Extrait de Serge Guérin et Pierre-Henri Tavoillot, La guerre des générations aura-t-elle lieu ? Calmann-Lévy, 2017
Rêvons un peu ! Imaginons un Ministre de l’Education
Nationale nouvellement nommé, qui réunirait une conférence de presse solennelle
pour annoncer qu’il va mettre en place une méthode tout à fait
révolutionnaire pour transformer l’enseignement : « Durant les trois ans
qui viennent, dirait-il en substance, je promets de ne RIEN FAIRE. Aucune
réforme des programmes, aucune transformation des rythmes scolaires, aucune
re-re-re-fondation de l’Ecole ! Il s’agira juste de faire le point ;
d’évaluer les acquis ; de nettoyer le flot des circulaires ;
d’analyser sereinement les ressorts des réussites comme des échecs ; et surtout
de laisser respirer les acteurs en leur faisant pour une fois un peu confiance.
Voilà mon programme : je sais qu’il est très ambitieux ! Mais, après
tout, beaucoup de mes prédécesseurs, n’ont rien transformé en annonçant une
foultitude de réformes ; peut-être puis-je espérer améliorer les choses en
n’en prévoyant aucune ».
L’Ecole a besoin de concentration : cela vaut
pour les élèves comme pour l’Institution. Or les uns comme l’autre sont soumis
à un zapping continuel d’injonctions contradictoires qui troublent son
attention. Dès qu’un problème sociétal devient à la mode : machisme, obésité,
intégrisme, sécurité, environnement, omégas 3, huile de palme, UV, … il
faut d’urgence l’intégrer aux programmes. Protégeons nos enfants et l’Ecole
contre ces « perturbateurs endoctrinants » et laissons-lui calmement faire
son travail, qui n’est pas de « changer les mentalités », mais de donner les
outils de comprendre un monde de plus en plus complexe. A quoi bon la lutte
contre l’obésité quand 20% de la population est en grande difficulté en
lecture, écriture et arithmétique ?
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