dimanche 15 décembre 2019

France inter

Face à face sur France Inter (14 décembre)

Samedi 14 décembre 2019

Pierre-Henri Tavoillot : "Nous sommes un peuple extrêmement dfficile à gouverner."



https://www.franceinter.fr/emissions/le-grand-face-a-face/le-grand-face-a-face-14-decembre-2019

mardi 10 décembre 2019

Retraite

Je ne sais pas pourquoi, mais l'air du temps me donne envie de republier ce petit texte d'abord paru dans Philosophie Magazine, puis repris dans mon livre Petit almanach du sens de la vie, LDP, 2013.
Et on verra si le gouvernement battra « en retraite » … sur une réforme pourtant indispensable !


La retraite

            Bienfaits de la médecine : nous restons vieux de plus en plus tard ; méfaits de l’économie : nous le devenons de plus en plus tôt. Notre époque est décidemment bien étrange qui a forgé ce nouvel âge de la vie : celui de la retraite, où l’on est « âgé sans être vieux ». Un âge d’or ? C’est l’opinion de près de 60% des Français qui attendent avec impatience la petite cérémonie du départ : il y aura des chips et des cacahuètes, un petit kir, le discours du chef, les cadeaux — au choix : un transat, une Pléiade, une canne à pêche, … — et puis les adieux. Commencera alors une nouvelle ère, au cours de laquelle, « bon pied bon œil » pour quelques temps encore, on pourra rattraper le temps qui a été perdu dans la frénésie professionnelle. Tout alors redevient possible. Sorti du tourbillon de l’urgence, de la performance et des responsabilités imposées, on entre dans la catégorie, appréciée des festivals, du « hors compétition ». Certes, il va falloir lutter contre l’ennui et le sentiment d’inutilité ; sans doute faudra-t-il aussi s’occuper des vieux parents et des petits enfants ; peut-être que le montant des pensions ne sera pas aussi haut que prévu ; mais s’ouvre devant nous une nouvelle vie, où l’on sera actif par choix et par plaisir, libéré des obligations statutaires, pour trouver le temps de penser à soi.
            Inventée pour être un « secours » contre l’indigence sénile et un (bref) repos après une (longue) vie de labeur, la retraite est devenue, dans le giron de l’Etat-providence et en dépit de tous les problèmes de financement, une sorte de droit à l’épanouissement personnel. Elle renoue ainsi avec le sens originel du terme, ou plutôt avec les deux sens ; car, depuis la fin de l’Antiquité, deux modèles de retraite sont en concurrence.
            Il y a, d’un côté, la retraite cicéronienne, défendue et illustrée dans le traité De la vieillesse, qui présente un vieillard énergique, débordant d’activité, sage et dynamique à la fois. Car le vieillard, dit Cicéron, s’il possède une bonne nature (et de bons revenus), sait se débarrasser des passions inutiles : il « fait plus et mieux » que le jeune. De l’autre côté, nous avons la retraite augustinienne, qui s’envisage au contraire comme un retrait du monde et de ses vanités. Loin de continuer la vie normale, elle marque l’amorce d’une nouvelle carrière, en laquelle le chrétien doit dépasser l’homme, et dont la finalité exclusive est de travailler à son salut.
            Notre idéal contemporain de la retraite représente une sorte de motion de synthèse de ces deux traditions. De Cicéron, nous reprendrions volontiers l’image du retraité actif — « plus occupé que lorsqu’il travaillait » —, mais sans toutefois la conception aristocratique  qu’elle véhiculait, celle d’une élite éloignée des soucis de la vie laborieuse. De Saint Augustin, nous garderions sans doute l’idéal du retrait d’un univers focalisé sur la productivité, la performance et la consommation, mais sans forcément connecter la quête du salut à la foi chrétienne. Un Cicéron démocrate, doublé d’un Augustin laïc : telle est la figure rêvée du retraité d’aujourd’hui. … Au fait, voilà une bonne idée de cadeau pour un départ à la retraite !

Cicéron, Savoir vieillir, Arlea, 1995 ; Saint Augustin, Œuvres, sous la direction de Lucien Jerphagnon, « Pléiade ».

vendredi 6 décembre 2019

Revue Commentaire

Discussion de Comment gouverner un Peuple-roi ? dans la dernière livraison de l'excellente revue Commentaire — 



lundi 18 novembre 2019

Les prochaines séances du Collège de philosophie

Le Collège de philosophie
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a le plaisir de vous convier à sa prochaine séance publique


Samedi 14 décembre  2019 (14h- SORBONNE - Amphi MICHELET, 
entrée au 46 rue Saint Jacques 75005 PARIS),  
   L'ANIMALISME EST-IL UN HUMANISME ? (La querelle du véganisme) 
 
  Eric DESCHAVANNE 
Co-Président du Collège de philosophie
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Samedi 11 janvier  2020 (14h- SORBONNE - Amphi MICHELET, 
entrée au 46 rue Saint Jacques 75005 PARIS),  
   LA POLITIQUE MIGRATOIRE EN QUÊTE DE COHERENCE
 
   Didier LESCHI  
Directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration

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Vendredi 24 janvier  2020 (17h30- SORBONNE - Amphi CAUCHY, 
entrée au 17 rue de la Sorbonne 75005 PARIS, Escalier F 3e étage),  
    LA FIN DE L'INDIVIDU ?
 
  Gaspard KOENIG  
Président de Génération Libre
 
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Samedi 29 février  2020 (14h- SORBONNE - Amphi MICHELET, 
entrée au 46 rue Saint Jacques 75005 PARIS),  
    POPULISME ET DEMOCRATIE
 
  Alexandre DEVECCHIO et Marcel GAUCHET  
à propos du livre Recomposition, Le nouveau monde populiste, Cerf, 2019
 

Inscription obligatoire : https://www.helloasso.com/associations/college-de-philosophie/evenements/populisme-et-democratie-avec-alexandre-devecchio-et-marcel-gauchet
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à suivre …  

jeudi 17 octobre 2019

Le gouvernement des principes : un danger pour la démocratie

Le Figaro (17/11/2019)

«Le gouvernement des principes,ou la fin de la démocratie délibérative»

TRIBUNE - Pour Pierre-Henri Tavoillot, maître de conférences à Paris 4 Sorbonne* et président du Collège de philosophie, la décision du Conseil constitutionnel de consacrer le principe de gratuité de l’enseignement supérieur est caractéristique d’une dérive de nos démocraties.
Par Pierre-Henri Tavoillot
Clairefond
Il y a pire que le gouvernement des juges ; il y a le gouvernement des principes. Sans doute ne faut-il pas gouverner sans principes, mais lorsqu’on laisse les principes agir à notre place, il n’y a plus de gouvernement et donc plus de démocratie, car elle est - faut-il le rappeler? - un mode de gouvernement. Cet abandon aux principes est pourtant une tendance lourde et grave de nos démocraties libérales.
Le dernier exemple en date est l’arrêt du Conseil constitutionnel qui vient de décider, tout seul dans son coin, de la gratuité de l’enseignement supérieur! Il était saisi par des associations étudiantes qui dénonçaient le projet du gouvernement d’augmenter les droits d’inscription pour les étudiants étrangers (hors Union européenne). Je rappelle brièvement les faits: un étudiant coûte au budget français au minimum 15.000 euros par an ; les nouveaux droits envisagés étaient de l’ordre de 3000 euros, très loin du coût des études ailleurs dans le monde. La ministre de l’Enseignement supérieur s’est posée cette question simple: pourquoi la France devrait-elle accueillir gratuitement les étudiants américains ou chinois sans aucune réciprocité? Cette question ne devrait même pas faire débat!
Tel est le contexte, déjà sidérant, de la saisine. Certes, en l’espèce, le Conseil constitutionnel ne se prononce pas directement sur le sujet (qu’il renvoie au Conseil d’État) mais profite de l’occasion pour sortir de son chapeau un «principe» de gratuité de l’enseignement supérieur, dont il faut dire très fermement qu’il ne relève pas de sa compétence. Ce serait, a minima, au Parlement de débattre de cette question qui engage toute la politique éducative nationale. Cet arrêt, je pèse mes mots, est une véritable usurpation de la volonté générale.
La légitimité d’agir du politique est devenue tellement faible qu’il tente de la gonfler artificiellement par l’autorité du droit.
Cet épisode est pourtant loin d’être le premier et le Conseil constitutionnel est loin d’être seul responsable de cette dérive. Ce sont bien souvent les politiques eux-mêmes qui désertent la politique. D’ailleurs, à chaque fois qu’un problème apparaît, et quelle que soit sa nature, le premier réflexe est d’aller d’urgence et dans cet ordre: modifier les programmes scolaires (lutte contre l’obésité, promotion de l’éducation à l’environnement, combat contre le sexisme, etc.) ; modifier quelques lois et en faire beaucoup d’autres ; inventer un nouveau principe constitutionnel.
Chacun pourra ensuite aller dormir en paix, avec le sentiment du devoir accompli. Principe de précaution, principe de parité, débat sur la «règle d’or budgétaire» (heureusement inabouti)… cette accumulation de questions de principes révèle une chose: la légitimité d’agir du politique est devenue tellement faible qu’il tente de la gonfler artificiellement par l’autorité du droit. Faute de pouvoir changer le réel, il cherche à modifier les textes en général et la loi fondamentale en particulier.
Mais cette fuite en avant est délétère, car elle aggrave le mal au lieu de le soigner. Quel mal? Celui de la dépossession démocratique. Alors que la démocratie est la promesse d’une maîtrise par le peuple de son destin, cette maîtrise semble s’évaporer à tous les niveaux: la mondialisation démultiplie les pôles de décision, la frénésie e-médiatique déstructure le débat public, la financiarisation met à mal les régulations, la protection de l’environnement semble hors de tout contrôle. Si on ajoute à cela l’abandon de la politique au règne des seuls principes juridiques, il ne restera plus aux peuples des démocraties que leurs yeux pour pleurer ou le populisme en réaction.
Du point de vue d’une collectivité démocratique, il est anormal d’abandonner tout contrôle de ses flux migratoires
La question migratoire est emblématique de cette évolution. En 1978, le Conseil d’État, par l’arrêt Gisti, reconnaît le droit au regroupement familial au nom des «principes généraux du droit». C’est une date clé du lâcher-prise politique sur l’immigration. Entendons-nous bien: ce principe est loin d’être scandaleux. Quiconque, dans une situation de réfugié ou d’immigration professionnelle prolongée, aspire à réunir sa famille: c’est légitime individuellement (article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme). Mais du point de vue d’une collectivité démocratique, il est anormal d’abandonner tout contrôle de ses flux migratoires ou, comme c’est le cas en France, de ne les soumettre qu’à des conditions de ressources et de logement sans prendre en considération aussi les conditions d’accueil, les impératifs d’intégration, les effets sur la population autochtone et la répartition sur le territoire.
L’immigration a cessé en 1978 d’être un sujet de gouvernement pour ne devenir qu’une affaire juridico-administrative ou une question morale.
Voilà la véritable difficulté: l’immigration a cessé en 1978 d’être un sujet de gouvernement pour ne devenir qu’une affaire juridico-administrative ou une question morale. Sa gestion est passée en mode automatique, tout comme le débat qui l’a accompagnée. Et c’est cet abandon délétère qui va faire le lit du Front national, à qui la dimension politique du thème est sottement abandonnée. Tous les autres partis se contenteront d’une posture morale. Est-il déjà trop tard pour retenir cette leçon?
Est-il déjà trop tard pour rappeler ce qu’est une Constitution? C’est, à mon sens, un texte, ou une doctrine, qui «institue et constitue» un peuple ; il organise la manière dont les citoyens d’une nation envisagentles règles de la décision collective. On peut en déduire ce qu’un peuple ne peut pas décider sauf à cesser d’être un peuple (opprimer une minorité, remettre en question les libertés fondamentales), mais il n’a pas à orienter un certain type de politique. Il faut donc d’urgence dépolitiser la Constitution pour permettreà la politique de retrouver ses droits.
Et relisons, en passant, Benjamin Constant (Principes de politique, 1815): «Il y a longtemps que j’ai dit qu’une Constitution étant la garantie de la liberté d’un peuple, tout ce qui était à la liberté était constitutionnel, mais que rien n’était constitutionnel de ce qui n’y était pas: qu’étendre une constitution à tout, c’était faire de tout des dangers pour elle.»
* Dernier ouvrage paru: «Comment gouverner un peuple-roi? Traité nouveau d’art politique» Odile Jacob, 2019).

vendredi 11 octobre 2019

Un spectre hante l’actualité : les années 30 ! Et ce spectre est un leurre …


Je recommande chaleureusement la lecture, extrêmement stimulante du livre d’Alexandre Devecchio, Recomposition. Le nouveau monde populiste, Cerf, 2019.  En voici l'amorce. 

Pour d’Alexandre Devecchio, la clé de nos égarements intellectuels et politiques d’aujourd’hui tient en un mot : anachronisme. Nous croyons revivre les années 30, alors que notre situation est totalement inédite. Cette illusion nous empêche de comprendre le présent, d’identifier les vrais risques et d’envisager les bons contre-feux. Sa démonstration est terriblement convaincante.

Partout, on entend parler du « fascisme qui vient », du « racisme en germe », de la « lèpre nationaliste », et bien sûr, c’est l’AOC du temps, de « populisme ».  Michaël Fœssel, qui se taille beau succès avec son Récidive, 1938 —, paru cette année, témoigne de cette « mode ».

Mais tout cela ne résiste pas un instant à une analyse, en tout cas pour qui préfère l’histoire à l’idéologie.

Devecchio identifie trois contresens majeurs dans cette opération : 

1) Le nationalisme n’est pas le totalitarisme — Les années 30 ont vu la montée en puissance de l’idéologie totalitaire : celle-ci est universaliste, conquérante, destructrice, impérialiste, terroriste. C’est l’âge de la lutte des classes ou de la lutte des races qui a vocation à transcender les petites logiques nationales. La Révolution ou la pureté raciale sont au-delà de l’idée pourtant sacrée de Nation, mais qui avait pris du plomb dans l’aile avec la guerre de 14-18. Rien à voir en tout cas, avec le populisme nationaliste d’aujourd’hui d’un Orban ou d’un Salvini. On peut (avec quelques raisons) ne pas les aimer, mais il ne sert à rien de les qualifier de fascistes : c’est manquer totalement la cible et rater la confrontation ! Mais c’est surtout ne pas vouloir voir les vrais ennemis ; ceux qui veulent détruire la démocratie libérale : les fascistes d’aujourd’hui, ce ne sont pas les populistes, mais bien les terroristes islamistes.

2) Les totalitarismes des années 30 ne furent pas de mouvements « populistes » ni même populaires — Les mouvements qui ont porté les systèmes totalitaires au pouvoir (léninisme, fascisme, ou nazismes) ne furent pas — faut-il le rappeler — le fait d’une masse, mais d’une alliance subtile entre un petit parti de professionnels de la révolution et des élites défaillantes. Lénine disait qu’il lui fallait « mille hommes » et il a réussi avec cela à faire sa révolution ; Mussolini a été battu aux élections, et sa « Marche sur Rome » (oct. 22) aurait pu être balayée … si seulement le roi l’avait voulu ! Quant à Hitler, il n’a jamais obtenu la majorité des suffrages, mais a été porté par les milieux d’affaires allemands qui finissent par faire céder Hindenburg. Non, donc, le totalitarisme n’est pas né dans les urnes ! Rien à voir, donc, avec les populistes d’aujourd’hui qui sont légitimement élus dans leurs pays sans recourir aux milices, marches.

3) Les musulmans des années 2000 ne sont pas les juifs des années 30 et l’islamophobie d’aujourd’hui n’est pas l’antisémitisme d’hier — Il faut une sacrée dose de mauvaise foi (et/ou de cynisme) pour oser soutenir la comparaison. C’est pourtant ce que font sans vergogne Hani Ramadan et son frère Tariq ou encore les dirigeants du CCIF ou encore Edwy Plenel. Ils induisent ainsi que la laïcité, c’est le racisme, et que la république, c’est le fascisme. Gonflé non ? Est-il besoin de rappeler avec Charb (juste avant d’être assassiné dans l’attentat contre Charlie Hebdo) ces quelques données : « En 1931, existait-il un terrorisme international qui se réclamait du judaïsme orthodoxe ? Des terroristes juifs revendiquaient-ils d’instaurer l’équivalent juif de la Charia en Libye, en Tunisie, en Syrie et en Irak ? Un Ben Laden juif avait-il envoyé un biplan s’écraser sur l’Empire state building ? ». Et plus généralement assistait-on à un repli communautaire des juifs en 1930 ? C’était l’inverse … Y a-t-il des pogroms anti-musulmans, ou une persécution systématique conduite par l’Etat en vue d’une solution finale ? Qui peut le soutenir ? Le grand remplacement de l’antisémitisme par l’islamophobie n’a pas eu lieu. D’ailleurs, l’antisémitisme est toujours bien là, nullement remplacé et plus désinhibé que jamais dans une partie des « quartiers ». Le hold-up est parfait : nier l’antisémitisme actuel au profit de l’islamophobie fantasmée et en déduire que nous en sommes donc revenus aux années 30 et qu’il faut lutter contre les populistes comme des fascistes des temps modernes.

4) S’il y a pourtant une comparaison possible avec les années 30, c’est celle de l’« étrange défaite » ou de la trahison des clercs, ou du « Munich de la pensée » : quand, en effet, des esprits (soit disant) éclairés s’aveuglent à voir la haine de la démocratie, là où il n’y a qu’une immense exigence de démocratie (le populisme) ; et un espoir de régénération (démocratie « radicale »), là où il n’y a que forces destructrices et délétères.

Je vois pour ma part la « menace populiste », moins comme un péril de destruction que comme un formidable défi : celui qui oblige notre démocratie libérale à répondre au sentiment de dépossession démocratique et de perte de maîtrise. La démocratie libérale est convaincue qu’il n’y a pas de cratos sans demos (entendu ici comme contre-pouvoir) ; la démocratie illibérale nous rappelle qu’il n’y a pas de demos (entendu ici comme collectif) sans cratos. La reconquête du pouvoir d’agir collectivement dans un monde complexe, global, souvent illisible, traversé par les rumeurs, saturé des règles, où les pôles de décisions se sont démultipliés à l’infini : voilà le seul véritable objectif.  Il ne s’agit pas de donner plus de pouvoir au peuple, mais de permettre au peuple de donner plus de pouvoir (ou, plus exactement, de le prêter avec plus d’efficacité).


samedi 5 octobre 2019

Collège de philosophie

Le Collège de philosophie
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a le plaisir de vous convier à sa prochaine séance publique


Samedi 9 novembre  2019 (14h- SORBONNE - Amphi MICHELET, 

entrée au 46 rue Saint Jacques 75005 PARIS),  

   L'ETHIQUE AUJOURD'HUI : PENURIE OU EXCES ?
 

  Pierre-Henri TAVOILLOT 


[Entrée dans la limite des places disponibles sur présentation de cette invitation]

mercredi 21 août 2019

La désobéissance civile : principe ou tactique ?


J’ai reçu pas mal de courrier (et parfois d’insultes) pour mon éloge de l’obéissance en démocratie. Manifestement, la distinction pourtant rigoureuse et classique entre obéissance et servitude a du mal à passer !

Et j’ai beau rappeler ce pourtant fameux passage de Rousseau, pourtant peu suspect d'éloge de la tyrannie : rien n’y fait !

Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs et non pas des maîtres ; il obéit aux lois, mais il n’obéit qu’aux lois et c’est par la force des lois qu’il n’obéit pas aux hommes. Toutes les barrières qu’on donne dans les républiques au pouvoir des magistrats ne sont établies que pour garantir de leurs atteintes l’enceinte sacrée des lois : ils en sont les ministres non les arbitres, ils doivent les garder non les enfreindre. Un peuple est libre, quelque forme qu’ait son gouvernement, quand dans celui qui le gouverne il ne voit point l’homme, mais l’organe de la loi. En un mot, la liberté suit toujours le sort des lois, elle règne ou périt avec elles ; je ne sache rien de plus certain.
Rousseau, Lettres écrites de la montagne - VIII

Dans les échanges les plus poussés, la discussion portait sur ma critique de la désobéissance comme « principe de la démocratie », pour reprendre la formule de Sandra Laugier. Pour mémoire, dans mon livre, je refuse à la désobéissance civile l’honneur d’être un principe démocratique, sauf à sacrifier toute possibilité de vie commune. Et j’indiquais que la désobéissance relevait plutôt de l’art politique ; c’est-à-dire de la gestion du rapport de force.

Une de mes lectures de l’été est venue me conforter dans cette idée et m’a permis de me réclamer d’un quasi argument d’autorité. Il s’agit des propos de Nelson Mandela dans son livre, Un long chemin vers la liberté (3e partie, empl. 2426).

La scène que rapporte Mandela se passe le 31 mai 1952. Les responsables de l’ANC (Congrès national africain) et du SAIC (Congrès indien d’Afrique du Sud, représentant la communauté indienne) se réunissent pour déterminer le type d’action à conduire en commun pour protester contre les lois de 1950 instaurant l’apartheid

[Soit dit en passant, relire le contenu de ces lois reste une expérience éprouvante tant elles sont à fois débiles et ignobles].

Voici l’échange qui eut lieu ce jour-là :

« Nous avons aussi discuté pour savoir si la campagne devait suivre le principe de non-violence de Gandhi, ou ce que le Mahtma appelait satyagraha, une non-violence qui tente de convaincre par la discussion. Certains défendaient la non-violence sur des bases purement morales, en affirmant qu’elle était moralement supérieure à toute autre méthode. Cette idée était fermement défendue par Manilal Gandhi, le fils de Mahatma et directeur du journal Indian Opinion […] 
D’autres disaient que nous devions aborder la question non sous l’angle des principes, mais sous celui de la tactique, et que nous devions utiliser la méthode qu’exigeaient les conditions. Si une méthode particulière nous permettait de vaincre l’ennemi, alors il fallait l’employer. EN l’occurrence, l’Etat était bien plus puissant que nous et toute tentative de violence de notre part serait impitoyablement écrasée. La non-violence devenait plus une nécessité qu’un choix. 
Je partageais ce point de vue et je considérais la non-violence du modèle de Gandhi non comme un principe inviolable mais comme une tactique à utiliser quand la situation l’exigeait. La stratégie n’était pas à ce point importante qu’on dût l’employer même si elle menait à la défaite, comme le croyait Gandhi. C’est cette conception qui a prévalu malgré les objections obstinées de Manilal Gandhi »

On ne saurait mieux dire !

Et cela me permet d’apporter un autre élément de réponse à tous ceux qui n’ont pas supporté que je puisse critiquer Gandhi.



Pourquoi fait-on des enfants ?

 Chronique LCP du 23/01/2024 Bonsoir Pierre Henri Tavoillot, le nombre annuel de naissance en France est passé sous la barre des 700 000 en ...