mardi 24 octobre 2017

L'abeille (et le) philosophe en chinois

Très heureux de cette belle traduction en chinois de L'Abeille (et le) philosophe, à l'initiative de l'éditeur Hu Xiaoyue (Éditions Haitian Publishing House). 

Toutes notre gratitude à Madame Meng Tien pour son travail remarquable. 

Et très honorés d'être les invités d'honneur à l'initiative de l'Institut Culturel Français pour la remise du Prix FU LEI 2017 à Canton le 25 et 26 novembre 2017.
Le Prix Fu Lei
Décerné pour la première fois en 2009, le Prix Fu Lei récompense les meilleurs ouvrages traduits du français et publiés en Chine. Chaque année, un titre de littérature et un essai sont récompensés par un jury composé de huit membres, pour moitié français et pour moitié chinois, tous à la fois francophones et sinophones. A ces huit personnes s’ajoutent pour la dernière sélection les deux lauréats du Prix Fu Lei de l’année précédente ainsi que deux personnalités chinoises du monde littéraire et intellectuel. Comme le veut l’usage depuis 2013, un prix « jeune pousse » est également décerné, pour encourager les nouvelles générations de traducteurs.



« La littérature vise avant tout à comprendre les hommes. Aussi le manque d’expérience empêchera toujours d’apprécier à sa juste valeur la délicatesse d’une œuvre. La connaissance du monde et de la vie n’est pas uniquement affaire d’érudition.
Voilà pourquoi il est très important d’affûter notre sens de l’observation, notre sensibilité et notre imagination, tout en prenant soin d’enrichir notre savoir-faire et d’étendre nos savoirs. Pour être digne des grands maîtres et transcrire pour nos lecteurs la musique de leur âme, il faut se plonger dans la vie vécue, s’intéresser de près aux gens et être curieux de tout. Un écrivain est à la fois un anatomiste de la société, un aventurier de l’âme, un vrai révolutionnaire, un croyant plein d’espoir qui chante autant qu’il pleure le genre humain et déplore les injustices du destin. Pour être le porte-parole de l’écrivain, le traducteur se devra d’être aussi fervent que le croyant, aussi minutieux que l’homme de sciences et aussi assidu et inflexible que le révolutionnaire. »
Fu Lei, 12 mai 1957, Journal Littérature et Art

傅雷翻译出版奖于 2009 年首次颁发,奖励中国大陆译自法语的 年度最佳中文译作。评委会每年评选出虚幻类与非虚幻类(文学与社 科类)获奖作品各一部。评委会由八位评委组成,中法评委各占一半, 均为中法双语专家。终评会议时将邀请上届两位获奖译者和两位中国 文学与思想界著名人士加入评委会参与评选。“新人奖”于 2013 年 设立并沿用至本次评选,旨在鼓励新生代译者。



“文学的对象既然以人为主,人生经验不丰富,就不能充分体会 一部作品的妙处,而人情世故是没有具体知识可以学的。所以我们除 了专业修养,广泛涉猎以外,还得训练我们观察、感受、想象的能力; 平时要深入生活,了解人,关心人,关心一切,才能亦步亦趋地跟在 伟大的作家后面,把他的心曲诉说给读者听。因为文学家是解剖医生, 挖掘灵魂的探险家,悲天悯人的宗教家,热情入沸的革命家;所以要 做他的代言人,也得像宗教家一般的虔诚,像科学家一般的精密,像 革命志士一般的刻苦顽强。”
          傅雷,一九五七年五月十二日,原载《文艺报》 

lundi 16 octobre 2017

La génération Y n'existe pas !

Tout le monde parle de cette fameuse Génération Y ou Millennials ou encore Digital Natives ! C’est même devenu l’emblème de la guerre des âges qui, entend-t-on parfois, sera le destin de nos sociétés futures. Simplement le portrait varie beaucoup. Si, d’un côté, on loue le génie empathique, la sagesse environnementale ou la sérénité critique de ces natifs du 3e millénaire ; on dénonce souvent, de l’autre, la volatilité de leur engagement, leur déficit de concentration et leur égocentrisme. Où se situe le vrai ? Nulle part ! Car la génération Y n’existe pas ! J’en ai eu la révélation brutale en constatant, un jour, que la meilleure description que l’on avait pu en faire se trouvait dans … la Rhétorique d’Aristote …, soit presque 2 500 ans avant son émergence. En fait « Génération Y » est le nom snob et « marketé » pour désigner aujourd’hui la jeunesse. Aujourd’hui comme hier, elle désigne l’étape de l’entrée dans l’âge adulte ; étape, par définition incertaine, puisqu’elle est moins un état qu’un passage.
Alors qu’à l’état de nature, la jeunesse n’existe pas — dès que l’animal peut procréer, il procrée —, toutes les sociétés humaines connues instaurent un moratoire. Leur message est le suivant : tu peux, mais tu n’as pas le droit ! Ce délai d’interdit permet à la civilisation de transmettre son message, ses savoirs, ses valeurs, ses normes et ses lois. Très court, dans les sociétés traditionnelles (c’est le rite d’initiation qui est réglé en trois jours), le délai devient très long dans les sociétés modernes (plus de 15 ans !). Pourquoi ? Parce qu’il est beaucoup plus difficile de préparer un avenir incertain que de répéter servilement le passé. Or les sociétés modernes sont structurées par l’avenir.
Et c’est cela qui a changé à propos de la jeunesse d’aujourd’hui : le temps exigé pour entrer dans l’âge adulte, dont la définition est moins claire et évidente que par le passé, est devenu beaucoup plus long. Mais cela n’a rien à voir avec un phénomène générationnel ; c’est toute la jeunesse qui ne cesse de s’allonger à l’âge moderne. Avec deux phases qui se différencient et s’étalent : la sortie de l’enfance (ou adolescence), qui est de plus en plus lente ; l’entrée dans l’âge adulte (ou jeunesse) qui est de plus en plus étirée. Ni la première expérience sexuelle (17,4 ans en moyenne et stable depuis 10 ans), ni la majorité civile et électorale (18 ans depuis 1974), ni le départ du domicile familiale (23 ans en France), ni même parfois le premier emploi (23 ans également), … ne mettent un terme à la jeunesse. L’âge adulte survient avec une expérience singulière et personnelle, qui marque, dans le récit de vie, l’entrée dans l’âge de l’autonomie et de la responsabilité : naissance du premier enfant, indépendance financière, deuil d’un parents, séjour à l’étranger … Les occasions peuvent varier pour devenir adulte, mais ce qui les caractérisent toutes est qu’elles inaugurent un nouveau regard sur la vie et une nouvelle étape de la trajectoire : après l’adolescence, l’entrée dans la « maturescence » (Claudine Attias Donfut). D’ailleurs, on parvient souvent à l’âge adulte en ayant le sentiment de ne pas l’être vraiment. « L’homme a deux vies, disait Confucius ; la seconde commence quand il s’aperçoit qu’il n’en a qu’une ». L’adulte se construit sur le syndrome de l’imposteur : intimement nous avons conscience d’être immatures, mais la responsabilité à l’égard des autres nous oblige à paraître adulte et donc aussi à l’être un peu. L’âge adulte est davantage un horizon qu’un uniforme : il désigne ce point, qui nous guide, mais qui semble s’éloigner au fur et à mesure que nous croyons nous en approcher.
D’où le fait aussi, qu’on ne sort jamais de l’âge adulte une fois qu’on y est entré.

C’est pourtant ce à quoi semble nous inviter l’impératif contemporain du « Bien vieillir ». S’il est synonyme de « Rester jeune et en bonne santé ! », alors notre vieillesse est vouée au malheur. Car vieillir, par définition, ce n’est pas rester jeune et la bonne santé est peu probable à cet âge. Mais si vieillir bien, c’est « Rester adulte et en lien ! », alors tout est possible, car on peut protéger l’autonomie et lutter contre la solitude, et ce, à tout âge. Et si la sénilité nous atteint et que nous en venons à oublier nous-même que nous sommes adultes ; raison de plus pour que l’entourage affectif et médical en conserve la conviction profonde et protège, pour nous et à notre place, cet adulte qui tend à s’effacer en nous. Tout comme le parent ou l’éducateur occupe, pour l’enfant, la place de l’adulte qu’il sera demain.

On le voit, le « concept » de Génération Y révèle un profond malentendu sur l’ensemble des âges de la vie et la manière de conduire son existence du berceau à la tombe. En vérité, entre l’éloge fumeux de la jeunesse et la découverte de la vieillesse comme problème, notre époque oublie l’âge adulte qu’elle ne sait plus définir. Et il faut reconnaître que l’observation tétanisée des progrès technologiques contribue beaucoup à cet aveuglement. Car nous vivons en régime de révolution permanente avec un pratique frénétique de l’obsolescence. A peine formé, un adulte serait donc déjà dépassé, vieux, mort. On disait jadis (avant que les femmes le soient devenues) que l’adulte était « l’homme fait » : il faudrait ajouter aujourd’hui « fait comme un rat ».


Mais là encore on se trompe. Car ce qui est le plus spectaculaire dans les innovations technologiques des 20 dernières années, ce n’est pas que les jeunes y soient « tombés dedans », comme dans la potion magique ; c’est qu’elles ont concerné toutes les générations sans exception. Ce qui est surprenant, c’est qu’on trouve des personnes âgées sur Facebook, des cadres séniors parfois plus geek que leurs propres enfants, des retraités virtuoses du Hacking … Voilà ce qui est surprenant : l’ensemble des âges est entré en même temps dans l’ère du changement permanent et de l’innovation technologique. Aucun n’en est exclu ; ou plus exactement, on trouvera des exclus — et c’est évidemment un immense problème —, mais à l’intérieur de chaque classe d’âge ou sociale. Voilà pourquoi, même le terme de Digital natives est une ânerie. Il ne suffit pas d’être jeune pour vivre à l’ère numérique ; et la vieillesse ne rend pas principe abruti sur ces questions. L’humanité, aujourd’hui comme hier, a besoin d’apprendre et a la capacité de le faire. Pour cela, elle a besoin de toutes les générations et de tous les âges de la vie. Commençons donc déjà par comprendre comment nous les vivons.

mercredi 4 octobre 2017

« Violence policière »

En France, hier, ou en Espagne, aujourd'hui, on parle beaucoup de « violence policière ». Je rappellerai que cette expression est un pléonasme.
La violence, c’est le boulot de la police ou, pour le dire, en termes plus choisis : l’Etat a le monopole de la violence légitime (Max Weber). 
Bien sûr, on peut considérer que l’Etat n’est pas légitime, soit en particulier (c’est la position des nationalistes catalans contre l’Etat espagnol), soit en général (c’est alors une position anarchiste qui pense que l’ordre peut être assuré sans violence par la destruction (si possible non violente) de l’Etat). Mais, hormis ces deux cas, il faut admettre que la police est par nature violente dans le cadre de sa mission : la garantie de l’ordre public.


C’est uniquement en acceptant cette idée simple que l’on pourra dénoncer, mais, dans un second temps, l’excès (hors droit) ou la disproportion (hors raison) de l’usage de la violence dans telle ou telle situation. Avec cette simple question comme fil conducteur : y avait-il d’autres moyens de faire respecter l’ordre public ? 

mardi 3 octobre 2017

S'éterniser par le mal ?

Terroriste fast converti ? Serial killer (trop longtemps) refoulé ? On s'interroge sur les motivations du tueur de Las Vegas ; mais certains pointent du doigt, avec une joie mauvaise, le matérialisme américain, la vie moderne réduite à la consommation dont Las Vegas serait le temple vain. 

A ceux-ci rappelons l'histoire véridique d'Erostrate qui n'a pas attendu le consumérisme pour agir.

Erostrate était un obscur habitant d’Ephèse. Désirant se rendre immortel grâce à une action d’éclat, il décida d’incendier le temple d’Artémis à Ephèse, qui était l’une des sept merveilles du monde. C’était en 356 av. J-C. Il fut évidemment torturé et exécuté, mais, en outre, les Ephésiens scandalisés devant cet acte gratuit blasphématoire rendirent un décret qui interdisait sous peine de mort de prononcer le nom d’Erostrate ; et c’est ainsi qu’il passa à la postérité  … pour l’éternité !

Le mal, bien plus que la bonté, est un moyen facile, rapide et efficace de passer à la postérité …

Voir JP Sartre in Le Mur (1939) : 
« — Je le connais votre type, me dit-il. Il s'appelle Érostrate. Il voulait devenir illustre et il n'a rien trouvé de mieux que de brûler le temple d'Éphèse, une des Sept Merveilles du monde.
— Et comment s'appelait l'architecte de ce temple ?
— Je ne me rappelle plus, confessa-t-il, je crois même qu'on ne sait pas son nom.
— Vraiment ? Et vous vous rappelez le nom d'Érostrate ? Vous voyez qu'il n'avait pas fait un si mauvais calcul. »

Pourquoi fait-on des enfants ?

 Chronique LCP du 23/01/2024 Bonsoir Pierre Henri Tavoillot, le nombre annuel de naissance en France est passé sous la barre des 700 000 en ...