lundi 6 janvier 2020

Bonne année à l'université ?

J'aurais souhaité souhaiter une bonne année 2020, mais là ça devient compliqué !

Pour la troisième année consécutive (et sans parler des précédentes), un semestre universitaire a été saccagé : cours qui ne peuvent avoir lieu ; TD amputés ; examens annulés. La Faculté des Lettres de Sorbonne Université vient en effet d'annuler les épreuves de janvier — déjà compliquées à organiser du fait de la grève des transports — parce que quelques étudiants (autant qu'on sache?) ont eu la bonne idée de bloquer les centres d'examen.

Leur argument ? Puisque tous les étudiants ne peuvent pas être présents, autant faire en sorte que personne ne puisse plancher …

Cela semble tenable, sauf que de nombreux étudiants pouvaient être présents et que, pour les autres, les départements étaient en train d'élaborer des dispositifs leur permettant d'être tout de même évalués  mais d'une autre manière (via, par exemple, des DM organisés en temps limité et soumis à des critères d'évaluation distincts, insistant moins sur les connaissance que sur les capacités de problématisation, d'organisation et de réflexion).

En fait — et comme de coutume désormais — sous couvert de défendre les intérêts des étudiants — les organisations syndicales promeuvent des intérêts extra-universitaires qui enfoncent irrémédiablement les étudiants les plus fragiles et dégoutent les étudiants les plus motivés (et ce sont parfois les mêmes).

J'ai reçu un nombre incroyablement important de messages d'étudiants littéralement fous de rage devant ces blocages scandaleux qui organisent — lentement mais sûrement — le « suicide » des universités françaises.
Trois ans de dysfonctionnement ; trois ans d'enseignements croupion ; trois ans d'examens bâclés … Ce fut d'abord la lutte contre le dispositif ParcourSup — jadis qualifié de totalitaire, raciste, capitaliste, …— et qui n'a pas produit la catastrophe annncée (loin de là) ; ce furent ensuite les dommages collatéraux des Gilets jaunes avec la fermeture administrative des sites universitaires sous la pression d'organisations en quête de « convergence des luttes ». En 2019, c'est la contestation de l'abjecte réforme des retraites. Oserais-je rappeler que, pour avoir une retraite, encore faut-il avoir un peu travaillé ? On pourrait donc avoir l'intelligence de ne pas mélanger les genres et de ne pas mêler les étudiants à cette querelle. Ces trois années de chaos ne favorisent guère ceux qui se battent — et j'en suis — pour l'insertion professionnelle des étudiants en Lettres et Sciences Humaines.

Blocage — saison 3 ; le scénario de la série devient lassant, exaspérant et décourageant …

Quelles solutions ?

D'abord, rendre le vote des étudiants aux élections syndicales obligatoire : pas de vote, pas de note. La sous-représentativité des organisations étudiantes favorise l'entrisme (extrême-gauchiste, ultra-droitiste ou salafiste). L'effet est délétère sur les organes de décision des universités où un pouvoir de blocage excessif leur a été sottement conféré.

Ensuite, utiliser la technologie pour limiter les effets des blocus. Ce n'est pas idéal, loin de là, mais j'ai été conduit à mettre en ligne quelques vidéo-cours sur YouTube afin que les étudiants puissent garder le contact avec l'enseignement, tout en y associant des cours intégralement rédigés. Favoriser les dispositifs d'enseignement à distance permettrait aussi d'être armé pour répondre aux situations de crise.

Enfin, les examens (écrits ou oraux) devraient pouvoir se faire via internet avec des conditions de sécurité acceptables pourvu que les sujets soient un peu inventifs (et non plagiables sur internet). Les dispositifs de vérification existent. Je ne crois pas que demander à un étudiant un travail élaboré, utilisant toutes les ressources disponibles, soit moins formateur ni plus facile qu'une dissertation en 4h. On pourrait s'inspirer ici (sous une forme plus modeste) de la « grande leçon » d'agrégation de droit ou de sciences politiques : préparation en 24h !

Voilà : c'était le coup de gueule de la rentrée !

Sinon pour le reste, je vous adresse mes meilleurs vœux pour cette belle année 2020 !

7 commentaires:

  1. Merci, malgré tout, pour vos vœux, et aussi pour ce coup de gueule qui, malgré votre colère, reste constructif. On vous reconnait bien là ! Oui, la technologie peut être une excellente planche de salut, si tant est que la bonne volonté soit au rendez-vous.
    En tout cas, nous, vos vieux étudiants d'Inter-Âges, nous ne sommes pas syndiqués, nous bravons les grèves et les intempéries pour vous retrouver en "live", et pour ceux qui ne peuvent pas, il y a désormais les enregistrements audio mis en ligne. Bravo et merci, de tout cœur, pour vos cours si passionnants, et, allez ... bonne année 2020 !

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  2. Je déplore comme vous que ma scolarité soit constamment affectée par les blocages étudiants. Seulement, je souhaitais vous inviter à ne pas mettre sur le même plan les blocages des années passées et celui de janvier 2020. Les premiers se sont justifiés par des revendications propres à une lutte politique. Le blocage d'hier s'est construit en réaction à la prise de décision interne en Sorbonne ; bien sûr, les bloqueurs ont affirmé leur soutien au mouvement de grève contre la réforme des retraites, mais ce n'était pas la première motivation de leur action.
    Vous dites dans votre publication que les administrations préparaient des solutions alternatives pour les étudiants ne pouvant se présenter à leurs partiels. Je ne me permettrais pas d'en douter, bien sûr. Mais cela différait selon les UFR : certains n'ont rien communiqué à ce sujet-là. Les autres n'ont été que très évasifs. La seule information concrète, non contradictoire, et officielle, c'était les affirmations de M. Tallon : les partiels seraient maintenus "coûte que coûte", et dans l'hypothèse où un seul étudiant parviendrait à venir, l'examen aurait lieu quand même. Permettez-moi de vous demander de vous imaginer à notre place : la veille de votre examen (qui compte pour 50% de la validation), vous savez pertinemment que vous ne pourrez vous rendre à Paris, et vous n'avez aucune idée de la manière dont votre scolarité en sera pénalisée. La veille de votre examen, vous lisez ce que votre UFR vous a peut-être annoncé, sans rien y comprendre tellement leur propos est vague ; la veille de votre examen, vous ne savez même pas dans quelles conditions vous pourrez peut-être composer. La brève réponse que M. Tallon envoya à un étudiant, confirmant sans aucun détail le maintien des examens, en vient à vous paraître froide et méprisante.
    Je le repète, je ne doute pas que la plupart des départements travaillaient à trouver des solutions. Mais alors, pourquoi ne pas avoir communiqué davantage ? Pourquoi nous avoir laissé errer dans le néant d'information, nous laissant livrés à nous-mêmes, dans le stress et l'incompréhension ?

    Vous le reconnaissez dans votre publication, notre semestre a été mis à mal à partir du 4 décembre. Je fais partie de ceux qui n'ont pas pu mettre un orteil à Paris depuis ce jour-là. J'espère que mon commentaire vous amènera, peut-être, à relativiser ce que vous affirmez à notre sujet. Je ne comprends pas comment l'idée d'écrire ainsi au sujet des blocages, sans vous renseigner sur notre point de vue, a bien pu vous venir à l'esprit. Par ailleurs, vous critiquez le fait que les étudiants se soient positionnés et impliqués dans la grève contre la réforme ; "Oserais-je rappeler que, pour avoir une retraite, encore faut-il avoir un peu travaillé ?". Quel non-sens ! D'une part, l'implication étudiante dans la grève contre la réforme, je vous l'ai dit, n'est pas la cause première du blocage. D'autre part, le nombre d'étudiants qui travaillent pour financer leurs études augmente chaque année ; face à votre salle de classe, plus de la moitié de vos élèves travaillent, je ne pense pas que vous l'ignorez (?). Enfin, vous le dites vous-même, cette réforme est "abjecte", j'aurais du mal à vous voir nous retirer le droit de nous en indigner également. Nous avons le droit de nous indigner pour nous-mêmes, en tant étudiants salariés ou non, pour nos amis, nos parents, pour l'ensemble de nos concitoyens.

    Enfin, pour ne pas produire un roman, je voulais m'attarder sur un dernier point ; vos remarques sur les syndicats sont, tout d'abord, obscures, et dans ce contexte, non pertinentes. Pour avoir assisté à la naissance de la volonté de bloquer les partiels, je peux vous assurer qu'il ne s'agit pas d'un mouvement syndical. C'est d'ailleurs seulement après avoir rencontré l'administration que les syndicats Solidaires et l'UNEF ont appelé à se joindre au mouvement.

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    1. J'ai à la fois approuvé certains passages de votre publications, d'autres passages m'ont choqué. Notamment en ce que vous ignorez tout de notre situation, des grands défauts de prise de décision interne et de communication dont nous avons tous subis les conséquences. Aussi, en ce que vous semblez vous désigner comme victime de tout cela tout en blâmant la folle masse estudiantine. Je réside à + de 50 km de mon centre d'examen et je suis fier des étudiants qui se sont levés aux aurores en grelottant pour empiler des sapins et des bennes à ordures devant les portes de la Sorbonne.
      Je ne compte nullement vous manquer de respect, Monsieur et j'espère être parvenu à m'exprimer sans sombrer moi-même dans un "coup de gueule" contre vous personnellement. Je serais heureux d'obtenir une réponse de votre part.

      Je vous souhaite, à vous ainsi qu'à notre pays, le meilleur pour cette nouvelle année.

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    2. Réponse groupée au deux commentaires :
      Merci de votre message et de votre réaction, mais je n'enlève pas un mot à mon « coup de gueule ». Je persiste à penser que la « solution du blocus » est totalement irresponsable. La réaction paranoïaque qui consiste à bloquer encore davantage une situation qui l'est déjà beaucoup trop est pour moi incompréhensible, comme si l'administration de l'université ne souhaitait que l'échec des étudiants ! Je n'ai, pour ma part, jamais cessé de communiquer avec les étudiants pour leur annoncer que l'UFR travaillait à une solution alternative. Elle demandait simplement du temps à être mise en place : car il y a 500 étudiants en jeu (L1 et L3, pour moi, le même jour). Tous ces efforts sont réduits à néant et il n'y a aucune fierté, pardonnez-moi, ni aucun courage à venir - même très tôt dans le froid — empêcher d'autres étudiants de passer les examens ! Ce n'est pas du civisme, mais plutôt du cynisme.
      Par ailleurs, le propos qui consiste à dire que le contexte politique n'y est pour rien, mais quand même pour quelque chose témoigne de la confusion des esprits en la matière : c'est cette confusion que je dénonce pour ma part (mais chacun peut avoir son avis sur le sujet, comme sur les autres).

      Sur les étudiants qui travaillent : j'admire votre rhétorique et votre esprit de solidarité ! Car, qui sont les principales victimes de cette situation ? Précisément les dispensés d'assiduité qui n'ont pas de notes de contrôle continu : quelle solution pouvez-vous proposer à ces étudiants qui travaillent pour des études qu'ils ne peuvent valider ? Bravo !

      PS : le mot « réforme abjecte » était aussi ironique que les qualificatifs de totalitaire et capitaliste pour Parcoursup, … 


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    3. Merci pour votre réponse Monsieur. Je suis honnêtement presque touché d'apprendre que vous avez offert de votre temps pour communiquer avec vos étudiants. Je ne suis pas en Philosophie, et votre prise en charge responsable de la situation contraste fort avec le silence que j'ai connu et que j'ai pu voir autour de moi.

      Je comprends mieux votre colère et votre opinion. Vous avez raison de parler de confusion en ce qui concerne l'influence du contexte politique ; bien qu'ici, contexte politique soit directement mêlé et catalyseur de problèmes de transports en commun étant donné la part importante de grévistes RATP et SNCF. Je ne cherche à défendre personne ; je ne défends aucun syndicat mais j'ai perçu le soutien étudiant au mouvement de grève comme une formalité, comme une nécessité requise par le contexte.

      Enfin, tous les étudiants dans l'impossibilité de venir à leurs partiels étaient "victimes" de la situation, qu'ils soient en dispense d'assiduité ou non. Avec l'annulation forcée des examens, il reste la solution proposée depuis longtemps par les élèves inquiets puis par les syndicats : mettre en place des DM, ce qui est fait, je crois bien, par plusieurs UFR. C'est loin d'être idéal, bien sûr. Les étudiants qui comptaient sur le partiel pour "sauver" leur contrôle continu sont aussi les grands perdants. Je ne pense pas qu'il soit impossible, cependant, de trouver des aménagements pour eux. Ce n'est d'ailleurs pas mon rôle de les trouver, nous autres étudiants ne pouvont être que force que proposition. Ces derniers temps, nous avons d'ailleurs eu la preuve de n'avoir pas du tout été écoutés (j'ai bien lu votre réponse et je ne parle bien sûr pas de vous ici).

      L'ironie était bien claire pour Parcousup, j'avoue ne pas l'avoir décelée pour la réforme des retraites. Mais cela est un tout autre sujet et je m'arrête ici, vous souhaitant une bonne soirée.

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  3. J'ajoute un point à mon commentaire : le nombre de témoignages des étudiants reconnaissants quand on essaie de trouver des solutions pour leur permettre de montrer leur travail et leur motivation me conforte dans l'idée que le blocage constitue une impasse totale et irresponsable. Sauf si les intentions sont autres (politiques, idéologiques, révolutionnaires, protestataires, …) : dans ce cas, c'est tout à fait rationnel ; mais ne pas dire - par pitié - qu'il s'agit de l'intérêt des étudiants !

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  4. Il faudra qu'un jour on m'explique pourquoi les UFR de Lettres et Sciences Humaines sont beaucoup plus affectées par ces mouvements que les filières scientifiques, où l'on trouve pourtant les mêmes profils d'étudiants défavorisés, banlieusards lointains, salariés, qui auraient autant de raisons que leurs camarades littéraires de s'insurger.

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Sortie de Voulons-nous encore vivre ensemble (Odile Jacob)

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