-encore-d-extreme-droite-20231110">Tribune pour Le Figaro </a>(10/11/2023)</p><p style="text-align: justify;">Chronique pour <a href="https://twitter.com/LCP/status/1722709664419254621">LCP</a> (8/11/2023)</p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhSkGYwu8fgQZijyzEvxYQY2IHa3v2Q2HLIs7G-xq7hzKBnXnuIIE9qbUKOmo6HsqLXfRIohck0rQy2yBFeK4KPFZ9zNXp95Xj2tddW0MUrA3cMKPG9IQr9ixp5-QR9ML5CZ6lLLwtCyshklXund-xbIdCUeePj4wImRIMDtKXi8n1srK4u7SUsYx3DXmaK/s936/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-11-13%20a%CC%80%2007.33.54.png" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="534" data-original-width="936" height="149" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhSkGYwu8fgQZijyzEvxYQY2IHa3v2Q2HLIs7G-xq7hzKBnXnuIIE9qbUKOmo6HsqLXfRIohck0rQy2yBFeK4KPFZ9zNXp95Xj2tddW0MUrA3cMKPG9IQr9ixp5-QR9ML5CZ6lLLwtCyshklXund-xbIdCUeePj4wImRIMDtKXi8n1srK4u7SUsYx3DXmaK/w261-h149/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-11-13%20a%CC%80%2007.33.54.png" width="261" /></a></div><p style="text-align: justify;">Contrairement à la LFI, le RN a annoncé sa participation au rassemblement du 12 novembre contre l’antisémitisme suscitant l’embarras des partis de « l’arc républicain », qui appelaient pourtant à l’unité nationale. D’où cette question : le RN est-il encore d’extrême droite ? C’est la question qui fâche, mais qu’il faut tenter d’aborder de manière dépassionnée en distinguant trois sens du terme « extrême droite ».</p><p style="text-align: justify;"> Le premier, purement institutionnel, désigne, depuis août 1789 et le vote sur le véto royal, la position dans l’hémicycle. De ce point de vue, le RN est bien à l’extrême droite.
Le deuxième sens est historique et idéologique. Il émerge contre la Révolution française, se déploie dans les ligues fascistes, s’épanouit sous Vichy et rebondit avec l’OAS. Trois traits principaux caractérisent cette idéologie. D’abord, l’antiparlementarisme ; ensuite une position réactionnaire ou mieux révolutionnaire conservatrice qui consiste à tout casser pour tout garder ; enfin l’idée d’une pureté nationale à défendre contre les adversaires extérieurs et contre les ennemis de l’intérieur : la nation n’est pas « un plébiscite de tous les jours » comme disait Renan, mais une substance mystique qui transcende ses membres. </p><p style="text-align: justify;">Il y a un troisième sens d’extrême-droite, qui insiste sur le mot extrême. Dans son livre, Qui est l’extrémiste ? (Intervalles, 2022), Pierre André Taguieff distingue trois dimensions : la légitimation de la violence, l’intolérance totale face à tout désaccord et le fanatisme absolu à l’égard d’une Cause sacrée, d’une fin qui justifie tous les moyens. </p><p style="text-align: justify;">Si l’on s’accorde sur ces critères, hormis le premier sens purement topographique, il faut bien admettre que le RN ne coche plus les cases de l’extrême-droitisme. Marine Le Pen a rompu avec le feu FN sur au moins deux points idéologiques qui ne sont pas négligeables : elle se rallie à la lutte contre l’antisémitisme, alors que son père était l’homme du « point de détail » ; elle s’est convertie à la laïcité, alors que son père se situait dans le catholicisme traditionnaliste. C’est une laïcité certes plus identitaire que républicaine, mais l’évolution est notable.
Pour ce qui est de l’extrémisme, c’est plutôt la LFI qui l’incarne aujourd’hui avec une légitimation explicite de la violence (appel aux émeutes) et une logique de plus en plus forte de purges internes (intolérance). Le fanatisme, troisième trait de l’extrémisme, n’est pas présent, puisque sa cause n’a rien de sacrée : c’est seulement l’accès au pouvoir. </p><p style="text-align: justify;">Comment alors qualifier le RN s’il n’est plus d’extrême droite ? Je dirais qu’il s’agit d’un parti de droite radicale, populiste et illibérale. Il prône une idéologie « hyperdémocratique », selon laquelle il faudrait toujours plus de demos (contre l’oligarchie des élites) — c’est la dimension populiste — ; et toujours plus de cratos (contre la technocratie de l’Etat profond). Au nom du Peuple et de la Nation, il faut être prêt à prendre quelques libertés avec les libertés : c’est la dimension illibérale.
A mon sens, le procès d’excommunication en extrême-droitisme du RN tend plutôt à le renforcer, car cela revient à proclamer que les 13 millions d’électeurs de Marine Le Pen sont des idiots ou des salauds. Idiots, parce qu’ils ne voient pas que le RN est raciste et fasciste ; salauds, parce qu’ils l’ont trop bien compris. Ce n’est certainement pas le meilleur message à leur adresser pour tenter de les récupérer. </p><p style="text-align: justify;">Il vaudrait mieux objecter au RN, je crois, 1) que ses promesses de renverser « le système » sont vouées à l’échec du fait de leurs excès et des oppositions qu’elles susciteront ; et 2) qu’il est un parti dont, en dépit d’un incontestable ravalement de façade, l’arrière-boutique reste remplie de « vieux démons », qui ne faciliteront guère son exercice du pouvoir.
Ces objections politiques me semblent beaucoup plus efficaces que l’excommunication morale, car le pire service à rendre au RN consiste à le banaliser. Ce qui, d’ailleurs, me fait percevoir que j’ai oublié un quatrième usage du terme d’« extrême droite » : c’est le moyen pratique de disqualifier quiconque n’est pas d’accord avec moi.</p>Page perso de Pierre-Henri TAVOILLOThttp://www.blogger.com/profile/15414603971965208116noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6011776800030606500.post-59495898435796632032023-10-18T23:57:00.006-07:002023-10-20T02:19:48.137-07:00L'école : zone de guerre<p> </p><h1 class="premium" style="background-color: white; border: 0px; box-sizing: border-box; color: #2a303b; font-family: "Ibarra Real Nova", Times, serif; font-size: 2.8rem; line-height: 3rem; margin: 0px; padding: 0px; vertical-align: baseline;">L’école, cette « zone de guerre »</h1><p class="chapo" style="background-color: white; border: 0px; box-sizing: border-box; color: #2a303b; font-family: "Ibarra Real Nova", Times, serif; font-size: 2.4rem; line-height: 2.8rem; margin: 1rem 0px 0px; padding: 0px; vertical-align: baseline;"><a href="https://www.lepoint.fr/politique/l-ecole-cette-zone-de-guerre-19-10-2023-2539993_20.php#xtmc=tavoillot&xtnp=11">Selon le philosophe Pierre-Henri Tavoillot, une société s’affaiblit lorsqu’elle commence à avoir honte de sa culture. Et nous n’avons aucune raison d’avoir honte de notre civilisation.</a></p><p class="author" style="background-color: white; border: 0px; box-sizing: border-box; color: #2a303b; font-family: Raleway, Arial, sans-serif; font-size: 1.6rem; line-height: 1.6rem; margin: 1rem 0px 0px; padding: 0px; vertical-align: baseline;"><a href="https://www.lepoint.fr/politique/l-ecole-cette-zone-de-guerre-19-10-2023-2539993_20.php#xtmc=tavoillot&xtnp=11">Par Pierre-Henri Tavoillot</a></p><div><br /></div><div>Paru dans Le Point (19.10.2023).</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><br /></div><div style="text-align: justify;"> En Afrique, son visage hideux a un nom : <i>Boko Haram</i>, littéralement « Livre (book) impur » ou encore « l’éducation occidentale est un péché ». Le credo est simple : tous ses maitres sont des ennemis ; tous ses élèves sont des victimes. Voilà pourquoi des professeurs sont tués ; voilà pourquoi des étudiants et particulièrement des étudiantes sont enlevés ; voilà pourquoi des livres sont brûlés. Depuis trois ans, date de l’abject assassinat de Samuel Paty, plus personne ne peut nier que cette idéologie sévit en France. C’est à elle que l’on doit, lors des émeutes de juin 2023, l’attaque de 168 écoles, la dégradation de bibliothèques, médiathèques et des bâtiments de la République laïque. C’est à elle qu’on doit le meurtre de Dominique Bernard, professeur de lettres à Arras. C’est à elle qu’on doit les innombrables atteintes à la laïcité dans les écoles : l’offensive des abayas et des qamis, le refus de dessiner des visages ou de suivre les cours de musique, la contestation perpétuelle des savoirs, la dénonciation frénétique des « impuretés » en tout genre, la pression permanente sur les enseignants … Il ne s’agit là ni de folies passagères ni du cri des « damnés de la terre » discriminés, mais bien d’une idéologie claire, cohérente et conquérante, qui a choisi de faire de l’école une zone de guerre … d’une guerre de civilisation. Il faut lire et relire les ouvrages de Gilles Kepel, Bernard Rougier, Hugo Micheron, Florence Bergeaud-Blackler et de bien d’autres, pour admettre qu’il y a sur notre territoire une partie de notre population dont le projet de vie est tout entier consacré à la destruction de notre mode de vie. Florence Bergeaud-Blackler les a identifiés avec une impressionnante rigueur : ce sont les fréristes, pour qui l’école est la cible principale. </div><div style="text-align: justify;"> Mais là n’est pas encore le pire. Le pire est que ce fondamentalisme islamiste est accueilli parfois à bras ouverts dans nos établissements scolaires par des insouciants ou des cyniques. Les insouciants sont ceux qui ne veulent pas voir que cet ennemi existe. Pour eux, il n’y a que des loups solitaires ou les créatures de nos propres péchés d’Occidentaux repus. Les cyniques sont ceux qui voient cet ennemi comme un allié pour leurs desseins de prise de pouvoir. Pour eux, les islamistes forment « l’armée de réserve » de la révolution à venir. </div><div style="text-align: justify;">Ces deux camps convergent pour affaiblir l’école attaquée. Ils s’accordent pour dénoncer la violence (symbolique) faite aux élèves alors qu’on tue (vraiment) leurs professeurs ; ils s’accordent pour considérer que les actes terroristes les plus barbares ne sont que « légitime défense » ; ils s’accordent pour critiquer la République au nom d’un hyperindividualisme qui la laissera désarmée face au communautarisme.
« Venez comme vous êtes », disent-ils en substance aux enfants, « vos identités sont remarquables ; n’en changez surtout pas. Nous autres adultes, coupables par nature, avons trop peur de vous discriminer pour pouvoir encore vous éduquer. Nous autres adultes avons trop de doutes sur nos savoirs pour espérer vous instruire. Nous autres adultes avons trop honte de notre histoire pour oser vous la transmettre ». </div><div style="text-align: justify;">Et voici l’autre message qu’ils ne cessent d’adresser à la jeunesse : « la France d’aujourd’hui est patriarcale, raciste, néocoloniale, indifférente au sort de la planète, inégalitaire, islamophobe, homophobe, transphobe, anti-jeune et oublieuse des vieux, inhospitalière, discriminatoire, immorale, égoïste, rance…» On pourrait sans peine continuer la liste (où l’antisémitisme est « étrangement » absent) de cette auto-détestation qui dépasse de très loin les limites d’une légitime autocritique. Car il ne s’agit pas non plus de s’adorer sans réserve ; mais à force de se haïr, on en vient à se détruire. Aucune école, nulle transmission n’ont de sens dès lors qu’une culture commence à avoir honte d’elle-même. </div><div style="text-align: justify;">Or il n’y a vraiment aucune raison d’avoir honte. Au contraire. La civilisation de la démocratie née en Europe peut être fière, car elle est unique en son genre : elle est « la civilisation des grandes personnes ». En effet, dans la plupart des civilisations connues, la minorité est la règle et la majorité est l’exception. C’était le cas à Rome où les seuls majores étaient les pères de famille. C’était le cas dans les monothéismes où les incroyants sont réputés naïfs et ignorants en dépit de leur égale dignité comme créature divine. Et c’est le cas partout ailleurs, toujours : seules quelques personnes, en général les hommes, de préférence assez vieux et plutôt nobles, y étaient reconnues comme des adultes à part entière, bons pour le service civique, aptes au pouvoir et dignes des hautes fonctions. Pour tous les autres (plus ou moins) humains, il manquait toujours quelque chose : soit de la liberté, soit de la force, soit une autorisation … bref ce petit supplément d’être qui leur aurait permis de prétendre à l’humanité complète et achevée.
Dans l’histoire des civilisations, il en est une — et une seule — qui a promu cette idée étrange et singulière que tous les hommes — femmes comprises — sont des grandes personnes. Cette civilisation est la civilisation occidentale — et d’abord européenne. Pour elle, ni la race, ni la naissance, ni la richesse, ni la classe sociale, ni même d’ailleurs l’âge ne sauraient empêcher quiconque et de manière définitive d’être reconnu comme « grand » et digne. La majorité devient la règle et la minorité l’exception.
Bien sûr, je ne songe pas à nier que l’Europe ait été aussi sexiste, raciste, esclavagiste, impérialiste et imbue de sa supériorité ; mais elle l’a été à l’instar de toutes les autres grandes civilisations connues. En revanche, ce qui la distingue, dans toute l’histoire humaine, est qu’elle ait été la seule à promouvoir l’antiracisme, l’anti-impérialisme, l’abolition de l’esclavage, l’émancipation de la femme et cette curiosité singulière à l’égard des autres cultures passées ou présentes. L’ethnologie, l’histoire des autres, le goût des arts premiers, l’attrait pour les mœurs étrangères, l’attention à tout ce qui est humain, petit ou grand, proche ou lointain, digne ou indigne : tout cela commence avec l’Europe. Il faut être aveugle pour ne pas percevoir que sa puissance émancipatrice est inégalée dans l’histoire humaine. On s’acharne à la haïr pour ce qu’elle a été la seule à dénoncer ; on la déteste au nom d’une liberté qu’elle seule a promue ; et on lui objecte des horizons qu’elle a été la première à ouvrir. Son message civilisationnel peut se résumer à ces trois propositions qui sont loin d’avoir épuisé leur potentiel : tous les humains sont grands ; tous les humains peuvent grandir ; … et la plus belle, sans doute : nous pouvons grandir ensemble. C’est cela que détestent et combattent les fondamentalistes islamistes ainsi que leurs piteux alliés. C’est pour cela qu’ils veulent détruire l’école ; et c’est pour cela que nous devons la défendre sans faiblir. Car jamais, depuis sa fondation, elle n’a été à ce point menacée.</div>Page perso de Pierre-Henri TAVOILLOThttp://www.blogger.com/profile/15414603971965208116noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6011776800030606500.post-26211643623646372272023-10-18T05:29:00.000-07:002023-11-15T00:47:08.265-08:00Les trois islams en France<p>Je republie ce post de mon blog de 2016, après mes propos trop hâtifs et erronés sur France Inter ce 18 octobre 2024.</p><p> <span style="text-align: justify;">L’enquête passionnante de l’Institut Montaigne (IFOP, recensée par le JDD, 18 septembre 2016) apporte quelques indications intéressantes sur les musulmans en France.
D’abord, sur le nombre. Au sein de l’échantillon représentatifs, ceux qui qui se déclarent « musulmans » constituent 5,6% de la population des plus de 15 ans vivant en France et 10% des moins de 25 ans. On est loin des 8% ou 10% souvent avancés. Cela ferait une population comprise entre 3 et 4 millions.
Le deuxième enseignement concerne la diversité de cette partie de la population française. L’enquête identifie trois « types ». </span></p><p style="text-align: justify;"> 1) Le premier islam désigne les « sécularisés » : l’islam y a cessé d’être, au sens strict, une religion pour devenir « tendanciellement » une culture (à l’instar des chrétiens). Ils représentent 46% de ceux qui se déclarent musulmans. Les pratiques peuvent exister, mais elles sont intégrées — sans ambiguïté — au cadre républicain à l’exception du halal (une majorité notable considère qu’il devrait être proposé dans les menus des cantines scolaires) et du voile-hijab) qui est considéré comme acceptable dans l’espace public, voire professionnel (mais pas le niqab ni la burka). </p><p style="text-align: justify;"> 2) Le deuxième islam — « les islamics pride » — représente une part de 25%. Ceux-ci revendiquent l’expression de leur foi dans l’espace public, mais rejettent les pratiques « excessives » : niqab et polygamie. Ils se sentent davantage représentés par Tariq Ramadan que par le CFCM (que, par ailleurs, les « sécularisés » ignorent) ! </p><p style="text-align: justify;"> 3) Le troisième islam est intégriste et rigoriste. Ce sont les « ultras » qui représentent 28% des musulmans auto-déclarés (soit environ 1 million de personnes en France !) : ils sont en rupture avec les valeurs républicaines, considèrent que la Charia est plus importante que la loi de la République, sont favorables au port du nikab, de la burka et à la polygamie. Ils sont surreprésentés parmi les jeunes (50% des moins de 25 ans ; 20% à peine des plus de 40 ans).
Sur cette base, l’Institut Montaigne propose plusieurs mesures que je laisse ici de côté, car le véritable problème est de savoir s’il peut y avoir une seule politique pour ces trois islams ?
Les premiers demandent de la République une forme de tolérance et une meilleure intégration dans la collectivité nationale. Ce qui, à mon sens, ne poserait aucun problème s’il n’y avait pas les deux autres islams.
En effet, le deuxième exige non seulement la tolérance, mais une véritable reconnaissance de droit et potentiellement de droit à la différence, en rupture avec la loi républicaine. Et le troisième aspirent, ni plus ni moins, qu’à la subversion voire à la destruction de la République. </p><p style="text-align: justify;"> Cela fait tout de même 2 millions de personnes en France qui ne s'inscrivent pas dans le cadre laïcité (même si tous ne sont pas en lutte armée contre elle !).</p><p style="text-align: justify;"><br /></p><p style="text-align: justify;">PS (15/11/2023). J'ajoute à ce post de 2016 que la référence à Tariq Ramadan n'est pas faite ici pour rassurer quant à la modération de la Catégorie 2. Elle ne diffère de la catégorie 3 que sur la stratégie (entrisme vs combat) mais non sur la finalité (le califat mondial). </p>Page perso de Pierre-Henri TAVOILLOThttp://www.blogger.com/profile/15414603971965208116noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6011776800030606500.post-10943248472026662052023-10-04T23:26:00.001-07:002023-10-04T23:28:04.178-07:00De l'art de rendre des comptes<p style="text-align: justify;"> Chronique LCP du mercredi 4 octobre 2023 </p><p><span style="text-align: justify;"><i></i></span></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><i><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiKG3tXgPyJdLHYC1uqzqm0LWHpnre3wDF1S6Enp0BT5ie7c25LIw8wZrd3omlmwsku81UFxKi_9qbdo6vtt_4_IH0ZrjhoTHasOFbJVrkybrUep6PTFoW0vOPTdtYj8Up3ry8HJkOfzhZei7ptTUsHBX5qpxq0T36N6jDPStbuTq9vzcsUD8aQxibOPfSc/s250/download.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="202" data-original-width="250" height="202" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiKG3tXgPyJdLHYC1uqzqm0LWHpnre3wDF1S6Enp0BT5ie7c25LIw8wZrd3omlmwsku81UFxKi_9qbdo6vtt_4_IH0ZrjhoTHasOFbJVrkybrUep6PTFoW0vOPTdtYj8Up3ry8HJkOfzhZei7ptTUsHBX5qpxq0T36N6jDPStbuTq9vzcsUD8aQxibOPfSc/s1600/download.jpg" width="250" /></a></i></div><i><br /></i><p></p><p><span style="text-align: justify;"><i><b>La présidente de l’Assemblée Nationale souhaite « redynamiser » la séance des questions au gouvernement qui a lieu tous les mardis à 15h. Cela vous fait réagir, Pierre-Henri Tavoillot. </b></i></span></p><p><span style="text-align: justify;"> Ce n’est pas un point anecdotique et la présidente de l’Assemblée a raison de s’en préoccuper. La démocratie ne peut se contenter d’être un jeu de lois et une succession de discours. Parce qu’elle se fonde sur l’espace public, elle doit aussi être une scène et un spectacle.
Platon, en son temps, avait dénoncé la théâtrocratie, car il y voyait l’emprise de la démagogie : mais Platon n’était pas démocrate.
Rousseau, qui l’était davantage, critiquait le théâtre, comme excluant le peuple (cantonné au rôle de spectateur) du jeu des acteurs. Il préférait la « fête révolutionnaire », participative, mais Rousseau était adepte de la démocratie directe.
Or, dans nos démocraties représentatives, la représentation politique doit aussi être théâtrale. </span></p><p><span style="text-align: justify;"> La Présidente Yaël Braun-Pivet, considère (à juste titre) qu’elle ne l’est pas assez ou que la pièce manque un peu de piquant. Elle envisage plusieurs pistes pour remettre un peu de peps dans le plebs (la Plèbe) ; et amuser un peu plus la galerie. Ses propositions sont des questions/réponses plus courtes pour un échange plus incisif ; ou alors moins de questions ; ou alors un temps de questions distribué par groupe ; ou revenir à deux séances hebdomadaires.
Je ne suis pourtant pas certain que cela change beaucoup la donne. </span></p><p><span style="text-align: justify;"><b><i> Auriez-vous une proposition à lui faire ? </i></b></span></p><p><span style="text-align: justify;"> Eh bien oui : le Parlement français, après avoir reçu Charles III au Sénat, pourrait adopter la pratique anglaise des questions aux Communes. En Angleterre, le Premier Ministre est seul dans l’arène et doit répondre en direct et sans préparation à toutes les questions des députés de l’opposition et de la majorité : chaque semaine, c’est un grand oral qui ressemble à un grill. </span></p><p><span style="text-align: justify;"> On a ce propos le témoignage de M. Thatcher et de T. Blair dans leurs mémoires respectifs :
« Aucun autre chef de gouvernement dans le monde, écrit ainsi M. Thatcher, n’est soumis à ce genre de pression régulière et beaucoup font des pieds et des mains pour l’éviter ; aucun, comme je ne manquais pas de le rappeler à mes collègues d’autres pays que je rencontrais lors des sommets, n’a autant de comptes à rendre qu’un premier ministre britannique ». Et la dame de fer, fidèle à sa réputation ajoutait : « Peu à peu, je finis par me sentir plus sûre de moi … il m’arriva même d’y prendre du plaisir ». </span></p><p><span style="text-align: justify;">Plaisir non partagé par Tony Blair de son propre aveu : « Les questions au Premier Ministre resteront l’expérience la plus éprouvante, la plus déconcertante, angoissante, remuante, terrifiante et décourageante de mon vécu de Premier ministre ». « Aujourd’hui encore, ajoute-t-il, où que je me trouve sur la planète, à 11h57 le mercredi, je ressens un frisson glacé, un picotement sur la nuque et mon cœur se met à battre la chamade. C’est l’heure où je sortais du bureau de Premier ministre aux Communes et me dirigeais vers la Chambre. Je l’appelai la marche du condamné ». </span></p><p><span style="text-align: justify;"><b><i> En quoi cette pratique anglaise permettrait-elle, selon vous, d’améliorer la vie démocratique ? </i></b></span></p><p><span style="text-align: justify;"> La méthode démocratique peut être décrite en quatre moments : il faut des élections, des délibérations, des décisions et de la reddition des comptes. Les trois premiers moments font l’objet de toutes les attentions quand on veut régénérer la démocratie : réformer les élections (vote blanc, proportionnelle, tirage au sort, …), mettre plus de délibérations (avec des conventions citoyennes), contrôler toujours plus les décisions (au point parfois de les empêcher) ; mais on oublie ce moment capital de la reddition des comptes. C’est un peu l’impensé de la démocratie et je trouve que sa mise en scène au sein du Parlement à travers les commissions d’enquête (comme celle récente sur le nucléaire) ou les questions directes et franches (parrêsia) au chef du gouvernement sont bien plus que des symboles. La reddition des comptes ce n’est ni le « dégagisme » ni le procès au pénal ; c’est le fait de revenir sur des décisions passées, non pour punir ceux qui les ont prises, mais pour améliorer celles qu’il faudra prendre demain.</span></p>Page perso de Pierre-Henri TAVOILLOThttp://www.blogger.com/profile/15414603971965208116noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6011776800030606500.post-60255543919070681122023-09-25T01:21:00.001-07:002023-09-25T01:21:14.661-07:00Laïcité : la grande confusion<p> Chronique pour LCP - Jeudi 21 septembre — </p><p></p><i>
De l’interdiction de l’abaya à la visite du Pape à Marseille, cette rentrée est chargée en matière de laïcité : vous souhaitez revenir sur le sujet. </i><div><br /></div><div> Oui la rentrée est chargée, mais ce qui frappe le plus, c’est l’extrême confusion des esprits sur le sujet. Les mêmes qui s’offusquent de l’interdiction des abayas et des qamis à l’école s’étranglent de voir le président Macron assister à la messe géante de vendredi au stade Vélodrome. Ils en tirent la conclusion, pour eux, évidente : la laïcité, c’est de « l’islamophobie déguisée ». La preuve : il y a deux poids, deux mesures : on interdit tout ce qui touche à l’islam et on vénère tout ce qui est chrétien. </div><div><br /></div><div><i> En quoi ces apparences sont-elles trompeuses ? </i></div><div><br /></div><div> D’abord en rappelant un point essentiel : le contraire de la laïcité, ce n’est pas la religion, c’est le fondamentalisme. C’est-à-dire le projet de régenter et de soumettre la totalité de l’existence des individus sous une seule loi : la loi de Dieu. Voici ce que disait Voltaire dans l’article « fanatisme » de son Dictionnaire philosophique « Que répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, et qui en conséquence est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant ? ». </div><div>L’assassinat de Samuel Paty a montré que ce n’était pas là un simple mot d’esprit.
Contre le fondamentalisme, nos sociétés libérales laïques considèrent qu’il n’y a pas que la religion dans la vie, mais plusieurs sphères chacune régie par un principe.
Dans la sphère privée : c’est la liberté. Chacun est libre de croire, de ne pas croire, et de changer de croyance. Ni l’hérésie ni l’athéisme ni l’apostasie ne sont des crimes.
Dans la sphère publique, c’est la neutralité qui règne de la part d’un Etat qui « ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte ». Au nom du salut public, il faut se désintéresser du salut privé.
Enfin, il y a troisième sphère que l’on oublie souvent : c’est celle de la civilité. Dans la rue, au travail, au marché, la laïcité est un mode de vie régi par un principe non juridique : la discrétion. On se respecte sans insulte, sans pression, avec des égards mutuels et réciproques … Ni effacement excessif, ni provocation outrancière. C’est la condition non pas seulement du vivre ensemble (car on peut exister côte-à-côte ou face-à-face), mais du vivre en commun. </div><div><br /></div><div><i> Cette trilogie ou « trinité » permet-elle vraiment de clarifier les choses ? </i></div><div><br /></div><div> Je le crois, car les querelles de la laïcité concernent toujours les frontières, parfois subtiles, entre ces trois sphères, privée, publique et civile. </div><div> • On a pu dire que l’abaya était privée, fruit d’un simple désir de pudeur (modest fashion) ; mais il s’agit, au contraire, d’un exhibitionnisme religieux, qui impose une pression sur les autres élèves dans une stratégie de conquête de l’espace scolaire. C’est donc une atteinte à la laïcité ; et, sans contestation possible, une entorse à la loi de 2004 qui proscrit « la manifestation ostensible d’une appartenance religieuse. » </div><div> • Le Président assiste à une célébration religieuse (quelle qu’elle soit) ? Cela ne manifeste aucunement la soumission de la République à cette religion tant qu’il ne participe pas au culte lui-même. Il peut donc aller à la messe comme le Général de Gaulle et quelques autres après lui ; ôter ses chaussures en entrant dans une mosquée ; mettre une kipa dans une synagogue (F. Hollande après les attentats de 2015) ; mais, ce faisant, ce ne l’empêche nullement d’être le président d’une république laïque. Son choix d’assister à la messe de Marseille, peut être contesté politiquement, mais certainement pas au nom de la laïcité .
</div>Page perso de Pierre-Henri TAVOILLOThttp://www.blogger.com/profile/15414603971965208116noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6011776800030606500.post-50038123416254378372023-07-03T06:47:00.003-07:002023-07-03T06:50:51.989-07:00Entretien pour Le Point (1/07/2023)<p> </p><header class="ArticleHeader" style="align-items: center; background-color: white; box-sizing: border-box; display: flex; flex-direction: column; font-family: "fira sans condensed", FiraReplace, sans-serif; margin-bottom: 3rem; text-align: center;"><h1 class="Title H1" style="box-sizing: border-box; font-family: "Fira Sans Condensed", FiraReplace, sans-serif; font-variant-ligatures: none; font-weight: 500; hyphens: none; line-height: 5.4rem; margin: 2rem 0px 4.5rem; width: 660px; word-break: normal;"><span style="font-size: large;"><a href="https://www.lepoint.fr/societe/emeutes-apres-la-mort-de-nahel-veut-on-vraiment-la-guerre-civile-01-07-2023-2527001_23.php">Émeutes après la mort de Nahel : veut-on vraiment la guerre civile ?</a></span></h1><span class="Signature" style="align-items: center; box-sizing: border-box; display: flex; flex-direction: row; font-style: italic; justify-content: center; line-height: 2.2rem; margin-bottom: 3rem;"><span class="SignatureAuthor" style="align-items: center; box-sizing: border-box; color: #d80c0c; display: inline-flex; flex-wrap: wrap; justify-content: center;"><span class="SignatureAuthorImages" style="box-sizing: border-box;"></span><span class="SigatureAuthorNames" style="box-sizing: border-box; margin-left: 0.5rem;">Par <a class="Link Link--noborder" href="https://www.lepoint.fr/editos-du-point/francois-guillaume-lorrain/" rel="author" style="border-bottom: 1px solid transparent; box-sizing: border-box; color: #d80c0c; text-decoration-line: none;">François-Guillaume Lorrain</a></span></span></span><figure class="FirstMedia" style="align-self: stretch; box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin: 0px; order: unset; overflow: visible; position: relative; text-align: left;"><div class="Figure" style="box-sizing: border-box; overflow: hidden; position: relative; width: 660px; z-index: 1;"><div class="image-wrap panoramique bg-undefined" style="background-attachment: initial; background-clip: initial; background-color: #e4e5e6; background-origin: initial; background-position: 50% 50%; background-repeat: no-repeat; background-size: 66px; background: url("/static/img/logo/logo-lepoint.svg") 50% 50% / 66px no-repeat rgb(228, 229, 230); box-sizing: border-box; height: 0px; margin-top: 0px; overflow: hidden; padding-bottom: 286.961px; position: relative; z-index: 0;"><img alt="Les emeutes apres la mort de Nahel sont une crise de plus qui en disent long sur l'etat de la France. De quoi inquieter au plus haut point l'essayiste Pierre-Henri Tavoillot." height="287" src="https://static.lpnt.fr/images/2023/07/01/24691301lpw-24692313-mega-une-jpg_9626862_660x287.jpg" style="border: 0px; box-sizing: border-box; height: 286.961px; left: 0px; max-width: 100%; position: absolute; top: 0px; vertical-align: middle; width: 660px;" title="Les emeutes apres la mort de Nahel sont une crise de plus qui en disent long sur l'etat de la France. De quoi inquieter au plus haut point l'essayiste Pierre-Henri Tavoillot." width="660" /></div><figcaption class="Figcaption" style="background: rgba(0, 0, 0, 0.6); bottom: 0px; box-sizing: border-box; color: white; cursor: pointer; display: flex; flex-direction: column; font-family: "Fira Sans Condensed", FiraReplace, sans-serif; font-variant-ligatures: none; left: 0px; margin: 0px; padding: 1.5rem; position: absolute; right: 0px; text-align: center; transform: translate3d(0px, 100%, 0px); transition: all 0.5s ease-in-out 0s; z-index: 1;"><span class="description" style="box-sizing: border-box;"><span style="font-size: small;">Les émeutes après la mort de Nahel sont une crise de plus qui en disent long sur l'état de la France. De quoi inquiéter au plus haut point l'essayiste Pierre-Henri Tavoillot.</span></span><span style="box-sizing: border-box; margin-top: 0.5rem;"><span style="font-size: small;">© KHANH RENAUD POUR « LE POINT »</span></span></figcaption></div></figure><div class="DateAndShareLinks" style="align-items: center; box-sizing: border-box; display: flex; justify-content: space-between; list-style: none; margin: 1.5rem 0px 0px; padding: 0px; position: relative; text-align: left; width: 660px;"><span class="Date" face=""Fira Sans Condensed", FiraReplace, sans-serif" style="box-sizing: border-box; color: #4a4a4a; flex: 0 0 auto; font-variant-ligatures: none; line-height: 2.4rem; margin-top: 0px;">Publié le <time class="DateTime" datetime="2023-07-01T17:30" style="box-sizing: border-box;">01/07/2023 à 17h30</time></span><ul class="ShareLinks" style="box-sizing: border-box; display: flex; flex: 1 1 auto; justify-content: flex-end; line-height: 1.4; list-style: none; margin-bottom: 0px; margin-top: 0px; padding: 0px; width: 18.5rem;"><li class="ItemFacebook" data-network-title="Facebook" style="box-sizing: border-box; padding: 0px 0.8rem; position: relative;"><a class="Icon--share-facebook IconButton" href="https://w.lpnt.fr/2527001f" style="align-items: center; background: 0px 0px; border-radius: 50%; border: 0.1rem solid rgb(211, 212, 213); box-sizing: border-box; color: #4a4a4a; display: inline-flex; height: 3rem; justify-content: center; line-height: 2.5rem; min-width: 32px; outline: 0px; padding: 0px; text-decoration-line: none; vertical-align: middle; width: 3rem;"></a></li><li class="ItemTwitter" data-network-title="Twitter" style="box-sizing: border-box; padding: 0px 0.8rem; position: relative;"><a class="Icon--share-twitter IconButton" href="https://w.lpnt.fr/2527001t" style="align-items: center; background: 0px 0px; border-radius: 50%; border: 0.1rem solid rgb(211, 212, 213); box-sizing: border-box; color: #4a4a4a; display: inline-flex; height: 3rem; justify-content: center; 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padding: 10px 0px 15px; position: relative; width: 660px;"><p style="box-sizing: border-box; color: #666666; font-style: italic; line-height: 1.4; margin: 0px 0px 10px; text-align: left;"><img alt="Premium" height="20" src="https://static.lpnt.fr/static/img/logo/static-1687471912/p-abonne.svg" style="border: 0px; box-sizing: border-box; height: auto; max-width: 100%; vertical-align: middle;" width="20" /> Lecture audio réservée aux abonnés</p><div class="etx-player" data-credit-text-color="#666" data-duration="721.4" data-link-disabled="true" data-listen-text-color="#666" data-listen-text-font="Fira Sans" data-main-color="#666" data-play-btn-align="-8px" data-play-btn-color="#FFF" data-play-btn-icon="straight-full" data-play-btn-radius="10px" data-time-color="#666" data-track-bg-color="#f9f9f92b" data-url="https://lecture-audio.lpnt.fr/0f41bda5-d549-507d-bde2-c42375b77c6a.mp3" data-v="2.2.8" style="-webkit-tap-highlight-color: rgba(0, 0, 0, 0); background-color: #ffedb8; border-radius: 10px; 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position: relative; user-select: none; width: 0px;"></span></button></div><div class="facade-container-track" style="-webkit-font-smoothing: antialiased; -webkit-tap-highlight-color: rgba(0, 0, 0, 0); box-sizing: border-box; font-family: var(--listenTextFont, "Roboto"),sans-serif; user-select: none; width: 602px;"><div class="facade-container-label" style="-webkit-box-align: center; -webkit-box-pack: justify; -webkit-font-smoothing: antialiased; -webkit-tap-highlight-color: rgba(0, 0, 0, 0); align-items: center; box-sizing: border-box; cursor: default; display: flex; font-family: var(--listenTextFont, "Roboto"),sans-serif; justify-content: space-between; margin-bottom: 1px; position: relative; user-select: none;"><span class="facade-label" color="var(--listenTextColor, var(--mainColor, #163860))" face=""fira sans condensed", FiraReplace, sans-serif" style="-webkit-font-smoothing: antialiased; -webkit-tap-highlight-color: rgba(0, 0, 0, 0); box-sizing: border-box; font-weight: 600; height: 22px; left: 1px; letter-spacing: 0.01px; line-height: 22px; margin-left: 0px; overflow: hidden; position: relative; text-overflow: ellipsis; text-wrap: nowrap; top: 1px; user-select: none;">Écouter cet article</span><div class="facade-brand" style="-webkit-box-align: center; -webkit-font-smoothing: antialiased; -webkit-tap-highlight-color: rgba(0, 0, 0, 0); align-items: center; box-sizing: border-box; display: flex; font-family: var(--listenTextFont, "Roboto"),sans-serif; position: relative; top: 0px; user-select: none;"><span class="facade-brand-powered" color="var(--creditTextColor, #828282)" face="var(--listenTextFont, "Roboto"),sans-serif" style="-webkit-font-smoothing: antialiased; -webkit-tap-highlight-color: rgba(0, 0, 0, 0); box-sizing: border-box; cursor: default; display: flex; padding-right: 3px; user-select: none;">Powered</span><span class="facade-brand-powered-by" color="var(--creditTextColor, #828282)" face="var(--listenTextFont, "Roboto"),sans-serif" style="-webkit-font-smoothing: antialiased; -webkit-tap-highlight-color: rgba(0, 0, 0, 0); box-sizing: border-box; cursor: default; padding-right: 4px; user-select: none;">by</span><span class="facade-brand-powered-by-trademark" face="var(--listenTextFont, "Roboto"),sans-serif" style="-webkit-font-smoothing: antialiased; -webkit-tap-highlight-color: rgba(0, 0, 0, 0); box-sizing: border-box; user-select: none;"><span color="var(--creditTextColor, #828282)" face="var(--listenTextFont, "Roboto"),sans-serif" style="-webkit-font-smoothing: antialiased; -webkit-tap-highlight-color: rgba(0, 0, 0, 0); box-sizing: border-box; display: inline-block; font-weight: 700; user-select: none;">ETX Studio</span></span></div></div><div class="facade-progress" style="-webkit-font-smoothing: antialiased; -webkit-tap-highlight-color: rgba(0, 0, 0, 0); bottom: 3px; box-sizing: border-box; font-family: sans-serif; left: 0px; line-height: 1.15; min-height: 30px; padding-top: 2px; position: relative; text-align: left; user-select: none;"><span style="font-size: small;"><input max="0" style="-webkit-box-flex: 0; -webkit-font-smoothing: antialiased; -webkit-tap-highlight-color: rgba(0, 0, 0, 0); appearance: none; background: rgba(172, 166, 187, 0.4); border-radius: 3px; border-width: 0px; box-shadow: rgba(0, 0, 0, 0.14) 0px 1px 0px inset, rgba(255, 255, 255, 0.25) 0px 1px 0px; flex-grow: 0; font-family: var(--listenTextFont, "Roboto"),sans-serif; height: 0px; left: 0px; line-height: 18px; margin: 0px; max-width: 100%; padding: 2.5px 0px; pointer-events: all; position: relative; top: 0px; touch-action: manipulation; transition: none 0s ease 0s; user-select: none; vertical-align: middle; width: 463.539px;" type="range" value="0" /></span><span class="facade-duration" color="var(--timeColor, #ababab)" face=""fira sans condensed", FiraReplace, sans-serif" style="-webkit-font-smoothing: antialiased; -webkit-tap-highlight-color: rgba(0, 0, 0, 0); box-sizing: border-box; display: block; float: right; margin: 0px; padding: 0px; position: relative; text-align: right; top: 1px; user-select: none; width: 70px;">00:00/12:01</span></div></div></div></div></div></header><div class="ArticleBody like-content" data-content-type="mainEntityOfPage" data-sticky="top:0px" data-text-size="100" style="background-color: white; box-sizing: border-box; font-family: "pt serif", serif; margin-bottom: 3rem;"><p style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;"><span class="dflt-txt__lettrine" style="box-sizing: border-box; float: left; line-height: 0.75; margin: 0.09818em 0.16364em 0px 0px; text-transform: uppercase;">L'</span>auteur de <em style="box-sizing: border-box;"><a class="Link" href="https://www.lepoint.fr/monde/pierre-henri-tavoillot-les-rois-subsistent-parce-que-le-peuple-le-veut-bien-08-08-2021-2438183_24.php" style="border-bottom: 0.1rem solid rgb(216, 12, 12); box-sizing: border-box; color: black; text-decoration-line: none;" title=""><em style="box-sizing: border-box;">Comment gouverner un peuple-roi</em></a> </em>(éditions Odile Jacob) est inquiet. Il n'est pourtant pas de ceux qui se plaisent à tirer la sonnette d'alarme et à prophétiser la catastrophe. Mais son diagnostic, qui s'appuie sur une analyse des relations entre le <em style="box-sizing: border-box;">cratos</em>, le pouvoir, et le <em style="box-sizing: border-box;">demos</em>, le peuple, et de leurs subtils dosages en démocratie, des rapports entre société et État, laisse entrevoir un degré de décomposition jamais atteint, mis en lumière par <a class="Link" href="https://www.lepoint.fr/societe/mort-de-nahel-lyon-toulouse-nimes-le-recit-de-la-quatrieme-nuit-de-violences-01-07-2023-2526959_23.php" style="border-bottom: 0.1rem solid rgb(216, 12, 12); box-sizing: border-box; color: black; text-decoration-line: none;" title="">les tensions qui parcourent le pays</a> après <a class="Link" href="https://www.lepoint.fr/societe/nahel-un-gamin-de-quartier-a-la-vie-brisee-apres-un-controle-routier-30-06-2023-2526925_23.php" style="border-bottom: 0.1rem solid rgb(216, 12, 12); box-sizing: border-box; color: black; text-decoration-line: none;" title="">la mort du jeune Nahel à Nanterre</a>.</p><p style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;">Les séparatismes jettent bas les masques, alimentés par une force majeure de l'échiquier politique, des forces très distinctes nouent des alliances objectives avec pour ennemi commun l'État et la République, depuis longtemps affaiblis, qui face à cette politique du pire, vacillent sur leurs fondamentaux. Quand un pays se réduit à des camps retranchés, quand le fossé s'élargit entre ces camps, quand on sort les armes avant de débattre, l'heure est grave en effet. La reprise en main sera dure et conflictuelle, prédit l'essayiste.</p><section class="mbl txtcenter" style="box-sizing: border-box; clear: both; margin-bottom: 30px; text-align: center;"><div class="txtcenter mbs slotpub" data-google-query-id="CJzEru7V8v8CFRZQpAQdxGEL8g" id="IN_CONTENT" style="align-items: flex-start; background-attachment: initial; background-clip: initial; background-color: #f1f2f3; background-origin: initial; background-position: 50% 50%; background-repeat: no-repeat; background-size: initial; background: url("https://static.lpnt.fr/static/img/logo/placeholder3.svg") center center no-repeat rgb(241, 242, 243) !important; box-sizing: border-box; display: flex; justify-content: center; margin-bottom: 10px; min-height: 400px;"><div id="google_ads_iframe_/132876432/LePoint_Desktop/Societe/Societe_Article/IN_CONTENT_0__container__" style="box-sizing: border-box; position: sticky; top: 80px; width: 660px;"><iframe aria-label="Advertisement" data-google-container-id="3" data-load-complete="true" frameborder="0" height="1" id="google_ads_iframe_/132876432/LePoint_Desktop/Societe/Societe_Article/IN_CONTENT_0" marginheight="0" marginwidth="0" name="google_ads_iframe_/132876432/LePoint_Desktop/Societe/Societe_Article/IN_CONTENT_0" role="region" scrolling="no" style="border-style: initial; border-width: 0px; box-sizing: border-box; display: block; margin-left: auto; margin-right: auto; vertical-align: bottom;" tabindex="0" title="3rd party ad content" width="1"></iframe><div class="teads-inread sm-screen" style="box-sizing: content-box; height: 331px; margin: 0px auto; max-width: 550px; overflow: hidden; transition: height 0s ease 0s;"><div style="box-sizing: border-box; margin-bottom: 0px; margin-left: 0px; margin-right: 0px; position: relative;"><div class="teads-ui-components-adchoices" style="background-attachment: initial; background-clip: initial; background-color: initial; background-origin: initial; background-position: 100% 50%; background-repeat: no-repeat; background-size: 15px 15px; background: url("data:image/svg+xml;base64,PHN2Zw0KICB2ZXJzaW9uPSIxLjEiDQogIGJhc2VQcm9maWxlPSJmdWxsIg0KICB4bWxucz0iaHR0cDovL3d3dy53My5vcmcvMjAwMC9zdmciPg0KICA8c3R5bGU+DQogICAgLyogPCFbQ0RBVEFbICovDQogICAgLmFkY2hvaWNlcyB7DQogICAgICB0ZXh0LXJlbmRlcmluZzogZ2VvbWV0cmljUHJlY2lzaW9uOw0KICAgICAgZmlsbC1vcGFjaXR5OiAxLjA7DQogICAgICBmaWxsOiAjMDBhZWNkOw0KICAgICAgc3Ryb2tlOiBub25lOw0KICAgIH0NCiAgICAvKiBdXT4gKi8NCiAgPC9zdHlsZT4NCiAgPHN2ZyBjbGFzcz0iYWRjaG9pY2VzIiB4PSIwcHgiPg0KICAgIDxjaXJjbGUgY3g9IjYiIGN5PSI2IiByPSIwLjY3Ij48L2NpcmNsZT4NCiAgICA8cGF0aCBkPSJNNC4yLDExLjNRMy4zLDExLjgsMy4zLDEwLjc1TDMuMyw0LjFRMy4zLDMuMSw0LjMsMy41TDEwLjQsNy4wUTEyLjAsNy41LDEwLjQsOC4wTDYuNjUsMTAuMEw2LjY1LDcuNzVhMC42NSwwLjY1LDAsMSwwLC0xLjMsMEw1LjM1LDEwLjc1YTAuOSwwLjksMCwwLDAsMS4zLDAuOEwxMi43LDguMlExMy43LDcuNSwxMi43LDYuN0wzLjMsMS42UTIuMiwxLjMsMS44LDIuNUwxLjgsMTIuNVEyLjIsMTMuOSwzLjMsMTMuM0w0LjgsMTIuNUEwLjMsMC4zLDAsMSwwLDQuMiwxMS4zWiI+PC9wYXRoPg0KICA8L3N2Zz4NCjwvc3ZnPg0K") 100% center / 15px 15px no-repeat; box-sizing: border-box; cursor: pointer; font-family: arial; height: 15px; line-height: 15px; margin-bottom: 0px; padding: 1px; position: absolute; right: 5px; top: 3px; width: 15px; z-index: 1;"></div><div class="teads-ui-components-label" style="box-sizing: border-box; color: #585858; font-family: Helvetica, Arial, sans-serif; height: 21px; letter-spacing: 0.3px; line-height: 21px; margin-bottom: 0px; text-transform: uppercase;"></div><div class="teads-ui-components-label" style="box-sizing: border-box; color: #585858; font-family: Helvetica, Arial, sans-serif; height: 21px; letter-spacing: 0.3px; line-height: 21px; margin-bottom: 0px; text-transform: uppercase;"><br /></div></div></div></div></div></section><p style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;"><span class="glbl-red" style="box-sizing: border-box; color: #d80c0c; font-weight: 700;">Le Point : </span><span style="box-sizing: border-box; font-weight: 700;">On invoque depuis quelques jours l'usage de la violence légitime, monopole d'État, une référence à Hobbes, à Max Weber, et même à Carl Schmitt. Cette référence vous semble-t-elle opportune ?</span></p><p kameleoonlistener-iegg="true" style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;"><span class="glbl-red" style="box-sizing: border-box; color: #d80c0c; font-weight: 700;">Pierre-Henri Tavoillot :</span> Même si l'expression peut être contestée, elle me paraît indispensable. Cet usage légitime de la violence est un pilier de l'ordre collectif. Comme l'écrivait Hobbes, les citoyens acceptent de se soumettre au monstre de l'État, pour éviter de succomber à un autre monstre, pire encore, un état de nature qui les plonge dans un état de peur permanent. La violence d'État, c'est la violence ponctuelle endiguée par des règles précises. Le choix est entre le monstre étatique et le chaos absolu.</p><section class="mbl txtcenter" style="box-sizing: border-box; clear: both; margin-bottom: 30px; text-align: center;"><div class="txtcenter mbs slotpub" data-google-query-id="CI2q8-7V8v8CFcRxpAQdj7sEJA" id="IN_CONTENT_SCROLL" style="align-items: flex-start; background-attachment: initial; background-clip: initial; background-color: #f1f2f3; background-origin: initial; background-position: 50% 50%; background-repeat: no-repeat; background-size: initial; background: url("https://static.lpnt.fr/static/img/logo/placeholder3.svg") center center no-repeat rgb(241, 242, 243) !important; box-sizing: border-box; display: flex; justify-content: center; margin-bottom: 10px; min-height: 480px;"><div id="google_ads_iframe_/132876432/LePoint_Desktop/Societe/Societe_Article/IN_CONTENT_SCROLL_0__container__" style="border: 0pt none; box-sizing: border-box; position: sticky; top: 80px;"><br /></div></div></section><blockquote class="Blockquote" style="box-sizing: border-box; clear: both; color: #4a4a4a; font-family: "fira sans condensed", FiraReplace, sans-serif; font-variant-ligatures: none; hyphens: manual; line-height: 2.7rem; margin: 4rem 0px; max-width: 100%; padding: 2.5rem 0px 0px; position: relative; text-align: center;"><span class="q" style="box-sizing: border-box; quotes: "« " " »";"><span class="Q" style="box-sizing: border-box; display: block;"><i>On assiste à une distorsion de la désobéissance civile.</i></span></span></blockquote><p style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;"><span style="box-sizing: border-box; font-weight: 700;">Pourquoi estimez-vous qu'elle est contestable ?</span></p><p style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;">Elle est du moins contestée. La démocratie est toujours tentée par le rêve anarchique, c'est sa mauvaise conscience. Certains veulent faire gonfler le <em style="box-sizing: border-box;">demos</em>, le peuple, au détriment du <em style="box-sizing: border-box;">cratos</em>, le pouvoir, mais selon une logique purement individualiste, ce qui aboutit à l'éloge actuel de la désobéissance civile. Elle n'est plus le projet de lutter contre les abus du pouvoir légitime, mais contre toute forme de pouvoir dès qu'il a l'audace de ne pas être en accord avec moi. On assiste à une distorsion de la désobéissance civile, par un dévoiement des droits de l'homme, qui ne concernent plus l'homme en société, mais l'individu contre la société et contre l'État.</p><p style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;"><span style="box-sizing: border-box; font-weight: 700;">Il y a toujours un jeu équilibré entre la société et l'État. Comment le voyez-vous évoluer ?</span></p><section class="mbl txtcenter" style="box-sizing: border-box; clear: both; margin-bottom: 30px; text-align: center;"><div class="txtcenter mbs slotpub" data-google-query-id="CMeDru_V8v8CFYC-JwIdUvwC1w" id="IN_CONTENT_SCROLL_2" style="align-items: flex-start; background-attachment: initial; background-clip: initial; background-color: #f1f2f3; background-origin: initial; background-position: 50% 50%; background-repeat: no-repeat; background-size: initial; background: url("https://static.lpnt.fr/static/img/logo/placeholder3.svg") center center no-repeat rgb(241, 242, 243) !important; box-sizing: border-box; display: flex; justify-content: center; margin-bottom: 10px; min-height: 480px;"><div id="google_ads_iframe_/132876432/LePoint_Desktop/Societe/Societe_Article/IN_CONTENT_SCROLL_1__container__" style="box-sizing: border-box; position: sticky; top: 80px; width: 660px;"><iframe aria-label="Advertisement" data-google-container-id="5" data-load-complete="true" frameborder="0" height="1" id="google_ads_iframe_/132876432/LePoint_Desktop/Societe/Societe_Article/IN_CONTENT_SCROLL_1" marginheight="0" marginwidth="0" name="google_ads_iframe_/132876432/LePoint_Desktop/Societe/Societe_Article/IN_CONTENT_SCROLL_1" role="region" scrolling="no" style="border-style: initial; border-width: 0px; box-sizing: border-box; display: block; margin-left: auto; margin-right: auto; vertical-align: bottom;" tabindex="0" title="3rd party ad content" width="1"></iframe><div class="teads-inread sm-screen" style="box-sizing: content-box; height: 399px; margin: 0px auto; max-width: 550px; overflow: hidden; transition: height 0s ease 0s;"><div style="box-sizing: border-box; margin-bottom: 0px; margin-left: 0px; margin-right: 0px; position: relative;"><div class="teads-ui-components-adchoices" style="background-attachment: initial; background-clip: initial; background-color: initial; background-origin: initial; background-position: 100% 50%; background-repeat: no-repeat; background-size: 15px 15px; background: url("data:image/svg+xml;base64,PHN2Zw0KICB2ZXJzaW9uPSIxLjEiDQogIGJhc2VQcm9maWxlPSJmdWxsIg0KICB4bWxucz0iaHR0cDovL3d3dy53My5vcmcvMjAwMC9zdmciPg0KICA8c3R5bGU+DQogICAgLyogPCFbQ0RBVEFbICovDQogICAgLmFkY2hvaWNlcyB7DQogICAgICB0ZXh0LXJlbmRlcmluZzogZ2VvbWV0cmljUHJlY2lzaW9uOw0KICAgICAgZmlsbC1vcGFjaXR5OiAxLjA7DQogICAgICBmaWxsOiAjMDBhZWNkOw0KICAgICAgc3Ryb2tlOiBub25lOw0KICAgIH0NCiAgICAvKiBdXT4gKi8NCiAgPC9zdHlsZT4NCiAgPHN2ZyBjbGFzcz0iYWRjaG9pY2VzIiB4PSIwcHgiPg0KICAgIDxjaXJjbGUgY3g9IjYiIGN5PSI2IiByPSIwLjY3Ij48L2NpcmNsZT4NCiAgICA8cGF0aCBkPSJNNC4yLDExLjNRMy4zLDExLjgsMy4zLDEwLjc1TDMuMyw0LjFRMy4zLDMuMSw0LjMsMy41TDEwLjQsNy4wUTEyLjAsNy41LDEwLjQsOC4wTDYuNjUsMTAuMEw2LjY1LDcuNzVhMC42NSwwLjY1LDAsMSwwLC0xLjMsMEw1LjM1LDEwLjc1YTAuOSwwLjksMCwwLDAsMS4zLDAuOEwxMi43LDguMlExMy43LDcuNSwxMi43LDYuN0wzLjMsMS42UTIuMiwxLjMsMS44LDIuNUwxLjgsMTIuNVEyLjIsMTMuOSwzLjMsMTMuM0w0LjgsMTIuNUEwLjMsMC4zLDAsMSwwLDQuMiwxMS4zWiI+PC9wYXRoPg0KICA8L3N2Zz4NCjwvc3ZnPg0K") 100% center / 15px 15px no-repeat; box-sizing: border-box; cursor: pointer; font-family: arial; height: 15px; line-height: 15px; margin-bottom: 0px; padding: 1px; position: absolute; right: 5px; top: 3px; width: 15px; z-index: 1;"></div><div class="teads-ui-components-label" style="box-sizing: border-box; color: #585858; font-family: Helvetica, Arial, sans-serif; height: 21px; letter-spacing: 0.3px; line-height: 21px; margin-bottom: 0px; text-transform: uppercase;"><br /></div></div></div></div></div></section><p style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;">C'est le couple fondateur de nos sociétés libérales. D'un côté, une société composée d'individus qui non seulement vivent ensemble, mais veulent vivre en commun de façon collective ; de l'autre, un État qui garantit que les libertés de chaque individu ne soient pas menacées par celle des autres. Le libéralisme, c'est cette double limitation : une société qui limite la puissance de l'État, toujours tenté d'en abuser ; un État qui freine l'aspiration de l'individu à dominer les autres. Les deux doivent se limiter réciproquement dans un juste équilibre délicat On en revient à la phrase cruciale de Paul Valéry : « Quand l'État est fort, il nous écrase ; s'il est trop faible, nous périssons. »</p><blockquote class="Blockquote" style="box-sizing: border-box; clear: both; color: #4a4a4a; font-family: "fira sans condensed", FiraReplace, sans-serif; font-variant-ligatures: none; hyphens: manual; line-height: 2.7rem; margin: 4rem 0px; max-width: 100%; padding: 2.5rem 0px 0px; position: relative; text-align: center;"><span class="q" style="box-sizing: border-box; quotes: "« " " »";"><span class="Q" style="box-sizing: border-box; display: block;"><i>Du côté de la société, l’esprit du commun se dissout dans la fragmentation d’identités individuelles qui s’estiment chacune dotées d’un droit de veto universel.</i></span></span></blockquote><p style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;"><span style="box-sizing: border-box; font-weight: 700;">Cet équilibre vous semble aujourd'hui balayé ?</span></p><p style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;">Il est remis en cause des deux côtés. Du côté de l'État, car il est devenu un monstre impuissant, entravé par des normes excessives, par un espace public toxico-frénétique et par une mondialisation qui réduit sa marge de manœuvre. Du côté de la société, l'esprit du commun se dissout dans la fragmentation d'identités individuelles qui s'estiment chacune dotées d'un droit de veto universel. Une société des individus n'est pas contradictoire à condition de la concevoir de manière dynamique comme une société qui produit des individus qui produisent ensuite de la société. Ce second processus est en partie déglingué.</p><section class="mbl txtcenter" style="box-sizing: border-box; clear: both; margin-bottom: 30px; text-align: center;"><div class="txtcenter mbs slotpub" data-google-query-id="CNbjjfDV8v8CFaBApAQd19sEwA" id="IN_CONTENT_SCROLL_3" style="align-items: flex-start; background-attachment: initial; background-clip: initial; background-color: #f1f2f3; background-origin: initial; background-position: 50% 50%; background-repeat: no-repeat; background-size: initial; background: url("https://static.lpnt.fr/static/img/logo/placeholder3.svg") center center no-repeat rgb(241, 242, 243) !important; box-sizing: border-box; display: flex; justify-content: center; margin-bottom: 10px; min-height: 480px;"><div id="google_ads_iframe_/132876432/LePoint_Desktop/Societe/Societe_Article/IN_CONTENT_SCROLL_2__container__" style="border: 0pt none; box-sizing: border-box; position: sticky; top: 80px;"><br /></div></div></section><p style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;"><span style="box-sizing: border-box; font-weight: 700;">Pourquoi ce dysfonctionnement de la société ?</span></p><p style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;">Il est l'expression d'un triple séparatisme qui s'exprime de manière spectaculaire aujourd'hui dans les émeutes. Un séparatisme délinquant où les territoires perdus de la République ne le sont pas pour tout le monde. Le trafic de drogue crée un monde parallèle qui, en général, préfère le calme, mais de temps à autre aime à rappeler qu'il ne veut pas d'État chez lui. Nous y sommes. Il y a ensuite un séparatisme « frériste » (selon l'expression judicieuse et rigoureuse de Florence Bergeaud-Blackler), qui voit dans les démocraties occidentales des terres de conquête pour le califat mondial. On le voit également à l'œuvre aujourd'hui, accompagné d'un antisémitisme décomplexé. Il y a, enfin, un séparatisme politique ultragauchiste où l'on voit La France insoumise sortir de plus en plus de l'arc républicain, inciter à la rébellion et franchir de nombreuses lignes jaunes, voire rouges. Sur le plan politique, on peut comprendre la stratégie rationnelle de Mélenchon.<a class="Capsule free" href="https://www.lepoint.fr/societe/florence-bergeaud-blackler-nous-ne-sommes-plus-qu-une-poignee-a-encore-oser-travailler-sur-l-islamisme-24-05-2023-2521519_23.php" style="border-radius: 1.3rem; box-shadow: rgba(0, 0, 0, 0.15) 0px 0.6rem 1.6rem; box-sizing: border-box; clear: both; color: #4a4a4a; display: block; margin: 4rem 0px 3rem; padding: 3rem 2rem 2rem; position: relative; text-decoration-line: none;" title=""><span class="Phylactery" face=""fira sans condensed", FiraReplace, sans-serif" style="align-items: center; background-color: #d80c0c; border-radius: 0.5rem; box-sizing: border-box; color: white; display: inline-flex; font-variant-ligatures: none; height: 2.4rem; left: 2rem; line-height: 0; margin-bottom: 1.2rem; padding: 1.4rem 1rem; position: absolute; text-transform: uppercase; top: 0px; transform: translateY(-50%);">À LIRE AUSSI</span><span class="strong" style="box-sizing: border-box; font-weight: 700;">« Nous ne sommes plus qu'une poignée à encore oser travailler sur l'islamisme »</span></a><span style="box-sizing: border-box; font-weight: 700;">Quand Mélenchon associe de manière répétée la mort au pilier de l'État qu'est la police, laquelle serait incontrôlée, estimez-vous qu'il contribue à souffler sur les flammes et à saper cette autorité ?</span></p><p style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;">J'ai été frappé par sa déclaration : « Ne nous demandez pas d'appeler à l'ordre, nous appelons à la justice. » C'est une manière irresponsable de se placer du côté du chaos au nom d'une justice qui, par ailleurs, faisait son travail. On voit bien que, les voies normales d'accès au pouvoir lui étant barrées, il a sciemment choisi la stratégie agonistique, du non-compromis, dans l'espoir secret que le chaos lui permettra de tirer les marrons des feux d'artifice. De là, sa tactique pour flatter les autres séparatismes qu'il tente de récupérer et dont il fait ses armées de réserve avec ce discours convenu : les délinquants sont des victimes de l'injustice ; les islamistes sont des victimes de l'islamophobie.</p><div class="mts" style="box-sizing: border-box; clear: both; margin-top: 10px;"><div class="reset-text mtm mbm" style="box-sizing: border-box; margin-bottom: 20px; margin-top: 20px;"><div class="art-twitter" style="box-sizing: border-box;"><div class="twitter-tweet twitter-tweet-rendered" style="box-sizing: border-box; display: flex; margin-bottom: 10px; margin-left: auto !important; margin-right: auto !important; margin-top: 10px; margin: 10px auto; max-width: 550px; width: 550px;"><br /></div></div></div></div><p style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;"><span style="box-sizing: border-box; font-weight: 700;">Pour qu'un incendie se propage, il faut des éléments et un terrain favorables. Pourquoi, comme en 2005, le feu des émeutes prend-il alors qu'il y a deux ans encore, avec la pandémie, on croyait l'État plus fort et plus régalien que jamais ?</span></p><p style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;">Après le feuilleton de la réforme des retraites, après les grèves, on pouvait penser que la population aurait besoin de renouer avec une forme de tranquillité. Mais s'agit-il de la même population ? Il semble qu'on arrive au bout d'un processus de désinhibition de la violence et de l'action violente entamée avec les Gilets jaunes. Par ailleurs, le phénomène de séparatisme est arrivé à maturité, à masse critique. On voit bien qu'une partie de la population a décidé de ne plus se laisser imposer les lois de la République pourtant généreuse avec elle, mais dont les infrastructures symboliques sont visées : écoles, médiathèques, transports, salles de sport…</p><p style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;"><a class="Capsule premium" href="https://www.lepoint.fr/politique/mort-de-nahel-a-nanterre-les-lecons-politiques-de-la-crise-de-2005--29-06-2023-2526745_20.php" style="border-radius: 1.3rem; box-shadow: rgba(0, 0, 0, 0.15) 0px 0.6rem 1.6rem; box-sizing: border-box; clear: both; color: #4a4a4a; display: block; margin: 4rem 0px 3rem; padding: 3rem 2rem 2rem; position: relative; text-decoration-line: none;" title=""><span class="Phylactery" face=""fira sans condensed", FiraReplace, sans-serif" style="align-items: center; background-color: #ffbb00; border-radius: 0.5rem; box-sizing: border-box; color: white; display: inline-flex; font-variant-ligatures: none; height: 2.4rem; left: 2rem; line-height: 0; margin-bottom: 1.2rem; padding: 1.4rem 1rem; position: absolute; text-transform: uppercase; top: 0px; transform: translateY(-50%);">À LIRE AUSSI</span><span class="strong" style="box-sizing: border-box; font-weight: 700;">Mort de Nahel à Nanterre : les leçons politiques de la crise de 2005</span></a>Quand on y réfléchit, ce sont là les ennemis du repli communautaire, car ils sont des portes ouvertes vers l'extérieur. Enfin, rappelons l'abstentionnisme massif qui a marqué nos élections. Que traduit-il ? Qu'on ne croit plus à l'utilité de voter pour des élus qui avouent du reste qu'ils ne peuvent pas faire grand-chose et qu'on pense être plus efficace en étant activiste.</p><p style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;"><span style="box-sizing: border-box; font-weight: 700;">C'est un clivage, un fossé entre deux visions du monde ?</span></p><p style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;">Deux visions du monde s'affrontent, oui, une culture et une contre-culture au sens large. D'un côté, ceux qui sont pour la République ; de l'autre, ceux qui sont contre. Voilà pourquoi La France insoumise joue un jeu très dangereux.</p><blockquote class="Blockquote" style="box-sizing: border-box; clear: both; color: #4a4a4a; font-family: "fira sans condensed", FiraReplace, sans-serif; font-variant-ligatures: none; hyphens: manual; line-height: 2.7rem; margin: 4rem 0px; max-width: 100%; padding: 2.5rem 0px 0px; position: relative; text-align: center;"><span class="q" style="box-sizing: border-box; quotes: "« " " »";"><span class="Q" style="box-sizing: border-box; display: block;"><i>L’islamisme woke ne devrait pas exister normalement, pourtant, il se met en place.</i></span></span></blockquote><p style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;"><span style="box-sizing: border-box; font-weight: 700;">Dans le passé, en 1934 ou en 1940, par exemple, la République a eu des ennemis qui ont voulu l'abattre. Quelle spécificité attribuez-vous au moment que nous traversons ?</span></p><p style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;">Il est placé sous le signe de la convergence de deux antagonismes qui ont noué une alliance objective. D'un côté, une approche holistique, fondamentaliste, qui voit, par exemple, la laïcité comme une oppression des communautés. De l'autre, une approche hyperindividualiste qui perçoit cette laïcité comme une oppression des individus en général, des minorités en particulier. L'islamisme woke ne devrait pas exister normalement, pourtant, il se met en place par cette alliance qui fait qu'il y a à la fois un Al-Jazira pour les vieux et, pour les jeunes, un féminisme islamique, un éco-islamisme. L'idée de République est attaquée par ces deux camps que tout oppose sauf la haine de la civilisation démocratique occidentale.</p><p style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;"><span style="box-sizing: border-box; font-weight: 700;">Face à cette contestation de l'État, celui-ci a-t-il le choix de la riposte ?</span></p><p style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;">Pas vraiment. Si l'État avoue son impuissance, il n'y a aucune raison que la démocratie fonctionne. Si le <em style="box-sizing: border-box;">cratos</em> ne fait pas preuve de son efficacité, la promesse démocratique sera définitivement trahie. Et au bénéfice de quoi ? D'un modèle illibéral de démocratie, c'est-à-dire d'un <em style="box-sizing: border-box;">cratos</em> qui dit au <em style="box-sizing: border-box;">demos</em> : « On s'occupe de tout ; pas la peine de vous déplacer ! » Le problème aujourd'hui est que la critique de l'État impuissant aggrave l'impuissance de l'État. L'idée d'intérêt général qui justifie son existence et légitime son action a de plus en plus de mal à apparaître clairement.</p><p style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;"><span style="box-sizing: border-box; font-weight: 700;">N'y a-t-il pas le spectre de la guerre civile qui prospère sur des sociétés décomposées ?</span></p><p style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;">Reprendre la main ne va pas être aisé. Et il est impossible que cela se fasse dans la douceur. Ce sera douloureux, car nous avons pris l'habitude d'une société pacifiée, où la recherche du compromis avec des décisions à moitié tranchées est la norme. La cote était mal taillée, mais chacun s'en satisfaisait. Désormais, le défi est existentiel et les solutions vont inévitablement créer une conflictualité qu'on a oubliée depuis la fin de la guerre d'Algérie.</p><p style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;"><a class="Capsule premium" href="https://www.lepoint.fr/societe/emeutes-apres-la-mort-de-nahel-ceux-qui-esperent-le-chaos-30-06-2023-2526892_23.php" style="border-radius: 1.3rem; box-shadow: rgba(0, 0, 0, 0.15) 0px 0.6rem 1.6rem; box-sizing: border-box; clear: both; color: #4a4a4a; display: block; margin: 4rem 0px 3rem; padding: 3rem 2rem 2rem; position: relative; text-decoration-line: none;" title=""><span class="Phylactery" face=""fira sans condensed", FiraReplace, sans-serif" style="align-items: center; background-color: #ffbb00; border-radius: 0.5rem; box-sizing: border-box; color: white; display: inline-flex; font-variant-ligatures: none; height: 2.4rem; left: 2rem; line-height: 0; margin-bottom: 1.2rem; padding: 1.4rem 1rem; position: absolute; text-transform: uppercase; top: 0px; transform: translateY(-50%);">À LIRE AUSSI</span><span class="strong" style="box-sizing: border-box; font-weight: 700;">Émeutes après la mort de Nahel : ceux qui espèrent le chaos</span></a>Les questions posées sont claires et il faudra y répondre clairement : désire-t-on encore vivre ensemble ? Préfère-t-on débattre que se battre ? Veut-on vraiment la guerre civile ? Depuis les Gilets jaunes, on assiste à un passage à la limite. C'est comme dans certains repas de famille ratés : un mot de trop (en général au dessert) et tout part en vrille ; les ressentiments accumulés surgissent brutalement. Les Grecs avaient un mot pour cela : la tragédie, soit le retour brutal du chaos dans le cosmos.</p><p style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;"><span style="box-sizing: border-box; font-weight: 700;">Le seul recours est-il donc celui à une autorité réaffirmée ?</span></p><p style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;">Elle est d'ailleurs ce à quoi à tout le monde aspire, y compris les séparatismes. Dans un rapport de forces, si l'autre est fort, les choses sont claires. Or, la République a depuis longtemps affiché sa faiblesse. On a trop longtemps dit que les islamistes étaient gentils et inoffensifs, que la méchante société était l'unique responsable de la délinquance, et que l'extrême gauche était bien plus présentable que l'extrême droite. Il faut donc de l'autorité, mais pas n'importe quelle autorité : celle de la République, qui se définit très précisément non comme domination, mais comme responsabilité : son but n'est pas d'opprimer, mais de faire grandir. Et cela passe, n'importe quel parent en fait l'expérience, par de la clarté, de la rigueur et de la discipline.</p><p style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;"><span style="box-sizing: border-box; font-weight: 700;">On vous sent inquiet…</span></p><div class="BeOpVSlot" style="box-sizing: border-box; clear: both; height: 1px;"></div><div class="BeOpDisplaySlot BeOpPBSlot sl_158689" id="slot_0" style="box-sizing: border-box; clear: both; margin: 0px auto; text-align: center;"></div><div class="BeOpWidget-36bf549f-81a3-48b2-bde1-b75d24f704db" style="box-sizing: border-box; clear: both; width: 660px;"></div><p style="box-sizing: border-box; line-height: 1.4; margin-bottom: 1rem; margin-top: 0px;">Je le suis. On a tous le sentiment d'une accélération inquiétante des crises en France, qui se succèdent pour des motifs différents, accompagnés de secousses répétées : Gilets jaunes, pandémie, guerre en Ukraine, réforme des retraites, et maintenant ces émeutes, qui ne touchent pas que les banlieues. Dans mon métier d'enseignant, cela fait maintenant six ans que nous n'avons pas eu un semestre d'études complet à la Sorbonne. Six ans ! Le pire, c'est qu'on s'habitue à cette anormalité. Le plus effrayant, c'est quand une situation est scandaleuse et que nous commençons à la trouver normale.</p></div>Page perso de Pierre-Henri TAVOILLOThttp://www.blogger.com/profile/15414603971965208116noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6011776800030606500.post-89769672010411628012023-06-16T00:34:00.004-07:002023-06-16T00:39:03.666-07:00La querelle des jours fériés<p> </p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">Chronique LCP du 15 juin 2023</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><b>Le bac de philo est passé, les vacances approchent, c’est, pour vous, le bon moment de revenir sur la polémique récente sur les jours fériés. </b></div><div style="text-align: justify;"> Oui, c’est une question qui revient régulièrement et qui a été relancée récemment par le maire de Grenoble Eric Piole au moment où le ministre de l’intérieur notait le très fort absentéisme des élèves pour l’Aïd-el-Fitr, la fin du ramadan. Contre ce qu’il percevait comme de la discrimination Eric Piole avançait deux propositions. D’abord de supprimer certains jours fériés (par exemple Pentecôte), pour le remplacer par d’autres célébrations, comme celle de l’abolition de l’esclavage qui est férié dans les départements d’OM (mais à des dates différentes). Personnellement je trouve que c’est une proposition pertinente (ce fut l’objet d’une proposition de loi trans-partisane de 2018 qui plaidait pour le 2 février). Ensuite, il proposait d’ouvrir les jours fériés à d’autres religions comme l’avait déjà fait, en 2003, la Commission Stasi. Sans remettre en cause le calendrier, elle notait que « la République s’honorerait en reconnaissant les jours les plus sacrés des deux autres grandes religions monothéistes présentes en France, les bouddhistes organisant leur fête annuelle principale un dimanche de mai. » Je suis beaucoup moins convaincu par cette idée. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"> <b>Les jours fériés religieux restent donc un point de friction entre les cultes et la république laïque</b> </div><div style="text-align: justify;"> Oui, mais il faut bien noter que c'est toujours la République qui a le dernier mot. La France a 11 jours fériés (c’est la moyenne européenne), dont 6 sont liés à des fêtes religieuses catholiques. Sous l’Ancien Régime, il y en avait près de 50 ! Et la Révolution, malgré sa tentative de table rase calendaire, a eu bien du mal à faire le tri. Arrive Napoléon, bien décidé à mettre bon ordre. Il le fait de manière rationnelle en conciliant Ancien Régime et Révolution à partir d’un principe simple : un jour férié par saison. La Toussaint pour l’automne ; Noël pour l’hiver ; l’Ascension au printemps et l’Assomption en été (fête qui d’ailleurs était déjà « nationale » depuis Louis XIII).
Il reste deux jours : comme par hasard, ce sont des lundi — le lundi de Pâques et le lundi de Pentecôte. Et ce ne sont pas des fêtes religieuses : ils sont le fruit de revendications des marchands pour se reposer des fêtes.
La genèse du dimanche chômé est tout aussi surprenante : la Révolution le supprime, la Restauration le restaure, la République le supprime à nouveau en 1880. Il faut attendre la catastrophe de Courrières, le 10 mars 1906 dans le bassin minier du Nord pour que les Républicains acceptent l’idée d’un repos hebdomadaire indispensable pour les ouvriers. C’est une exigence de la CGT et chacun s’accorde, un an après la loi de 1905, sur le dimanche ! </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><b> Napoléon, les marchands, la CGT : ces jours chômés, dit religieux, ne le sont guère ! ou du moins pas seulement.</b> </div><div style="text-align: justify;"> Tout à fait : rappeler cette histoire permet de redire que le contraire de la laïcité, ce n’est pas la religion, mais le fondamentalisme qui lui prétend vouer tous les jours de l’année à une seule religion, du matin au soir, 24h sur 24h. C’est contre cet impérialisme chronophage du fondamentalisme que la laïcité construit un compromis évolutif entre plusieurs dimensions de la vie : les mœurs nationales, les spiritualités individuelles, l’utilité sociale et la symbolique collective. Il n’y a pas que la religion dans la vie, mais il peut y avoir du religieux : voilà le grand message de la laïcité.
</div>Page perso de Pierre-Henri TAVOILLOThttp://www.blogger.com/profile/15414603971965208116noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6011776800030606500.post-69822266301993178032023-06-16T00:29:00.006-07:002023-06-16T00:31:39.411-07:00Ici, on peut être soi … mais ça dépend du soi<p> « Ici on peut être soi », c'est le slogan de la campagne contre les LGBT+ phobies à l'école comme au lycée. </p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgZHzA63_3Pao224ouqnC4ndSVLwHJawbgfMp0K78XgisCsy7UM2IHH5MJFoHmoZoehZ1n8Nf_D6NxPkOL_UJCbUC3E4S52re5fHd50Dh38j3MAnzSgRX0tP42OGBd1Or9bQgWp5SNjidqm8NnfSL4z5rMqMhXPXSaP9jgfBNVSDOqvKpjgdjjZUKV0AQ/s261/download-1.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="261" data-original-width="193" height="261" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgZHzA63_3Pao224ouqnC4ndSVLwHJawbgfMp0K78XgisCsy7UM2IHH5MJFoHmoZoehZ1n8Nf_D6NxPkOL_UJCbUC3E4S52re5fHd50Dh38j3MAnzSgRX0tP42OGBd1Or9bQgWp5SNjidqm8NnfSL4z5rMqMhXPXSaP9jgfBNVSDOqvKpjgdjjZUKV0AQ/s1600/download-1.jpg" width="193" /></a></div><p>Louable et salutaire intention, tant la question de l'homophobie est très loin d'être réglée à l'école, mais quel mauvais slogan, au moment où fleurissent les abayas dans les établissements scolaires. </p><p>L'objection du « deux poids deux mesures » saute aux yeux : pourquoi certains (les LGBT+) auraient-ils plus le droit d'être des moi que les autres (les jeunes musulmanes) ? </p><p>Pour l'éviter une seule mention supplémentaire aurait suffit :</p><p>ICI ON PEUT ETRE SOI … dans les respect des autres et de la loi</p><p><br /></p>Page perso de Pierre-Henri TAVOILLOThttp://www.blogger.com/profile/15414603971965208116noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6011776800030606500.post-34317366951501885092023-06-07T10:09:00.003-07:002023-06-09T10:35:49.717-07:00A propos du livre de Florence Bergeaud-Blackler sur le frérisme<p><a href="https://www.info-flash.com/info-flash/actualites/france/occitanie/pyrenees-orientales/27083-le-vivier/55870675-information.html"></a></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://www.info-flash.com/info-flash/actualites/france/occitanie/pyrenees-orientales/27083-le-vivier/55870675-information.html" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="675" data-original-width="1200" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgBQmMBNT6nc_7hERTbCEiqmInCa8PY87dR3kRQPIMB5Wd0TKFnHWgqomx8v6YEHdOkKac3Q0IG-5jxImq5CV7xk5CcVKgoGEXIEjepCa9eBVCnPOfO24xfhEm_sOp_qNNWDzrZO7f4WlpSyVuUvuHGRNCABu-cQJ61NlkiSPvdpqAalqUP4sS2kPZCeA/s320/Fxjq8QFWIAo59rR.jpg" width="320" /></a></div><br />Chronique (lien vidéo) LCP du 1er juin<p></p><p> </p><div style="text-align: justify;"><i><br /></i></div><div style="text-align: justify;"><i>Vous souhaitez revenir sur le livre de Florence Bergeaud-Blackler, Le frérisme et ses réseaux (Odile Jacob), dont on a beaucoup parlé notamment quand la Sorbonne a décidé de suspendre la conférence qu’elle devait y prononcer. </i></div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Je suis l’organisateur de cette conférence dans le cadre du Diplôme « référent laïcité » et elle aura bel et bien lieu vendredi 2 juin 2023. Mais je voudrais rappeler le contexte de cette affaire. Florence Bergeaud-Blackler est anthropologue, chargée de recherche au CNRS, spécialiste de la place de l’islam dans les sociétés occidentales. Elle s’était fait notamment connaître par un livre remarquable sur « le marché du Halal » (Seuil, 2017), rappelant l’histoire en fait très récente de cette « tradition inventée » et de ses usages géopolitiques. En janvier 2023, elle publie le Frérisme et ses réseaux (Odile Jacob) préfacé par Gilles Kepel et, très vite, elle est la cible de critiques virulentes, puis de menaces de mort considérées comme suffisamment sérieuses pour justifier une protection policière.
Pour vous, c’est un livre important et courageux.
En effet, son idée force consiste à identifier un phénomène, qu’elle appelle le « frérisme », qui désigne une constellation cohérente qui comprend à la fois des penseurs majeurs (El-Banna, créateur de la confrérie des frères musulmans «» Mawdudi, al-Qaradawi), des activistes et influenceurs (Tarik Ramadan mais aussi d’autres youtubeurs très connectés), ainsi qu’une foultitude d’organisations diverses (intégrées aux institutions démocratiques). </div><div style="text-align: justify;">Cette constellation est caractérisée par deux traits principaux : un objectif commun et une stratégie similaire. </div><div style="text-align: justify;">1) L’objectif, partagé avec tous les courants du revivalisme musulman, est l’instauration d’un califat mondial (ou Etat islamique universel) ; mais cet objectif, pour le frérisme, doit être poursuivi non seulement dans les pays traditionnellement musulmans, mais aussi et peut-être surtout dans les pays démocratiques occidentaux. </div><div style="text-align: justify;">2) Pour la réalisation de cet objectif, le frérisme se distingue aussi bien du salafisme (qui vise la défense d’une pureté) que du jihadisme (qui promeut l’attaque et le terrorisme) en ce qu’il met en œuvre trois types de moyens : d’abord, une tactique d’influence et d’entrisme utilisant les espaces de liberté démocratiques ; ensuite, la diffusion d’une orthopraxie (voile, halal, abayas, …) qui permet l’affirmation d’une identité visible et vindicative ; et, enfin, la dénonciation de l’islamophobie. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><i>C’est ce dernier point qui favorise sa diffusion</i>. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Oui, car l’islamophobie est un concept confus, à spectre très large, puisqu’il englobe aussi bien la simple critique de l’islam (qui est parfaitement légitime dans tout Etat laïque) que l’appel à la haine raciale (punie par la loi dans un Etat de droit). </div><div style="text-align: justify;">Sous cette même appellation, on mélange donc tout, ce qui permet à la mouvance « frériste » de s’agréger une partie de la gauche ,— ce qu’on appelle l’islamogauchisme — qui y voit l’opportunité d’une lutte commune contre le capitalisme occidental néocolonial à l’égard du « sud global ». </div><div style="text-align: justify;">Il est aussi rejoint par une partie du libéralisme : le néolibéralisme woke anglo-saxon qui y voit la possibilité d’un combat contre l’Etat républicain, laïque et national qu’il prétend dépasser. </div><div style="text-align: justify;">Ce sont ces alliances, contre nature, qui expliquent quelques bizarreries du temps : par exemple, l’émergence d’un « feminisme islamiste » (« mon voile mon choix ») de la part d’un système qui est clairement patriarcal ; ou encore « le décolonialisme islamiste », issu d’un courant explicitement impérialiste ; ou même l’ « l’antiracisme islamiste », de la part d’un mouvement qui se nourrit d’antisémitisme. Il y a même un « éco-islamisme ». </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><i>Le livre fait débat</i> </div><div style="text-align: justify;"> </div><div style="text-align: justify;">Il fait polémique mais pas vraiment débat, puisqu’il y a très peu de contestation étayée des thèses de l’ouvrage. On lui reproche son islamophobie bien sûr, mais j’ai dit la faible valeur du concept. On dénonce un côté complotiste, allant même jusqu’à le comparer aux Protocoles des sages de Sion. Et on l’accuse de n’être pas de bonne méthode scientifique. Ces trois critiques me semblent largement infondées, parce que l’ouvrage réussit à mêler la perspective historique, l’étude critique des idéologies et une enquête sur les réseaux institutionnels en Europe. C’est rigoureux, et non conspirationniste, parce que la thèse, nourrie par une information impressionnante, s’expose à la réfutation. Et cette réfutation, … eh bien on l’attend toujours.
</div>Page perso de Pierre-Henri TAVOILLOThttp://www.blogger.com/profile/15414603971965208116noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6011776800030606500.post-61932951177547969062023-05-15T09:30:00.001-07:002023-05-15T09:33:28.658-07:00Emission C Politique sur France 5 <p> Dimanche 14 mai 2023 — Emission C Politique</p><p><br /></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://www.france.tv/france-5/c-politique/c-politique-saison-14/4877575-emission-du-dimanche-14-mai-2023.html" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;" target="_blank"><img border="0" data-original-height="938" data-original-width="1902" height="198" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiDyWks_Je1AVMNZJPNvQQUINM0dR5xrpD1tjbF1xDNW7pmuQJUSAkAXxN16DLa77Z3fCAr40feJFU7xnj7gt3nEb_Ej-tm_cUk7YyRuXt6ziqS2X5W0DnSoURopjJjWCXh3tqwtAZGf4LLd1PXJtZCHDz71A5Kcj_dB9SDdWZSXvfeBUjdpzO0xAL6zg/w400-h198/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-05-15%20a%CC%80%2018.26.48.png" width="400" /></a></div><p><a href="https://www.france.tv/france-5/c-politique/c-politique-saison-14/4877575-emission-du-dimanche-14-mai-2023.html">https://www.france.tv/france-5/c-politique/c-politique-saison-14/4877575-emission-du-dimanche-14-mai-2023.html</a></p><p><br /></p>Page perso de Pierre-Henri TAVOILLOThttp://www.blogger.com/profile/15414603971965208116noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6011776800030606500.post-18809544786066048152023-05-11T23:42:00.005-07:002023-05-17T00:03:54.101-07:00Le verrou du débat sur l'immigration<p><a href="https://twitter.com/LCP/status/1656729366905094149" target="_blank"> </a><i><a href="https://twitter.com/LCP/status/1656729366905094149" target="_blank">Chronique LCP du 10 mai 2023 —</a> </i></p><p style="text-align: justify;"><b></b></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><b><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEibrsS8UdVXkj5stjoHFQBvFNs650H1a2YtnlxAONelFIEt4_yBcQK60SwclBTt88hFZqIxlXgRKHvTk8C8lq_p0-lbXCEDYLcp3BfLlejMYLTS0Fiz5b11t5hHasCyK4sr68Cfaa0j-DD5dPLCusRVU6h0lh_bB0G-jpkSeFd7CN9Eyewra_gwKZpInA/s275/download-1.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="183" data-original-width="275" height="146" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEibrsS8UdVXkj5stjoHFQBvFNs650H1a2YtnlxAONelFIEt4_yBcQK60SwclBTt88hFZqIxlXgRKHvTk8C8lq_p0-lbXCEDYLcp3BfLlejMYLTS0Fiz5b11t5hHasCyK4sr68Cfaa0j-DD5dPLCusRVU6h0lh_bB0G-jpkSeFd7CN9Eyewra_gwKZpInA/w220-h146/download-1.jpg" width="220" /></a></b></div><b><i><br /></i></b><p></p><p style="text-align: justify;"><b><i>Alors qu’en matière d’immigration le gouvernement tergiverse et que la droite s’anime, vous souhaitez revenir sur le débat français. </i></b></p><p style="text-align: justify;"><span> </span>Oui. Il y a eu depuis 1980, 29 lois sur l’immigration, soit une tous les 17 mois. Or, le bilan est cruel : au lieu de résoudre ou même d’identifier le problème, on a une accumulation de mesures contradictoires qui n’a fait que le rendre encore plus opaque. Je cite un rapport ancien du sénateur François-Noël Buffet qui disait que la politique française était maltraitante envers les migrants légaux, et bienfaisante à l’égard des illégaux. Bref, on a affaire à un mélange singulier d’injustice, d’inefficacité et d’absurdité, démultiplié par un dispositif judiciaire permettant d’innombrables recours redondants et contradictoires … jusqu’à la CEDH. </p><p style="text-align: justify;"><b><i>Mais pour vous cette situation est moins une cause qu’une conséquence : de quoi ?</i></b> </p><p style="text-align: justify;"> Je pense qu’elle est la conséquence d’une dépolitisation de la question migratoire en France. Le terme peut surprendre tant le débat semble clivé. Mais justement si l’on tente de formuler la question politique de l’immigration ; cela tient en une phrase : la France a besoin, pour sa puissance, d’une immigration qui représente un danger pour sa société. Nécessaire, parce qu’il y a une contraction de la démographie qui met en péril l’économie et la protection sociale ; elle est néanmoins périlleuse parce que l’afflux incontrôlé de population étrangère déstabilise de nombreux territoires. On devrait partir de ce dilemme. Or, ce n’est manifestement pas le cas. </p><p style="text-align: justify;"><b><i>Où se situe le débat selon vous ? </i></b></p><p style="text-align: justify;">
Le débat s’est depuis longtemps déplacé de la politique à la morale. Il oppose deux thèses qui étouffent un véritable traitement politique : à ma droite, le Grand méchant remplacement ; à ma gauche, la jolie gentille créolisation.</p><p style="text-align: justify;">Toutes deux dénoncent un ethnocide en cours. Côté « remplaciste », c’est celui du peuple français chrétien au nom de la mondialisation ; côté « créoliste », c’est celui des minorités opprimées au nom de l’assimilation. </p><p style="text-align: justify;">Toutes deux s’appuient sur des réalités. Oui, l’histoire a connu des grands remplacements (le premier serait celui de Neandertal par Sapiens) et oui la créolité est un fait, aux Antilles et à la Réunion, au Brésil, … </p><p style="text-align: justify;">Toutes deux ont leurs théoriciens fétiches. Le pape « remplaciste » est Renaud Camus (même s’il y en a d’autres avant lui) qui est animé par une peur et deux haines. Peur d’une disparition du peuple français, à la fois par extinction, par dilution et par invasion. Double haine des populations invasives non blanches (en particulier musulmanes) et des élites mondialisées, complices cyniques du processus d’annihilation.
Le théoricien de la créolisation, c’est Edouard Glissant, qui la définit non comme une identité particulière, mais comme une alchimie qui produit de l’identité à partir de la différence (la langue créole) et qui produit de la différence à partir des identités (toutes les nuances du métissage). Cette créolisation n’est pas seulement un fait local, elle est un processus global qui doit être promu et diffusé. </p><p style="text-align: justify;">On le voit, comme souvent dans les oppositions frontales, les points communs sont plus nombreux que les différences. En fait, les deux positions s’accordent sur l’idée d’une disparition du peuple français avec une simple inversion des signes : l’une considère que c’est une catastrophe tandis que l’autre y voit une merveilleuse nouvelle. Elles en déduisent deux projets politiquement irréalisables (sauf pour une dictature) : restaurer une pureté perdue et imposer le métissage ! </p><p style="text-align: justify;"><b><i>D’où le blocage ?</i></b> </p><p style="text-align: justify;">En effet, l’énorme inconvénient de cette opposition entre mixophobie et mixophilie (pour reprendre les termes de Pierre-André Taguieff) c’est qu’elle est vaine et ne produit qu’effets de manche et excommunications réciproques. Elle empêche d’aborder de front l'unique vraie question politique : comment la France doit-elle procéder avec une immigration à la fois nécessaire pour sa puissance et périlleuse pour sa cohésion ? Le seul fait de parvenir à formuler cette question serait, en France, un immense progrès.</p>Page perso de Pierre-Henri TAVOILLOThttp://www.blogger.com/profile/15414603971965208116noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6011776800030606500.post-31757721012854606232023-04-28T02:35:00.003-07:002023-04-28T23:09:58.935-07:00Les vraies raisons de la colère<p> Tribune parue dans <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/societe/pierre-henri-tavoillot-les-vraies-raisons-de-la-colere-des-francais-20230426">Le Figaro, 27 avril 2023</a></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhdCy-uAd66ITbHOWQdVsKYbVtTmLWMCXs-xJ6w0x2HQK6jww3L4fP03Gg40ke_4wZ0tqf05-vlyEFKDTqBT_J6ShSfKUmqwmLvkniWS_3FhTsPcsVDP751_azpEPvYjEiIzk_5BBXoKTv43QqaLREopUjTZ9YaUu2YtbdiYhZOBi_WhJmsoKPRA_uCBg/s236/download-3.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="236" data-original-width="214" height="236" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhdCy-uAd66ITbHOWQdVsKYbVtTmLWMCXs-xJ6w0x2HQK6jww3L4fP03Gg40ke_4wZ0tqf05-vlyEFKDTqBT_J6ShSfKUmqwmLvkniWS_3FhTsPcsVDP751_azpEPvYjEiIzk_5BBXoKTv43QqaLREopUjTZ9YaUu2YtbdiYhZOBi_WhJmsoKPRA_uCBg/s1600/download-3.jpg" width="214" /></a></div><span style="font-size: x-small;"><div style="text-align: center;">Jérôme Bosch, <i>Extraction de la pierre de folie</i> (vers 1501)</div></span><div><br /></div><div style="text-align: justify;">La France est en colère. C’est vrai. Mais il me semble que ce n’est ni à cause de la réforme des retraites ni du fait du seul président. Les vraies raisons de la colère me semblent venir d’une autre source. Aujourd’hui tout converge pour exiger du citoyen qu’il trouve normal ce qui est anormal. </div><div style="text-align: justify;">Il est normal de dépenser toujours plus pour une école qui fait toujours moins. Il est normal de laisser le trafic de drogue transformer nos villes en champ de bataille. Il est normal d’accepter que les délinquants ne soient pas punis. Il est normal de financer des associations qui proclament leur haine de la France et leur détestation de l’Etat. Il est normal de ne pas songer à maîtriser ses flux migratoires sauf à être raciste. Il est normal d’accepter que des squatters occupent impunément des logements. Il est normal d’attendre six mois une carte d’identité dont la détention est obligatoire, sauf pour les « sans papier ». Il est normal que le pays s’endette astronomiquement, laissant croire qu’on peut toujours trouver l’argent « là où il est », c’est-à-dire dans nos impôts. Il est normal que les prestations sociales ne fassent l’objet d’aucun contrôle, car ce serait une abjecte discrimination. Il est normal d’exalter des zadistes qui foulent glorieusement au pied toutes les règles de la vie collective. Il est normal d’accepter que le Conseil d’Etat condamne l’Etat qu’il conseille à verser pour « inaction climatique » 10 millions d’euros d’astreinte à des associations militantes. Il est normal que les droits de l’homme en société (ceux de 1789) se transforment en droits humains contre la société (ceux de la Cours européenne des droits de l’homme). </div><div style="text-align: justify;">Arendt tout comme Orwell décrivaient le système totalitaire comme un dispositif d’inversion complète : l’absurde devient réalité et la réalité devient absurde. Si nous n’en sommes pas encore là, nous en prenons le chemin. </div><div style="text-align: justify;">Comment l’expliquer ?
J’y vois l’expression d’une triple culpabilité : à la fois sociale, coloniale et environnementale. Celle-ci concerne surtout des élites qui peuvent se permettre le luxe de la mauvaise conscience et de la haine de soi puisque leur quotidien est assuré. Cette France-là a conservé du catholicisme la coulpe mais, dépourvue de confession et de perspective de salut, elle ne trouve plus d’exutoire vers une quelconque espérance. Installée confortablement dans ce péché qu’elle cultive, elle fabrique cette anormale normalité ou cette normale anormalité qui exaspère l’autre France. </div><div style="text-align: justify;">On s’interroge doctement sur la montée de son abstention, alors qu’elle vient très simplement du fait que les politiques s’abstiennent de faire de la politique, tétanisés par une suspicion moralisatrice. Pourquoi voter pour des gens qui avouent eux-mêmes leur impuissance et qui, par ailleurs, contribuent à diffuser l’idée que tous les politiques sont corrompus ? « Moraliser » la vie politique, réduire les mandats, éviter les cumuls, augmenter les contre-pouvoirs, exiger la démocratie participative … tout cela accrédite l’idée qu’on a raison de se méfier d’eux et contribue à accroître encore plus leur impotence. Alors que la démocratie représentative a un besoin vital d’eux et, encore plus vital, de la confiance en eux. </div><div style="text-align: justify;">Les élus ne sont pas seuls en cause. Les citoyens que nous sommes les incitons à une démagogie qu’on ne cesse de leur reprocher. On exige toujours plus de pouvoir d’achat tout en dénonçant l’endettement ; on désire toujours plus de protection en revendiquant davantage de libertés. </div><div style="text-align: justify;">De leur côté, les contre-pouvoirs accumulés (cours, autorités indépendantes, médias, …) alimentent continuellement la méfiance, puisque c’est le fond de commence de leur propre existence.
Tel est le drame actuel. Le constat de l’impuissance publique, au lien d’entraîner un sursaut d’action, produit un désir accu de contrôle, d’empêchement, de procès, de critiques et de blocages de l’action publique. </div><div style="text-align: justify;">C’est un cercle vicieux, dont il sera – ne nous le cachons pas — très difficile de sortir. Car face à lui, la tentation radicale est grande de quitter l’Etat de droit et de démonter tous les contre-pouvoirs et tous les contrôles démocratiques. Cela s’appelle l’illibéralisme qui entend, au nom de l’efficacité et du « bonheur » du peuple, prendre certaines (voire toutes) libertés avec les libertés.
Tel est le défi de la démocratie libérale d’aujourd’hui. Sans perdre de vue les toujours possibles abus de pouvoir, il lui faut limiter les abus de contre-pouvoirs dans le cadre d’un Etat de droit soucieux de s’autolimiter sans se nier. On marche sur un fil ! </div><div style="text-align: justify;">Mais quiconque saura rendre crédible, au-delà des bonnes paroles, le fait de redonner aux Français la maîtrise de leur destin en respectant les piliers institutionnels, celui-là pourra prétendre apaiser la colère des Français. Cela suppose de remettre un curseur fiable entre ce qui est normal et anormal dans une démocratie moderne. Cela suppose aussi de faire le tri entre la légitime colère et ses usages démagogiques.</div><div style="text-align: justify;"> </div><div style="text-align: justify;">Pierre-Henri Tavoillot
</div>Page perso de Pierre-Henri TAVOILLOThttp://www.blogger.com/profile/15414603971965208116noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6011776800030606500.post-52407884403492362842023-03-31T00:35:00.002-07:002023-03-31T00:35:35.552-07:00Violence politique : de la pratique à la théorie<p> </p>Chronique LCP du 2023-03-30- <div>Violence politique : de la pratique à la théorie </div><div><br /></div><div style="text-align: justify;"><i>Vous souhaitez revenir sur la thématique qui occupe beaucoup l’actualité : la violence politique. </i></div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Oui, car, chaînes d’information oblige, on voit beaucoup d’images, mais on oublie un peu les idées. Or, la violence en politique n’est jamais gratuite, elle est toujours justifiée par une théorie qu’il faut bien avoir à l’esprit si l’on veut tenter de l’éviter. Et je voudrais prendre deux exemples de nature très différente. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><i>Le premier est le phénomène black Block. </i></div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">On connaît bien désormais cette appellation qui désigne une tactique utilisée par les militants de l’anarchisme radical. Il s’agit de profiter de la moindre manifestation pour la faire dégénérer et en récupérer un bénéfice de notoriété. C’est la stratégie dite « du coucou ». Quelle est l’idéologie derrière ? On peut la résumer en une phrase : face à un ordre qui produit du désordre, il faut créer un désordre qui produit de l’ordre. L’ordre qui produit du désordre, c’est l’Etat, puissance autoritaire et liberticide, allié au capitalisme : il détruit les vies individuelles. Il faut donc en détruire toutes les expressions – c’est pour cela que le mobilier urbains, les banques, le Mc Do … sont visés —. Pour que de sa destruction émerge un nouvel ordre enfin respectueux des libertés individuelles. Les anarchistes partagent avec les néo-libéraux la détestation de l’Etat, mais ils se séparent sur la question du Marché que ceux-ci adorent et que ceux-là abhorrent. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><i>Deuxième exemple, la tactique du « coup d’éclat permanent » de la France insoumise </i></div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Là il ne s’agit pas de détruire le pouvoir, mais de le conquérir. L’inspiratrice de cette tactique conflictuelle est la philosophe Belge Chantal Mouffe, théoricienne du « populisme de gauche » qui s’inspire elle-même de deux auteurs : Carl Schmitt et Antonio Gramsci. </div><div style="text-align: justify;">• Du très peu gauchiste Carl Schmitt, qui fait plus que flirter avec le parti Nazi, Mouffe reprend l’idée que la politique est conflictuelle : « agonistique », en terme savant. Alors que les libéraux cherchent la négociation, le compromis, le dialogue et le consensus, le populisme cultive le dissensus, voire le clash pour bien montrer qu’il y a, d’un côté, le peuple opprimé et, de l’autre, les élites focalisées sur la défense de leurs intérêts. Celles-ci tentent de convaincre qu’il n’y a qu’une seule politique possible : c’est « bonnet blanc et blanc bonnet ». Aux électeurs, dit Chantal Mouffe, on ne propose plus qu’un choix entre « Coca et Pepsi ». D’où la méfiance. </div><div style="text-align: justify;">• Du marxiste peu orthodoxe Gramsci, Mouffe reprend l’idée de lutte pour « l’hégémonie culturelle », dont Marx considérait qu’elle était secondaire (superstructure) comparativement aux rapports de force économiques et sociaux (infrastructure), c’est-à-dire qu’il faut gagner la bataille des esprits : occuper continuellement l’espace public (les médias et les réseaux sociaux) par des coups d’éclats continuels. </div><div style="text-align: justify;"> </div><div style="text-align: justify;"><i>Cette dernière stratégie contribue, selon vous, à la montée des tensions. </i></div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Oui, mais, sur un diagnostic de départ, qui ne me semble pas du tout erroné et qu’on aurait tort de sous-estimer. Il y a un grave déficit de débat idéologique dans notre pays ; de confrontation de visions du monde claires, cohérentes et différentes.
Mais, et c’est la limite du populisme (de gauche comme de droite), on ne peut pas dire que les visions du monde soient d’une très grande clarté ; la cohérence n’est pas ce qui les caractérise. Il s’agit d’une idéologie molle pour ratisser large.
Et si la méthode de conquête du pouvoir est assez performante, la plausibilité de son exercice réel reste douteuse. </div>Page perso de Pierre-Henri TAVOILLOThttp://www.blogger.com/profile/15414603971965208116noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6011776800030606500.post-90129198011345207582023-03-20T01:16:00.006-07:002023-03-20T01:16:38.660-07:00Il faut sauver le 49.3 <p> Entretien pour le Figaro (20/03/2023)</p><p>https://www.lefigaro.fr/vox/politique/le-coeur-de-la-crise-politique-n-est-pas-l-exces-de-pouvoir-mais-l-impuissance-publique-20230319</p><p>Propos recueillis par Aziliz Le Corre</p><div style="text-align: justify;"><i>1/ Bien que prévu par la Constitution de la Ve République, le recours au 49.3 par le gouvernement sur la question des retraites répond-t-il à l’esprit des institutions et est-il légitime d’un point de vue démocratique ? </i></div><div style="text-align: justify;"> Je suis sidéré que l’on puisse en douter : le 49.3 fait partie de notre Constitution. Loin d’être anecdotique, il est emblématique de l’esprit de la Ve République, conçue pour éviter l’instabilité ministérielle de la IVe. Il a été utilisé notamment pour instaurer la « force de dissuasion nucléaire » (Michel Debré, 1960), la CSG et la création du CSA (Rocard, 1991). Comment ose-t-on l’identifier à un déni de démocratie ? Le penser révèle qu’on n’identifie vraiment pas le cœur de la crise politique qui se situe bien plus dans l’impuissance publique que dans l’excès de pouvoir. C’est cela qui décourage le citoyen d’aller voter : pourquoi participer à des élections qui produisent des élus avouant eux-mêmes leur impotence ? Je rappelle que dans démocratie, il y a demos (peuple), mais aussi cratos (pouvoir). Or, ce pouvoir démocratique s’exerce selon deux règles claires : représentation et majorité. Les 49.3 les respecte toutes les deux. On peut être contre la réforme des retraites, mais on ne peut pas faire de procès en illégitimité au gouvernement. </div><div style="text-align: justify;">Cela dit, les gouvernants eux-mêmes instillent le doute en la matière. Dans la réforme constitutionnelle de 2008, par ailleurs importante, Nicolas Sarkozy a décidé de limiter l’usage de cet article (un par session), car il y voyait le signe d’un « échec politique ». La Première ministre a tenu le même discours. Et je ne parle pas de la NUPES qui le dénonce comme une « dérive dictatoriale » ! Une fois de plus, ce sont les politiques eux-mêmes qui, pour une part, organisent l’incapacité de décider et d’agir. C’est inquiétant : si une réforme aussi modeste que celle des retraites est bloquée qu’en sera-t-il des réformes « dures » : sur l’école, la politique migratoire, le désendettement, les défis environnementaux … ? Le retour du tragique dans l’histoire exige le retour de la politique qu’on a eu un peu trop tendance à considérer comme secondaire, par rapport à l’économie ou au droit. </div><div style="text-align: justify;"><i>2/ Le gouvernement ne risque-t-il pas d’attiser la colère sociale, en renforçant l’idée que le peuple n’est pas écouté ni entendu ?</i> </div><div style="text-align: justify;"> En démocratie, le peuple ne se limite pas à ceux qui manifestent, protestent ou s’opposent. Il est un condensé complexe d’élections, de délibérations, d’expression publiques, de récits collectifs ; de silences aussi … Mais la règle du jeu, qui préside à la vie commune, est que cette forme complexe a une seule expression légale : les élus. C’est à eux qu’il revient in fine de trancher. Si l’on en n’est pas content, on a le droit de protester, mais il faudra attendre les prochaines élections pour en changer. C’est ce qui fait la force de la démocratie représentative : elle n’est pas dans l’immédiateté. D’ailleurs, combien de réformes ont suscité d’énormes oppositions sans qu’il soit question de revenir sur elles, une fois adoptées ! Etre aujourd’hui contre la réforme des retraites revient à être pour celle d’hier. </div><div style="text-align: justify;"><i> 3/ Le gouvernement fait tour à tour preuve de « pédagogie », puis de fermeté. Comment comprenez-vous ce paradoxe ?</i> </div><div style="text-align: justify;"> C’est le paradoxe de l’art politique. Dans tout rapport de force, il faut expliquer, écouter, négocier, puis trancher. Mais, à côté de l’art, il y a la manière. Or celle de présenter la réforme des retraites a été frappée d’une contradiction originelle. Le gouvernement l’a annoncée comme étant à la fois absolument nécessaire (donc de droite) et parfaitement juste (donc de gauche) ! Excellent moyen de ne contenter personne et de cumuler contre elle toutes les oppositions. De mon point de vue, c’est le premier argument qui devait être privilégié. Comment ne pas voir qu’une réforme est impérative au regard 1) De la baisse dramatique de la population active française (et de l’heureuse croissance de l’espérance de vie) 2) de l’endettement sidéral du pays et 3) de la simple comparaison européenne quant à l’âge et à la durée des retraites. Au regard de ces trois données, la réforme proposée est d’une modestie déconcertante au regard du bruit produit. Elle rend inévitable un nouveau psychodrame collectif à très court terme : le septième en 40 ans ! </div><div style="text-align: justify;"><i> 4/ Les scènes de violence auxquelles nous avons assistées, mais aussi les blocages et l’obstruction à l’Assemblée, sont-ils les signes d’une crise démocratique dans notre pays ?</i> </div><div style="text-align: justify;"> Il faut distinguer soigneusement. La véritable violence est assumée par la très minoritaire mouvance anarchiste qui, quel que soit le motif, utilise la moindre manifestation pour réaliser son projet de destruction systématique de l’Etat : c’est la stratégie dite « du coucou ». Les blocages musclés émanent de la CGT, qui cherche à se maintenir face à la fois à la CFDT et à des courants syndicaux plus radicaux. Enfin, il y a l’obstruction et le coup d’éclat permanent des députés LFI. Ils s’inspirent d’une théorie politique, dite « agonistique » (ou rhétorique de combat), empruntée au très peu gauchiste philosophe allemand Carl Schmitt. Face aux courants libéraux qui pratiquent la négociation responsable et le compromis réaliste, le plan est de cultiver le dissensus à tout prix et surtout le mettre en scène en utilisant toutes les techniques modernes. C’est une manière d’occuper le théâtre médiatique et d’y imposer sa marque : on ajoute là Gramsci à Schmitt. De la sorte le citoyen aura le sentiment qu’il est entendu et qu’il reprend la main au moins par le clash, qui flatte sa colère et son ressentiment. C’est une stratégie paradoxale — reprendre le pouvoir en empêchant son fonctionnement ! — et terriblement risquée. Car, focalisée sur la conquête du pouvoir (par le blocage institutionnel), elle n’envisage absolument pas son exercice. D’ailleurs qui obéira à un parti qui a choisi de s’appeler « les insoumis » ? En attendant, très habilement, le RN compte les points pour rafler la mise … d’autant que les autre partis, LR et Renaissance, sont dans un état de délabrement idéologique et stratégique avancé. </div><div style="text-align: justify;"><i>5/ Quelle sera l’issue ?</i> </div><div style="text-align: justify;"> Si l’on veut défendre la démocratie représentative contre les menaces de l’illibéralisme et les rêves fumeux du « participatif », il faut proposer un inventaire clair des priorités politiques. Elles sont redevenues régaliennes : le désendettement, car c’est de la marge de manœuvre politique ; la politique migratoire, car c’est un défi de cohésion ; l’école, l’environnement et la défense, car c’est l’avenir. Cela tient en trois lignes et il n’est pas besoin d’en dire plus : des moyens, une volonté commune, un horizon.</div>Page perso de Pierre-Henri TAVOILLOThttp://www.blogger.com/profile/15414603971965208116noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-6011776800030606500.post-76422194950596398282023-03-09T10:19:00.002-08:002023-03-09T10:19:22.061-08:00Entretien dans Le Point (9/03/2023) à propos de la parution des Actes du Colloque « Après la Déconstruction »<p> </p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi9SUBgsYCATOZqJolXmjM3b800o_Kt4ZE-IPIKkbkQue04tOqSGce_XQ7WTjlE0kMeh0BG7YYf3OoGkOroZMt10OCzICo5yGWrXJjaQ4LXWMn8X_zjF95BNIu08L3laN2nSquiCVTOWBoPDn-P3bInto-GwW4QoHaksNqyz78eulojwT06-vU-dOgkbw/s1564/ITW-%202023-03-POSTILLON_Pierre-Henri%20Tavoillot.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1564" data-original-width="1210" height="398" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi9SUBgsYCATOZqJolXmjM3b800o_Kt4ZE-IPIKkbkQue04tOqSGce_XQ7WTjlE0kMeh0BG7YYf3OoGkOroZMt10OCzICo5yGWrXJjaQ4LXWMn8X_zjF95BNIu08L3laN2nSquiCVTOWBoPDn-P3bInto-GwW4QoHaksNqyz78eulojwT06-vU-dOgkbw/w309-h398/ITW-%202023-03-POSTILLON_Pierre-Henri%20Tavoillot.jpg" width="309" /></a></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><br /></div><br /><br /></div><br /><p></p><div style="text-align: justify;"><b>Pourquoi a-t-il été aussi compliqué d'organiser un colloque appelant à « déconstruire la déconstruction » ?</b></div><div style="text-align: justify;">L’organisation du colloque n’a pas été difficile, car il a été le creuset d’une exaspération partagée par nombre d’universitaires à l’égard de ce qui leur apparaît comme la montée d’un nouvel « ordre moral ». Ecriture inclusive, théorie du genre, théorie critique de la race, prosélytisme trans, … sur tous ces sujets, les indispensables frontières entre la légitime lutte contre les discriminations, l’expression de convictions personnelles, le militantisme et la méthode scientifique sont de plus en plus souvent franchies. Ce qu’on appelle « wokisme » est le lieu flou et fou de ce mélange qui prend les traits d’une « police de la pensée ». Le but du colloque était de tenter de faire un état des lieux et de rappeler la stricte distinction entre la recherche du savant et l’action du militant. C’est sur ces deux points que se sont retrouvés des intellectuels issus d’horizons de pensée et de bords politiques très différents. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><b>Jamais on a vu autant de médias se presser à un colloque de philo à la Sorbonne... tout le monde s'attendait à ce que vous soyez chahutés, voire empêchés, ou annulés, ce qui ne fut pas le cas. Est-ce la preuve que les débats sont encore possibles ?</b> </div><div style="text-align: justify;">Oui et c’est heureux. Je note tout de même quelques bugs. Le Monde a fait paraître une tribune sur le « Colloque de la honte », avant même qu’il ait lieu : étrange procédé. Pendant toute sa durée, un petit groupe de l’UNEF a protesté contre son « islamophobie », sans jamais se donner la peine d’entrer. Plusieurs syndicats universitaires ont protesté en amont contre son déroulement. Il n’en reste pas moins que l’événement a été un succès : plus de 3 000 personnes l’ont suivi sur place ou à distance. Ce qui est en effet rare pour un colloque académique. </div><div style="text-align: justify;"><b>Qu'y a-t-il de si subversif dans le fait de refuser cette démarche de déconstruction permanente ? </b></div><div style="text-align: justify;">
Le mot déconstruction est passé dans le vocabulaire courant alors qu’il est un terme technique de la philosophie. Il s’inscrit dans la postérité des Lumières qui invitait à critiquer les préjugés et les dogmes grâce à la raison humaine. A partir de Schopenhauer et Nietzsche, la démarche s’élargit aux idées humanistes elles-mêmes : contre les Lumières, il faut « philosopher avec le marteau » pour démolir à leur tour les idoles de la raison. Enfin, le terme devient une AOC avec Heidegger (Abbau der Metaphysik) et, surtout, Derrida. Cette démarche est non seulement légitime, mais nécessaire. Elle nous invite à nous méfier des apparences et à « décrypter », comme disent aujourd’hui les journalistes, c’est-à-dire sortir de la caverne des apparences. Une formule de La Rochefoucauld en résume l’intention : « Nos vertus ne sont, le plus souvent, que des vices déguisés ». </div><div style="text-align: justify;">La difficulté est que cet appel à la lucidité se renverse aujourd’hui en son contraire et tend, à travers ce qu’on appelle le « wokisme », à abandonner ce rôle émancipateur pour s’instituer en secte, avec ses dogmes, son inquisition et ses excommunications. Gare à vous si vous pensez que le sexe biologique existe face au genre social ; honte à vous si vous dites que la République (qui a aboli l’esclavage) n’est pas systémiquement raciste et impérialiste ; les ennuis vous guettent si vous affirmez que l’antiracisme dérive quand il catégorise les individus en fonction de leur couleur de peau et prône l’apartheid ; prenez garde, si vous doutez qu’un racisme ou un sexisme « ressentis » suffisent à qualifier un comportement. Si vous vous exigez que le terme de patriarcat soit utilisé avec rigueur, vous serez macho. Et vous serez facho, si vous vous scandalisez que l’on puisse empêcher des conférences, modifier les titres des livres, annuler le passé et déboulonner des statues. … C’est cette déconstruction devenue folle qui était la cible du colloque.</div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><b>Comment décririez-vous la situation dans le monde universitaire ? On a le sentiment que le militantisme prend toujours le pas sur la réalité dans de nombreuses disciplines de sciences humaines...</b> </div><div style="text-align: justify;"> Le monde universitaire est un lieu propice aux idéologies, parce qu’on y traite des idées et parce qu’on y confronte des visions du monde. L’idéologie, pour reprendre la formule d’Alain Besançon, c’est quand on croit qu’on sait et qu’on ne sait pas qu’on croit. J’ajouterai qu’entre la croyance et le savoir, il y a l’opinion. C’est une connaissance incertaine qui ne vaut que par l’échange, la confrontation et le débat. Le risque pour l’université, c’est d’être envahi par les croyances et d’interdire le débat. C’est sur ce point qu’il faut être vigilant, surtout en sciences humaines. Par exemple, si vous croyez (a priori) que le paradigme dominant/dominé est l’unique clé d’explication de la totalité de la société, votre « recherche » ne sera que la confirmation de votre foi première. Mais s’il s’agit seulement d’une opinion, votre production scientifique acceptera les exceptions, les objections, voire les réfutations.
Or, au cœur du wokisme, on trouve ce raisonnement : 1) Le fonctionnement de la société est celui d’une guerre, et même d’une guerre totale. Celle des hommes contre les femmes, des blancs contre les racisés, des hétéros contre les LGBTQI+, de l’humanité contre la nature, de l’Occident contre le reste du monde et surtout contre l’islam. 2) Si vous n’y croyez pas, vous êtes soit naïf soit complice. La déconstruction révèle ces guerres invisibles derrière tous les progrès apparents. 3) Elle permet donc d’en prendre conscience et de se réveiller (woke) ; et 4) enfin, elle invite à combattre les ennemis sans merci (cancel). Voilà ce qu’est le wokisme. </div><div style="text-align: justify;"><b> Avez-vous le sentiment d'avoir fait école, c'est-à-dire d'avoir réussi à initier un mouvement de pensée post déconstruction ?</b> </div><div style="text-align: justify;"> Le colloque a marqué un point de bascule au moins sur la prise de conscience collective des dérives. Il y a un an, le mot « wokisme » était quasi inconnu dans le grand public ; il est devenu courant. Depuis un an, le nombre de publications critiques sur le sujet est impressionnant. Le débat s’est ouvert et « la parole s’est libérée ». C’est un début. </div><div style="text-align: justify;"> </div><div style="text-align: justify;"><b>On vous a décrit comme un rassemblement de profs et de penseurs réactionnaires -dans le meilleur des cas-.</b> <b>Faut-il être réactionnaire, au sens littéral du terme, pour s'opposer à tous les courants radicaux que l'on voit émerger dans le féminisme, l'antiracisme, l'écologie ou l'anticapitalisme ?</b> </div><div style="text-align: justify;">Il suffit de consulter la liste des intervenants pour percevoir l’extrême diversité des opinions politiques et des disciplines représentées. Mais voilà : quand il y a polémique, chaque camp tente de caricaturer l’autre. Donc, allons-y : « tous les anti-woke sont des fachos ». D’ailleurs, « le wokisme n’existe pas ». Et donc, face aux fachos, il faut défendre le wokisme. Curieux raisonnement ! Le but du colloque était de montrer qu’une dérive radicale du féminisme, de l’antiracisme, de l’écologie et de la critique sociale n’avait rien de fatal. Le wokisme ne rend aucun service à ces causes qu’il prétend défendre. Au contraire, par sa radicalité, il les trahit. En quoi ? Parce qu’il s’installe dans le confort d’un schéma préconçu à la fois guerrier et moralisateur — méchants bourreaux contre gentilles victimes — qui ne permet rien d’autre que le conflit.
Le goût pour la réalité des choses et l'approche rationaliste des phénomènes qui nous entourent peuvent-ils constituer un rempart face à ces interprétations militantes ?
Le militantisme a ses vertus, mais le travail universitaire a ses devoirs. Faire un cours ou mener une recherche et intervenir dans les médias, comme je le fais ici, ce n’est pas la même chose. La liberté académique n’autorise pas à professer ses croyances, mais à transmettre son savoir ou exposer son opinion à la critique. Je ne pense pas être ici militant en rappelant cette différence fondamentale.</div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhcKngnniBPzVgIji4nNAdGbZs_o8boRo4tlyDc5HGfZevNK5MVtW7zF2iF8hTYy27DuMTsf_mvL-amIFnVz0ZNifC1t_YmB046oYNbWhSu0fGq83fpE_SGibqmaqZBAnqtb3W9_V9W37mvBaE1qOnjmJ2qMUcVBMi56RyibcKHnyTIN1pU7c7gvMFGFA/s2168/Couv_ApresDeconstruction.jpeg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="2168" data-original-width="1400" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhcKngnniBPzVgIji4nNAdGbZs_o8boRo4tlyDc5HGfZevNK5MVtW7zF2iF8hTYy27DuMTsf_mvL-amIFnVz0ZNifC1t_YmB046oYNbWhSu0fGq83fpE_SGibqmaqZBAnqtb3W9_V9W37mvBaE1qOnjmJ2qMUcVBMi56RyibcKHnyTIN1pU7c7gvMFGFA/w259-h400/Couv_ApresDeconstruction.jpeg" width="259" /></a></div><br /><div style="text-align: justify;"><br /></div>Page perso de Pierre-Henri TAVOILLOThttp://www.blogger.com/profile/15414603971965208116noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6011776800030606500.post-76517201940625834642023-02-12T03:16:00.004-08:002023-05-17T00:07:22.259-07:00La grève et l'origine du monde<p style="text-align: justify;"></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgrWSKXLNiB8gpR7ydRqCrTrm4GOgLoV6QIQ1H-UnnkzmX-t824SWA8Kj_n-4sjTJahoKlvs5W5f-hMSVuEal3PcYTNrDv2Axc-zigaJL6BPkPz4HvpHrW3RiAy-guK3VF7op4GKKy311ONntSvO3Phbq6l-RKOG0hc_LVQHuCh9i9-rSWMdm7I3pgQKA/s259/download-2.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="259" data-original-width="194" height="211" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgrWSKXLNiB8gpR7ydRqCrTrm4GOgLoV6QIQ1H-UnnkzmX-t824SWA8Kj_n-4sjTJahoKlvs5W5f-hMSVuEal3PcYTNrDv2Axc-zigaJL6BPkPz4HvpHrW3RiAy-guK3VF7op4GKKy311ONntSvO3Phbq6l-RKOG0hc_LVQHuCh9i9-rSWMdm7I3pgQKA/w158-h211/download-2.jpg" width="158" /></a></div><br /> Paru dans<a href="https://www.lepoint.fr/debats/la-greve-a-l-origine-du-monde-11-02-2023-2508291_2.php" target="_blank"> <i>Le Point</i> (12/02/2023)</a><p></p><div style="text-align: justify;"><span> </span>Dans un article récent du Point (07/02), Marc Fourny , fait état de la première grève de l’histoire qui eut lieu, nous disent les historiens, en Egypte, à l’époque de Rasmès II, il y a 3175 ans. Il s’agissait alors des ouvriers et artisans chargés de construire et d’entretenir les tombes de la vallée des Rois et des Reines. Voyant leurs conditions de travail se dégrader et surtout leurs salaires non payés, ils se mirent en grève … </div><div style="text-align: justify;"><span> </span>Les fragments d’un des premiers tracts protestataires de l’histoire, les « papyrus de la grève », sont analysés dans l’ouvrage Les régulations sociales dans l’Antiquité (PU Rennes).
Mais, je dois dire qu’avant cette première grève, il y en eut une autre, dont on a aussi gardé la trace écrite. C’était il y a très longtemps, quasiment au début du monde, et avant les humains. A l’époque, vivaient deux catégories de dieux. Il y avait les dieux supérieurs menés par leur roi Enlil et, sous leurs ordres, les divinités de second rang, les Igigis, à qui revenait l’essentiel des tâches terrestres. Leur labeur était rude : ils devaient façonner les montagnes, creuser les lacs, remplir les océans, peindre les plantes, mais surtout nourrir les dieux de la haute, bref : du très gros œuvre ! Tellement pénible qu’un beau jour, les <i>igigis</i> cessèrent le travail et brisèrent leurs outils : premier conflit social de l’histoire. Brutalement le monde fut figé et la nourriture bloquée à la source ! Furieux, Enlil menaça de les massacrer, mais son frère, Ea, comprenant bien que cela ne résoudrait en rien la question alimentaire, préféra négocier. « Je comprends votre cause, camarades, leur dit-il en substance : vos conditions de travail sont harassantes ; voyons ensemble, de manière constructive, si nous pouvons trouver une solution et chacun pourra prendre ses responsabilités ». Ce n’est pas le texte exact, je le confesse, mais c’est l’esprit. </div><div style="text-align: justify;"><span> </span>Au bout d’une longue nuit de concertation, une solution fut trouvée, acceptée même à l’unanimité. Il serait créé une sorte d’assistant chargé d’effectuer les tâches les plus pénibles et répétitives. Ce dernier fournirait également la nourriture à tous les dieux — <i>igigis</i> compris — par ses sacrifices. Aussitôt dit, aussitôt fait : on prit de l’argile ; on y ajouta le sang d’un dieu inutile, immolé pour l’occasion (en l’occurrence, le dieu de la liberté !), puis la déesse mère, Ninmah, acheva le boulot d’animation avec un bon crachat bien placé ! Le tout fut mis dans un four bien chaud et … c’est ainsi que l’homme fut créé. <span> </span>
<span> </span>Cette histoire date du XVIIIe siècle avant J.-C ! Elle est relatée dans un des textes les plus anciens de l’humanité, rédigé en langue sémitique akkadienne, compilation des récits mythologiques de Mésopotamie. Ce sont 1 200 vers gravés sur des tablettes d’argile et que l’on peut toujours admirer avec émotion au British Museum. On les nomme aujourd’hui le Supersage (Atrahasis), du nom du héros de la suite de l’histoire. </div><div style="text-align: justify;"><span> </span>Dans un premier temps, la solution trouvée par Ea fut un total succès. Les Igigis profitaient de leurs RTT et Enlil pouvait dormir en paix. Mais rapidement l’humanité se mit à « croître et se multiplier », et surtout à faire un bruit de tous les diables en travaillant avec ardeur. Le sommeil d’Enlil en fut affecté. Fou de colère (à nouveau), il envoya aux humains toute une série de calamités (épidémies, sauterelles, …) pour tenter de les calmer, avant d’opter pour une solution radicale : les noyer dans un déluge mondial. C’est la première occurrence connue de ce mythe fondateur ! Là encore, Ea, se posera en sage médiateur. Pour sauver les humains de la colère divine et de l’extinction promise, il ordonne par songe à Atrahasis (qui est donc « l’ancêtre » de Noé) de construire une arche afin de sauver les humains et quelques bêtes. </div><div style="text-align: justify;"><span> </span>Une fois le déluge passé, la colère d’Enlil calmée et l’humanité sauvée, Ea proposera de nouvelles solutions très constructives pour limiter la nuisance sonore des hommes. Il inventera la maladie, la vieillesse et la mort, bref tout ce qui justifie que les hommes aient ensuite éprouvé le besoin d’inventer la « retraite ». La boucle est ainsi bouclée : c’est bien la grève des dieux d’antan qui est la cause de la grève des humains d’aujourd’hui … enfin surtout des Français.</div>Page perso de Pierre-Henri TAVOILLOThttp://www.blogger.com/profile/15414603971965208116noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6011776800030606500.post-33421813045316509042023-02-12T03:09:00.007-08:002023-02-12T03:11:40.057-08:00Entretien sur les Retraites pour le Figaro (10/02/2023)<p><a href="https://www.lefigaro.fr/vox/societe/le-debat-sur-les-retraites-est-a-la-fois-hyper-compassionnel-et-ultra-technocratique-20230210" target="_blank"> <i>Le Figaro (10/02/2023) — </i>Eugénie Bastié</a></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiFSHBJZxQsnwK7bkNeSSCLi98cOcqPB7owABiCe0Rh1KN2qO2-PWr7Rr8xbpOyjyA61sCdzjgPWKHfp5S8WTvSTjFXgPDVjdedLTg2inP28uzsl9JN47NRpbdEj1iAXLPLr7cEv1LKIOzMiOIa76QPJBLcbOWNsUuz6Ec5_Gxou8AX1Lmt9tCZz0znkw/s225/download-1.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="225" data-original-width="225" height="151" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiFSHBJZxQsnwK7bkNeSSCLi98cOcqPB7owABiCe0Rh1KN2qO2-PWr7Rr8xbpOyjyA61sCdzjgPWKHfp5S8WTvSTjFXgPDVjdedLTg2inP28uzsl9JN47NRpbdEj1iAXLPLr7cEv1LKIOzMiOIa76QPJBLcbOWNsUuz6Ec5_Gxou8AX1Lmt9tCZz0znkw/w151-h151/download-1.jpg" width="151" /></a></div><p></p><i>
Quel nouveau rapport à la vieillesse se dévoile selon vous dans l’attachement viscéral que manifestent les français à l’âge de la retraite à 62 ans?</i> <div><div style="text-align: justify;"><span> </span>La retraite a changé de sens. Elle fut d’abord inventée pour un être un « secours » contre l’indigence sénile et permettre un bref de temps de repos après une longue vie de labeur. « Aujourd’hui vieillesse est synonyme de pauvreté » : c’est la phrase choc du rapport Laroque de 1960, qui marque le début en France de la retraite pour tous, une des plus formidables réussites de l’Etat providence. C’est pourtant Bismarck qui en inaugure le dispositif (en 1891) avec l’intention de couper l’herbe sous les pieds des revendications socialistes. A l’époque, on disait méchamment (déjà) de son invention qu’elle était une « retraite pour les morts », puisque rares étaient les ouvriers qui parvenaient à atteindre l’âge légal (65 ans). La retraite d’aujourd’hui n’a plus du tout la même fonction. Avec l’augmentation de l’espérance de vie, dont il faut rappeler l’ampleur — 40 ans en 1900 ; 80 aujourd’hui, soit une vie entière de plus — elle est devenue le financement d’une nouvelle tranche de vie : un temps offert à l’épanouissement personnel après une vie de labeur de plus en plus courte. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><i>Ce qui se dégage de ces manifestations, c’est que les Français n’aiment pas leur travail. N’y a-t-il pas un malaise profond autour du travail ?</i> </div><div style="text-align: justify;"><span> </span>Oui, le travail a autant changé que la retraite Aujourd’hui, il occupe en moyenne entre 10 et 15 % de notre existence : il commence plus tard (23 ans en France), finit plus tôt (65 ans), avec une durée hebdomadaire moindre (35 heures), des congés payés, et une vie beaucoup plus longue. Cela dit, s’il occupe moins notre temps, il nous prend plus la tête qu’avant, car ses frontières sont devenues floues. Grande angoisse de ceux qui n’en ont pas encore (les jeunes) ou plus (les chômeurs), il est la grande souffrance de ceux qui en ont, mais trouvent toujours qu’ils en ont trop. A la pénibilité physique, qui touche moins de métiers, s’est substituée d’autres maux : ennui, pression et isolement professionnels … En fait l’hétérogénéité du travail est devenue considérable, ce qui rend moins lisible le système général par répartition : chacun a de très bonnes raisons de se sentir lésé, oublié, méprisé, … et ce, quelle que soit la réforme. </div><div style="text-align: justify;"> Pour autant, il ne faut pas négliger le fait que si la retraite est un droit, elle est aussi une rupture critique dans le cours de l’existence. Comme avec la naissance du premier enfant, c’est tout le quotidien qui se trouve chamboulé. Mais alors qu’un enfant apporte du lien et du plein (parfois trop !), la retraite est menacée par le rien. Elle est loin d’être l’âge d’or que l’on décrit parfois : plus d’agenda, un relationnel amputé, une identité incertaine, un sentiment d’inutilité sociale, … L’arrêt brutal de l’activité professionnelle n’est pas bon du tout pour l’espérance de vie. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><i>Certains soulignent l’injustice générationnelle de cette réforme : une génération de « boomers » aurait profité d’un système au détriment des jeunes actifs. Cette question des retraites ne renforce-t-elle pas la question de la guerre des générations, dont vous dites dans votre livre qu’elle n’aura pas lieu ?</i> </div><div style="text-align: justify;"> <span> </span>Sans nier les disparités intergénérationnelles, je ne vois aucun signe de conflit : toutes les générations me semblent aujourd’hui parfaitement réunies pour faire la guerre … au gouvernement ! De plus, les fractures sociales et territoriales me semblent l’emporter de beaucoup sur les fractures générationnelles. Entre un jeune sans emploi ni formation ni étude (le « NEET ») et l’étudiant, l’écart est gigantesque, tout comme entre le retraité précaire et le sénior fringant. </div><div style="text-align: justify;"><span> </span>Le nœud de notre problème français est la décision prise par François Mitterrand en 1982 d’instaurer la retraite à 60 ans. Ce qui présentait alors comme une formidable conquête sociale à l’aune du XIXe siècle était un gigantesque anachronisme au regard du XXIe siècle. Nombreux étaient ceux qui, à gauche, avait pleine conscience des dangers d’une telle réforme : Pierre Mauroy, Michel Rocard, Jean-François Kahn, et bien d’autres. En 1991, le « livre blanc » l’assène : c’était une erreur historique qui fragilise durablement le système de répartition. Cela fait aujourd’hui 40 ans, la France traîne ce boulet politique et social. De 1993 à nos jours, six réformes se sont succédée pour tenter d’en atténuer les effets, toutes insuffisantes pour assurer la pérennité du dispositif. Parions sans gros risque que celle de 2023, objet de tant de passions déchaînées en dépit de sa modestie, ne sera pas la dernière. </div><div style="text-align: justify;"> </div><div style="text-align: justify;"><i>Ce retour sur un acquis social ne vient-il pas heurter frontalement la dialectique du progrès au coeur de la promesse de la démocratie libérale ? N’y a-t-il pas une impossibilité à accepter que l’on vivra moins bien que les générations précédentes ?</i> </div><div style="text-align: justify;"> <span> </span>Je note d’abord un paradoxe : combattre une réforme à venir au nom des acquis revient à défendre la réforme précédente que l’on avait farouchement combattue. J’ajoute qu’après avoir lu les 306 pages du dernier rapport de la DREES sur les retraites, je défie quiconque de dire que le système actuel est globalement plus juste que celui proposé par la réforme, et … vis-et-versa ! Donc, il faut se garder d’exagérer : la dialectique c’est quand une chose se retourne en son contraire ; ce n’est pas du tout le cas ici. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><i> Il n’y a qu’en France, souligne-t-on, qu’une telle réforme a tant de mal à passer. Sommes-nous un peuple ingouvernable ?</i> </div><div style="text-align: justify;"><span> </span> Le peuple français est difficile à gouverner parce qu’il attend tout du gouvernement : la liberté, l’égalité, le bonheur, et le pouvoir d’achat ! Forcément il sera déçu … D’autant que le gouvernement est lui aussi convaincu que son rôle est d’octroyer tout cela au bon peuple … : alors forcément, il sera décevant. On lui demande de grossir pour mieux protéger, mais de maigrir pour respecter les libertés : drôle de régime ! Cette double contrainte produit une gigantesque impuissance publique. La France n’est pas seulement ingouvernable parce que les Français râlent, mais parce que les gouvernements n’osent pas gouverner. L’empire des normes, le règne de la « transparence », l’hypertrophie des contre-pouvoirs qui deviennent, comme dit Marcel Gauchet, des « anti-pouvoir » systémiques, tout cela bloque l’action et décourage la démocratie : pourquoi voter pour des élus qui s’avouent impuissants et disent eux-mêmes qu’on a de bonnes raisons de se méfier d’eux ? Tel est le cœur de la crise. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><i> « Vingt ans de formation ; quarante ans de travail ; vingt ans de retraite » : tel est le triptyque de notre modèle social. Ne faut-il pas radicalement tout repenser ?</i> </div><div style="text-align: justify;"><span> </span> On peut rêver. Imaginons que le système de répartition soit sécurisé en termes de financement. A la place du triptyque formation-emploi-retraite, on pourra d’abord envisager, comme c’est déjà (un peu) le cas, une « formation tout au long de la vie ». On pourra aussi considérer un travail prolongé, qui commencerait en douceur (cela s’appelle l’alternance) et finirait en souplesse par un cumul emploi/retraite : c’est aussi (un peu) prévu. Mais on pourra aussi inventer une « retraite tout au long de la vie », dont le principe serait : vous acceptez de travailler vraiment plus longtemps, mais avez la possibilité, au cours de votre carrière, de prendre du temps pour vous. Cela s’appelle le « droit au répit ». Il serait conçu sur le modèle du congé maternité (même si celle-ci n’a rien d’un répit), mais en en élargissant les motifs. Ce droit correspondrait à une forme nouvelle de pénibilité du travail, propre aux temps hypermodernes, devenue moins physique que morale. Voilà un bel horizon. Ne cachons pas que la mise en œuvre d’un tel droit sera complexe, mais y réfléchir contribue à sortir du débat français sur les retraites, devenu à la fois hyper-compassionnel et ultra-technocratique. Il est plus que temps d’y remettre un peu d’existentiel !</div></div>Page perso de Pierre-Henri TAVOILLOThttp://www.blogger.com/profile/15414603971965208116noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6011776800030606500.post-9484346144246374442023-01-27T00:21:00.002-08:002023-01-27T00:24:25.270-08:00 L’avenir du parti en démocratie <p> </p>Chronique LCP du 26/01/2023 —<b><i> L’avenir du parti en démocratie </i></b><div><b><i><br /></i></b></div><div><b><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://www.info-flash.com/info-flash/actualites/france/88912-lcp/53690072-information.html" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="354" data-original-width="618" height="183" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEggVW_jLTjA8KBlUYBtONj0lbow8Ch7nc8zfefZcBTr4GqjOe6sEdCC5k1-ne267L-wlWmSUVxEuiC7ib0HO4hUI9bZ5o7EyXqmNjhZL506OwQgQx69BA0H6QcxFYOT0uthDPU-0Ijar-tJi0JjukJtHTWPwQXI0A_ulcA6LqOOkoExxWaCvAXUVVPGdA/s320/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-01-27%20a%CC%80%2009.22.13.png" width="320" /></a></div><br /><i><br /></i></b><div><br /></div><div style="text-align: justify;"><b>Les difficultés du PS à se donner un chef révèlent une nouvelle fois un phénomène difficile à interpréter : la crise des partis. </b></div><div><br /></div><div style="text-align: justify;">François Mitterrand disait que pour gagner une élection, trois choses suffisaient : un candidat doté d’une santé de fer ; deux ou trois idées programmatiques et un parti en ordre de marche. La décrépitude des partis rend l’équation du succès particulièrement délicate. </div><div style="text-align: justify;">Pour bien comprendre la crise actuelle, il faut revenir à la difficulté originelle du parti en régime démocratique.
La démocratie se fonde sur la souveraineté du peuple, c’est-à-dire l’idée (ou la fiction) d’un peuple uni. Le parti semble incompatible avec cette idée, puisque comme son nom l’indique le parti est le signe d’une division. </div><div style="text-align: justify;">D’où un discours — bruit de fond constant en démocratie — qui, de Rousseau à De Gaulle, dénonce l’existence même du parti comme trahison de la volonté générale, avec comme motifs principaux, le règne des intérêts particuliers, les logiques électoralistes, le clientélisme, le népotisme, etc. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><b>Et pourtant les partis sont devenus consubstantiels à la vie démocratique</b> </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Oui. C’est le fruit d’un processus qui a vu converger deux modèles contraires du « Parti ». </div><div style="text-align: justify;">• Le modèle libéral naît en Angleterre (Whig vs Tory) et se déploie aux Etats-Unis (Démocrate vs Républicain) : <i><b>c’est le « parti club »</b></i>. Il réunit les citoyens les plus actifs (d’élites), prêts à s’investir plus que les autres dans la vie de la cité et faire vivre le pluralisme. Le pluralisme, c’est la meilleure façon d’éviter la guerre civile : les conflits ne sont pas abolis, ils sont organisés, institutionnalisés et donc canalisés . Le militant est l’euphémisation du militaire. </div><div style="text-align: justify;">• Le second modèle est celui <b>du parti total</b>, voire totalitaire, dont le parti communiste représente la figure emblématique. Pourquoi totalitaire ? Parce que c’est un parti <i>qui prétend être Tout</i> ; c’est-à-dire être le peuple dans sa totalité. Ce faisant il crée, — et c’est la force de ce modèle, — une sorte de <i>société bis</i> (qui a vocation à remplacer la vraie). Au « Parti », comme dans une église, on se forme, on se marie, on se réunit, on mange, on boit, on part en vacances. Il accompagne l’ensemble de l’existence. Quand il réussit, il devient un oxymore : le « parti unique ». </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><b>Pour vous, ces deux modèles sont en crise.</b> </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Oui, le premier (le parti club, élitiste, libéral) parce qu’il n’est pas assez démocratique ; le second (le de masse, type communiste) parce qu’il est trop « religieux ». Ils ont été laminés par l’individualisation, c’est-à-dire par la double crise de la croyance et de la vocation politiques. </div><div style="text-align: justify;">• Sur le plan de l’engagement, on a aujourd’hui des partis sans militants et des militants sans partis. Les adhérents historiques ont été concurrencés par des nouvelles formes d’engagement moins durables, ponctuelles, favorisées par les réseaux sociaux. Et quand les partis tentent de démocratiser leur fonctionnement (primaires), cela produit des majorités peu claires et des leaders sans leadership (PS, LR, verts) et des conflits sans fin. Dure leçon : les partis de la démocratie ne se démocratisent eux-mêmes qu’à leur détriment. </div><div style="text-align: justify;">• Sur le plan des croyances, on a des partis sans idéologies et des idéologies sans partis. Ainsi l’écologie se déploie-t-elle désormais bien au-delà du seul parti vert. Alors même que, dans chaque parti, les repères doctrinaux sont brouillés. On se surprend à voir la gauche de la gauche faire l’éloge du « petit bourgeois » (jadis honni) à travers la figure du retraité rentier qui va à la pêche et garde ses petits enfants (voir Rufin). La gauche, elle, a mis en débat tous ses piliers idéologiques : la Nation (d’abord au profit de l’internationale ouvrière, puis de la mondialisation heureuse), le Travail (qui est devenu une « valeur de droite »), la Laïcité (1989), le Peuple (note de Terra Nova). La droite, elle, ne veut plus être ni libérale ni bonapartiste ni conservatrice. Et l’extrême droite cherche à se dé-diaboliser en tournant le dos à ses racines réactionnaires. Quant au parti du président : il est idéologiquement insituable, ce qui fait qu’on lui reproche d’être de droite quand il fait une réforme sociale (Retraite) ; et d’être de gauche quand il prétend à une réforme d’ordre (loi immigration à venir). </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><b>Quel avenir ? </b></div><div style="text-align: justify;"><b><br /></b></div><div style="text-align: justify;">Il me semble assez sombre. Le parti se réduit aujourd’hui à une machine électorale, grassement financée par l’Etat, dont il est désormais un organe intégré, au prix d’une coupure avec la société. Il a délocalisé la production d’idées à des think tank plus ou moins affiliés ; il néglige la formation (militants, élus) ; la convivialité interne se réduit comme peau de chagrin. Il va falloir revivifier le parti-club et je ne vois pas d’autre chemin que celui d’une réélaboration idéologique sérieuse. Vaste chantier !</div></div>Page perso de Pierre-Henri TAVOILLOThttp://www.blogger.com/profile/15414603971965208116noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-6011776800030606500.post-37425895603303021682023-01-19T08:44:00.002-08:002023-01-19T08:44:37.713-08:00Sens de la retraite et droit au répit<p><a href="https://www.philomag.com/articles/pierre-henri-tavoillot-de-la-reforme-des-retraites-au-droit-au-repit"></a></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://www.philomag.com/articles/pierre-henri-tavoillot-de-la-reforme-des-retraites-au-droit-au-repit" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1188" data-original-width="1664" height="228" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjQ7cVKiKDusw2FxRKkhJhxUJxh7iWu7uTSOd5TqTCzDXtAu3e8BNB5KHzDWLgWwxa6BNdAjqcZz5i9I_mqD-PgWdBes-At4CFtUI24BjUozsNBSFsmZ1hh1hGSer_psKjkBA9sJes_B0UTTmeMr9h9Otugvaf7y3Q5-feZsRhJ_pitZ8SgoWp7Xp2WQw/s320/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-01-19%20a%CC%80%2017.42.55.png" width="320" /></a></div><br /> Article pour Philo Mag<p></p><p><br /></p>Page perso de Pierre-Henri TAVOILLOThttp://www.blogger.com/profile/15414603971965208116noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6011776800030606500.post-65111825522247129982023-01-16T05:53:00.002-08:002023-01-19T08:40:38.680-08:00Le sens de la retraite<p> <a href="https://lcp.fr/programmes/ca-vous-regarde/inegalites-a-l-ecole-l-uniforme-peut-il-tout-regler-157286">Chronique LCP</a>, du 12/01/2023</p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://lcp.fr/programmes/ca-vous-regarde/inegalites-a-l-ecole-l-uniforme-peut-il-tout-regler-157286" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1092" data-original-width="1950" height="179" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEibiwjy8tNziG_vvKbFEWnznL56mLQ5qIm_c5a03xPUlq2gPGaM5LdLHhKx3P8HlPmGZqCTXAxcDAIAI4vvsJU-bVG0l05QJ4SO8pH1u3x7V1jbEZNChgR0xgXhfbQgqfNfMcb38SAi5X8UhozeelvZuxI337-pG5PTtrTWHkJOr0ipsW0euowjvULgYA/s320/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202023-01-19%20a%CC%80%2014.56.03.png" width="320" /></a></div><p><br /></p><div style="text-align: justify;"><b>Vous souhaitez exprimer un regret quant à la teneur du débat sur les retraites : ça manque de philosophie !</b></div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Oui, et quitte à prêcher pour ma paroisse ! On parle d’annuités, de taux plein, d’équilibre des caisses, de rapports de force politiques, mais on parle rarement de la vie, de la vieillesse et de leur sens dans une société contemporaine. </div><div style="text-align: justify;">Il faut rappeler quelques données : </div><div style="text-align: justify;">1) L’espérance de vie était de 40 ans en 1900 ; elle est aujourd’hui d’environ 80. Ce qui veut dire que nous vivons une vie de plus que nos ancêtres. Comment l’utiliser ? </div><div style="text-align: justify;">2) Ce gain d’espérance de vie ne concerne pas que la fin de l’existence, car il y a deux âges qui s’allongent et se pluralisent. La jeunesse : on sort de l’enfance de plus en plus tôt et qu’on entre dans l’âge adulte de plus en plus tard (certains doutent qu’on n’y entre jamais !). La vieillesse elle aussi s’étire et se pluralise en différentes phases : sénior fringant ; âgé vaillant ; sénile dépendant. </div><div style="text-align: justify;">3) Troisième donnée : grâce aux bienfaits de la médecine, nous restons vieux de plus en plus tard ; mais à cause des méfaits de l’économie, nous devenons obsolètes de plus en plus tôt. Une société de l’innovation tend à mettre la vieillesse au rebut. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><b>Pour vous ces données existentielles ne sont pas assez prises en compte pour penser la retraite. </b></div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">En effet. La retraite fut inventée pour un être un « secours », comme on disait à l’époque, contre l’indigence sénile et surtout un bref repos après une longue vie de labeur. C’est Bismarck qui en fut l’inventeur pour couper l’herbe sous les pieds des revendications socialistes. Mais, à l’époque, on disait de son invention qu’elle était une « retraite pour les morts », puisque rares étaient les ouvriers qui parvenaient à atteindre l’âge légal. </div><div style="text-align: justify;">Aujourd’hui, avec les changements démographiques, la retraite est devenue tout autre chose : un temps offert à l’épanouissement personnel après une vie de labeur de plus en plus courte. </div><div style="text-align: justify;">Par quoi la retraite retrouve son sens originel, ou plutôt ses deux sens originels, car, depuis la fin de l’antiquité, deux modèles de retraite sont en concurrence pour idéaliser la retraite. </div><div style="text-align: justify;">Il y a, d’abord, la retraite énergique, qui a été promue par Cicéron dans son traité De la vieillesse : il présente un vieillard, gentleman farmer, doté de bons revenus, mais surtout rempli de sagesse et d’énergie. Ceci parce que cela : la sagesse lui permet de renoncer aux passions inutiles pour se concentrer sur l’essentiel. Le vieux fait donc plus et mieux que le jeune. </div><div style="text-align: justify;">On trouve ensuite la retraite monastique de Saint Augustin, qui se conçoit comme un retrait du monde et de ses vanités. Loin de poursuivre la vie normale, elle marque l’amorce d’une nouvelle carrière, en laquelle le chrétien (<i>novus homo</i>) doit dépasser l’homme (<i>vetus homo</i>), pour travailler exclusivement à son salut. La retraite est comme une renaissance. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><b>Notre idéal contemporain de retraite serait une sorte de « motion de synthèse » ?</b> </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Tout à fait. De Cicéron, nous reprenons l’image du retraité actif : « plus occupé que lorsqu’il travaillait », mais sans la dimension aristocratique grâce à l’Etat providence. D’Augustin, nous gardons l’idéal du retrait d’un univers de frénésie focalisé sur la productivité, mais sans la dimension religieuse.
Tous deux expriment l’idée d’un « bonheur différé » (comme dit Jean-François Sirinelli) qui, à la fois, idéalise la retraite et dévalorise le travail. Le travail nous éloigne d’une perfection que seule la retraite permettra d’atteindre.
1) Cette idéalisation repose sur le triptyque existentiel des « trente glorieuses » : formation, travail, retraite, dont la répartition est devenue problématique. Je me forme (20-30 ans) en espérant un travail, puis je travaille (30-40 ans) en espérant la retraite : mais que puis-je espérer de la retraite (20-30 ans) ? Est-elle une fin en soi ?
2) D’autant que la retraite n’est pas qu’un droit social, c’est aussi une cassure brutale dans le cours de l’existence. Comme pour l’arrivée du premier enfant, c’est l’ensemble du quotidien, qui est concerné (l’agenda, le relationnel, l’identité…). Mais alors qu’un enfant apporte du plein ; la retraite est menacée par le vide.
Après le travail comme après l’amour, l’homme peut devenir un animal triste …
Bref, si la question de l’âge est capitale pour le financement de la retraite ; la question de la transition travail/retraite est essentielle pour l’existence.</div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiFpuPJ4gcFgsxIEJoXOeBEV_L-prWlstlHMoXxF7qYVpHuzFP-UPpLlVT2VDCrgc6t34kDKovG_H9DTG9SX024zrFkyre5xrSthStY6nd_J22wvkapoiAU02m1bLPpxrf8ILvpBZdwQHdfE7RlFID5guU_lPT-KhI-6setqjb-d_8PK4PdGdG_xqv89g/s560/unnamed.png" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="560" data-original-width="560" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiFpuPJ4gcFgsxIEJoXOeBEV_L-prWlstlHMoXxF7qYVpHuzFP-UPpLlVT2VDCrgc6t34kDKovG_H9DTG9SX024zrFkyre5xrSthStY6nd_J22wvkapoiAU02m1bLPpxrf8ILvpBZdwQHdfE7RlFID5guU_lPT-KhI-6setqjb-d_8PK4PdGdG_xqv89g/s320/unnamed.png" width="320" /></a></div><br /><div style="text-align: justify;"><br /></div>Page perso de Pierre-Henri TAVOILLOThttp://www.blogger.com/profile/15414603971965208116noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6011776800030606500.post-71926385941868501542022-12-17T08:02:00.000-08:002022-12-17T08:02:01.694-08:00Populisme et fascisme<p><a href="https://www.info-flash.com/info-flash/actualites/france/88912-lcp/51950897-information.html">Ma chronique sur LCP (le 15 décembre 2022) </a></p><p><br /></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://www.info-flash.com/info-flash/actualites/france/88912-lcp/51950897-information.html" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="614" data-original-width="1074" height="183" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiYzfMsytGZC07Z1ZZ2BXGVpOMlhhrkpKCOQCT8Vb_Bb1n_Rx9Cx4TY2r6RISec3OjgcpIvGJTjFYTW7NSjRgAw8Axx1wxE5tLUwqr6jLhTjIJ98wlfddwr4a9PZqaKnfeEe7TtIDUrtohdLsE3sVOq9tpNQ_4Y8D4TQuk5OOhLzAnxtYKhHC278Sty_Q/s320/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202022-12-17%20a%CC%80%2016.53.35.png" width="320" /></a></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><br /></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><b><i>Vous souhaitez revenir sur les notions de populisme et de fascisme qui n’en finissent pas d’alimenter le débat politique, et les procès en excommunication. </i></b></div><div style="text-align: justify;"><b><i><br /></i></b></div><div style="text-align: justify;"> Oui, ce sont deux notions qu’on utilise souvent comme synonyme, alors qu’il convient de les distinguer avec soin. C’est ce que tente de faire l’écrivain italien Antonio Scurati. Il vient de recevoir le prix du Livre européen, pour M, l’homme de la providence (les Arènes, 2021). Il s’agit du second volume de son extraordinaire saga sur Mussolini dont le premier volume est paru en 2018 — M, L’enfant du siècle, et l’ultime vient juste de paraître en M. <i>Gli ultime giorni dell’Europa</i>. Enorme succès en Italie.
Les deux livres sont extraordinaires en ce qu’ils présentent l’ascension de Mussolini de son propre point de vue : c’est palpitant, nourri de documents historiques, placés dans une trame épique. C’est un véritable chef d’œuvre, qui montre au lecteur la puissance séductrice du fascisme. Le génie de Scurati est de nous amener à comprendre et parfois même à souhaiter la victoire du fascisme ; avant d’être horrifié par les résultats. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><b><i>Dans un article récent traduit par le Monde, (8 décembre), Scurati fait de Mussolini l’inventeur du populisme. </i></b></div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Il le fait avec toute la prudence requise en recommandant d’éviter toute analogie trop rapide entre la marche sur Rome d’octobre 1922 et la victoire électorale de Giorgia Meloni en octobre 2022. « Nous ne devons pas céder au charme de la comparaison historique ».
Il repère pourtant entre le populisme et le fascisme une matrice commune (similitude et continuité) à partir de trois idées : </div><div style="text-align: justify;">1) D’abord, cette phrase de Mussolini : « Je suis le peuple. Le peuple, c’est moi » (on la retrouve chez Chavez) qui est, pour Scurati, le premier postulat du populisme : soit l’Incarnation mystique du peuple dans et par un leader à l’opposé de la logique « réprésentative » de nos régimes. </div><div style="text-align: justify;">2) Ensuite, il y a une détestation profonde de la politique : « Nous ne sommes pas la politique, nous sommes l’antipolitique ; nous ne sommes pas un parti, nous sommes l’antiparti » que l’on peut retrouver dans la logique « anti-système ». </div><div style="text-align: justify;">3) Enfin l’idée que le chef doit non pas guider, mais suivre la masse : le <i>Ducce</i> est un peu comme le berger qui suit son troupeau plutôt qu’il ne le conduit. « Je suis l’homme de l’après ; je suis comme les bêtes, je flaire le temps qui vient ».
Ces trois postulats sont animés par un moteur puissant : face à la peur que le monde contemporain suscite chez l’individu isolé, il faut attiser la haine : car seule la haine est plus forte que la peur. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><b><i>On retrouve en effet ces ingrédients dans le populisme actuel</i></b> </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Sans conteste, mais on peut noter aussi des différences importantes qui relativisent la continuité entre le populisme mussolinien et le populisme contemporain : </div><div style="text-align: justify;"> 1) D’abord, le fascisme est clairement et totalement <b>anti-démocratique</b> : l’idée même est viscéralement détestée. Le populisme est lui <b>hyperdémocratique</b> : il veut un pouvoir fort (cratos) et un peuple bien représenté (demos). Chez Trump, Bolsonaro ou Chavez, on reste dans une logique de représentation, même si l’on conteste les élections. Il arrive même que le leader soit refusé (Gilets jaunes). </div><div style="text-align: justify;">2) Deuxième différence importante : le fascisme est <b>hyper élitiste</b>, alors que le populisme se défie des élites quelles qu’elles soient. C’est d’abord contre elles que le peuple existe. Le populisme contemporain est un mouvement <b>ultra-égalitaire</b>, alors que le fascisme ne cesse de faire l’éloge des hiérarchies et de l’aristocratie « naturelles » : éloge du fort contre le faible, le petit, le médiocre. </div><div style="text-align: justify;">3) Enfin, différence majeure, le fascisme est une <b>idéologie structurée</b>, argumentée, étayée. Même s’il est un démagogue, Mussolini est un théoricien qui sent certes, mais surtout sait l’histoire du monde, car il en connaît les lois profondes (Arendt avait bien perçu cette dimension du système totalitaire). Le populisme contemporain est dans <b>l’idéologie molle</b> : pas de philosophie de l’histoire, pas de théorie du monde, pas d’avenir radieux, pas de rapport à un âge d’or mythique (les durs Romains ou les purs Germains), pas de doctrine ni de dogmes. Un seul acte de foi : « l’indignation » ; « je pense donc je suis … contre » ! </div><div style="text-align: justify;"><span> </span></div><div style="text-align: justify;">Sur ces trois points, il y a, me semble-t-il, une nette rupture entre le fascisme et le populisme qu’on a donc bien tort de confondre. Le fascisme conduit au totalitarisme (mot dont Mussolini est l’inventeur) ; le populisme est post-totalitaire : cela ne le rend pas plus sympathique, mais peut-être moins périlleux.
</div>Page perso de Pierre-Henri TAVOILLOThttp://www.blogger.com/profile/15414603971965208116noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6011776800030606500.post-41308490335808252052022-12-01T02:46:00.004-08:002022-12-01T02:46:40.012-08:00Echange avec la Présidente de l'Assemblée Nationale (LCP)<p> Ma question à Madame la Présidente de l'Assemblée Nationale (LCP)</p><p><br /></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://www.info-flash.com/info-flash/actualites/france/88912-lcp/49208803-information.html" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="610" data-original-width="1428" height="137" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjO3_7Q8X1o5w0Mcgu5N0vJrKWqF2yRrTtC8RrFAo0_OUovbjZHCOx_7ZSeM6aZ7aEWA-yXrhJIwz6uw7j1Eat4aFIhjkFOuEwkJ1vwOX2O5_HS0gZrRCN8VTaspk00khw_AbVt-2IE0IhLPyeTBypO3mkr0YsPvuP5f9XHj9bYOIVuBZ3S-w0FYr6wuQ/s320/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202022-12-01%20a%CC%80%2011.39.37.png" width="320" /></a></div><br /><p>Et sa réponse … <b>à 47'30</b></p><p><br /></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://lcp.fr/programmes/ca-vous-regarde/yael-braun-pivet-retour-sur-5-mois-au-perchoir-145974" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="934" data-original-width="2054" height="146" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhpAUDdiNoStwtt9Vz3jIwCl0p67xDd3W_M5vzsKgcnNMbhceSVE2ddk5Xqv0MwFnycSE0UYV1yvGsFhWf2jNt6OWIAvsWfqh1UVXvBFJJcRRdrrnephCOksPHUbgwB0ToMnMbBeTta84KcS7g4keZe6w7SBEQ6aDXynbw4VbR6vcJomLijrX6qzA7eUQ/s320/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202022-12-01%20a%CC%80%2011.43.48.png" width="320" /></a></div><br /><p><br /></p>Page perso de Pierre-Henri TAVOILLOThttp://www.blogger.com/profile/15414603971965208116noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-6011776800030606500.post-21925668393066926462022-11-28T08:41:00.012-08:002022-11-28T08:53:38.651-08:00Sport et politique<p><a href="https://www.info-flash.com/info-flash/actualites/france/88912-lcp/48097123-information.html"> Chronique sur LCP le 24/11/2022</a></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://www.info-flash.com/info-flash/actualites/france/88912-lcp/48097123-information.html" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="672" data-original-width="1144" height="188" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhN_AJfOm9XKFFkO3wW-KseQ_AkN4gBxvF6fmgLfZtYNhCAvqQ4yKs1zkM38UXo1R-S3OUXwZg4nVOyZ0eMhtcF8l-kqkmZ45n2ahADfKQCv6wiupUYY27866vpULhHa-kRQNPxs07Zssw_4SWDvBYoMzugdpOGnJ1iVDovXTdbk5_9FpBuAXcAz_wq6w/s320/Capture%20d%E2%80%99e%CC%81cran%202022-11-28%20a%CC%80%2017.37.38.png" width="320" /></a></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><br /></div><p></p><b><div style="text-align: justify;"><b>La coupe du monde est lancée et le débat sur le boycott semble déjà loin. </b></div></b><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Oui, avec 12,2 millions de téléspectateurs pour la première sortie de l’équipe de France, on peut dire que la vox populi a plié le match : le boycott a été laminé. On le retrouvera peut-être si la France est éliminée de manière précoce ! Ce à quoi je ne veux même pas penser.
Mais pour autant le débat sur les rapports entre sport et politique est loin d’être terminé.
Tous ceux qui croyait l’avoir clos par cette formule magique : « il ne faut pas mélanger sport et politique » ont été ébranlé par un autre événement : le courage extraordinaire des joueurs iraniens, qui, avant leur match contre l’Angleterre, ont boycotté les paroles de leur hymne national (« sois immortelle ! sois éternelle ! République islamique d’Iran ») en signe de solidarité avec la révolution en cours. On les comprend : comment chanter la gloire de la République islamique quand les jeunes filles se font massacrer pour le simple fait de ne pas porter le voile ? Comment souhaiter l’« éternité islamique » alors que la théocratie autoritaire n’hésite pas à tirer sur sa jeunesse ? </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><b>Les joueurs allemands eux aussi se sont distingués. </b></div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Oui, avant leur match contre le Japon, tous les joueurs se sont faits photographier avec la main sur leur bouche pour protester contre l’interdiction par la FIFA de porter le brassard inclusif « On love ». On Love, c’est une référence au titre d’une fameuse chanson de Bob Marley qui a été imprimé sur fond arc en ciel dans le but de dénoncer les discriminations racistes et LGBT+phobes dans les stades. Je rappelle que le Qatar continue de considérer l’homosexualité comme un crime. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><b>Les deux gestes, iranien et allemand, sont-ils comparables ?</b> </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">La comparaison risque d’être un peu cruelle. </div><div style="text-align: justify;"> • Dans le cas iranien, je vois un acte politique et même héroïque contre un régime autoritaire ; c’est un acte très risqué, car ce silence durant l’hymne aura des conséquences sur la vie des joueurs et sur celles de leurs proches. Mais c’est une gifle donnée au régime, qui révèle au monde l’ampleur et la profondeur de la révolte. </div><div style="text-align: justify;"> • Dans le cas allemand, je vois surtout une opération de com., voire de marketing tout à fait dans l’air du temps. Je ne doute pas de la sincérité des joueurs dans la défense d’une cause très juste, mais c’est le communiqué simultané de la Fédération allemande de foot qui me trouble. Celui-ci proclame que ce geste n’est pas politique, mais a été fait au nom des « droits de l’homme » qui sont « non négociables » (<i>nicht Verhandelbar</i>). Or, si les mots ont un sens, quand ce n’est pas négociable, on ne négocie pas. Donc en toute cohérence l’équipe d’Allemagne n’aurait pas dû jouer son match, car jouer, c’est négocier. </div><div style="text-align: justify;">Voyez toute la différence entre les joueurs iraniens et les joueurs allemands : les premiers prennent des risques réels et même immenses ; les seconds n’en prennent aucun : ils veulent à la fois faire la leçon aux méchants, avoir bonne conscience et gagner la coupe du monde. Ce n’est pas de la politique, en effet : c’est ce que Nietzsche appelait la « moraline ». </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"> <b>Vous êtes bien sévère</b> </div><div style="text-align: justify;"> </div><div style="text-align: justify;">Peut-être, mais l’enseignement ultime de ces deux événements est que la Coupe du Monde continue d’être un théâtre universel sans équivalent : il s’y joue des comédies et des tragédies, des pastiches et des impromptus, des bonnes et des mauvaises pièces. Peu importe, car la planète entière, par ailleurs si divisée, se réunit pour les regarder avec passion. On parle de plus en plus de démondialisation économique et géopolitique, mais le foot reste un élément unificateur unique.
C’est d’ailleurs une énigme : pourquoi ce sport de tricheurs, des râleurs, de mauvais comédiens qui se roulent par terre au moindre contact … ; pourquoi ce sport rempli d’injustice, aux règles bizarres et dégoulinant de fric … pourquoi ce sport est-il LE sport du monde qui parvient à rassembler tous les continents, toutes les classes, tous les sexes, toutes les générations et toutes les civilisations ? Je rêverais d’avoir l’avis de Shakespeare sur la question du foot comme théâtre mondial. Mais il y a une chose dont je suis sûr, c’est que lui n’aurait jamais dit : « il ne faut pas mélanger théâtre et politique » !
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