jeudi 1 février 2024

Pourquoi fait-on des enfants ?

 Chronique LCP du 23/01/2024



Bonsoir Pierre Henri Tavoillot, le nombre annuel de naissance en France est passé sous la barre des 700 000 en 2023 ; le nombre d’enfants ne permet plus le renouvellement des générations (1,6), et cette situation inquiète le président et quelques autres personnes. 

Mais pas tout le monde, puisque la députée Sandrine Rousseau a affirmé, avec l’esprit de contradiction qui la caractérise, je cite, que « la baisse de la natalité était au contraire rassurante » (TF1). Elle justifiait son propos de deux manières : en tant que féministe : « Les utérus des femmes ne sont pas une affaire d’Etat : chaque femme est libre de choisir de faire des enfants ou pas » — Propos un peu contradictoire avec une de ses affirmations constantes selon laquelle « le privé est politique » : passons, d’autant qu’aucune des propositions n’oblige à rien. Le second argument « en tant qu’économiste », est lui tout à fait cohérent : elle vise une politique de la « décroissance » au nom de la protection de l’environnement qui lui paraît infiniment plus importante que les impératifs de puissance économique et géopolitique de la France et que la viabilité de son système social. 

Depuis le propos du président, beaucoup (comme David Lisnard, maire de Cannes, ce matin dans Le Figaro) ont avancé leurs propositions pour une politique nataliste. 

Oui, le débat est ancien (faut-il rappeler Alfred Sauvy ?) mais il néglige parfois une question toute simple qui a passionné les philosophes : pourquoi fait-on des enfants ? Il y a plusieurs types de réponse. 
La première est biologique et consiste à dire que nous sommes les jouets de la nature : celle-ci se sert de nos passions sexuelles et amoureuses pour son objectif de perpétuation de l’espèce. 
La deuxième est culturelle : si nous faisons des enfants, c’est pour neutraliser un peu la peur de la mort. Grâce à eux, et parce qu’ils nous ressemblent, nous trouvons un petit moyen de durer, de transmettre un nom, une terre, un héritage, un souvenir, … l’enfant est un ersatz d’immortalité. 
Il y a une troisième raison, plus spirituelle, que l’on trouve particulièrement dans le christianisme avec cette image d’un enfant « sauveur ». Le Dieu tout puissant s’est manifesté sous la forme de la vulnérabilité la plus extrême : ce petit être fragile, démuni, incapable de se débrouiller tout seul (avant l’âge de 25 ans … au moins). Rousseau (mais Jean-Jacques, cette fois-ci) utilise et laïcise cette idée en montrant que l’enfant sauve l’humanité en l’obligeant à être morale : l’arrivée du nouveau-né, contraint le parent à se décentrer, à se sortir de l’égoïsme naturel, pour le protéger. C’est une idée très profonde : c’est en protégeant et en faisant grandir l’autre vulnérable que l’on parvient à grandir soi-même. C’est en ce sens que l’enfant sauve : il permet de devenir une « grande personne », attentive aux autres, à l’environnement et à l’avenir. 

Selon vous, ce serait cette dernière dimension spirituelle qui aurait du plomb dans l’aile ? 

Pas pour tout le monde, bien sûr, car il y a encore quelques enfants qui naissent. Mais en effet, cet idéal que l’on grandit par l’autre est concurrencé de manière rugueuse par l’individualisme (et sa logique du développement personnel, sans, voire contre les autres) et par l’objectif de décroissance. L’enfant apparaît comme un quadruple obstacle : à la libération de la femme, à une vie de couple épanouie, à la réalisation de soi (développement personnel), au salut de la planète (qui prime celui de l’humanité). Au fond, vouloir grandir semble être devenu suspect ! Et certains disent qu’il vaut mieux se déconstruire.

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