mercredi 18 octobre 2023
L'école : zone de guerre
Les trois islams en France
Je republie ce post de mon blog de 2016, après mes propos trop hâtifs et erronés sur France Inter ce 18 octobre 2024.
L’enquête passionnante de l’Institut Montaigne (IFOP, recensée par le JDD, 18 septembre 2016) apporte quelques indications intéressantes sur les musulmans en France. D’abord, sur le nombre. Au sein de l’échantillon représentatifs, ceux qui qui se déclarent « musulmans » constituent 5,6% de la population des plus de 15 ans vivant en France et 10% des moins de 25 ans. On est loin des 8% ou 10% souvent avancés. Cela ferait une population comprise entre 3 et 4 millions. Le deuxième enseignement concerne la diversité de cette partie de la population française. L’enquête identifie trois « types ».
1) Le premier islam désigne les « sécularisés » : l’islam y a cessé d’être, au sens strict, une religion pour devenir « tendanciellement » une culture (à l’instar des chrétiens). Ils représentent 46% de ceux qui se déclarent musulmans. Les pratiques peuvent exister, mais elles sont intégrées — sans ambiguïté — au cadre républicain à l’exception du halal (une majorité notable considère qu’il devrait être proposé dans les menus des cantines scolaires) et du voile-hijab) qui est considéré comme acceptable dans l’espace public, voire professionnel (mais pas le niqab ni la burka).
2) Le deuxième islam — « les islamics pride » — représente une part de 25%. Ceux-ci revendiquent l’expression de leur foi dans l’espace public, mais rejettent les pratiques « excessives » : niqab et polygamie. Ils se sentent davantage représentés par Tariq Ramadan que par le CFCM (que, par ailleurs, les « sécularisés » ignorent) !
3) Le troisième islam est intégriste et rigoriste. Ce sont les « ultras » qui représentent 28% des musulmans auto-déclarés (soit environ 1 million de personnes en France !) : ils sont en rupture avec les valeurs républicaines, considèrent que la Charia est plus importante que la loi de la République, sont favorables au port du nikab, de la burka et à la polygamie. Ils sont surreprésentés parmi les jeunes (50% des moins de 25 ans ; 20% à peine des plus de 40 ans). Sur cette base, l’Institut Montaigne propose plusieurs mesures que je laisse ici de côté, car le véritable problème est de savoir s’il peut y avoir une seule politique pour ces trois islams ? Les premiers demandent de la République une forme de tolérance et une meilleure intégration dans la collectivité nationale. Ce qui, à mon sens, ne poserait aucun problème s’il n’y avait pas les deux autres islams. En effet, le deuxième exige non seulement la tolérance, mais une véritable reconnaissance de droit et potentiellement de droit à la différence, en rupture avec la loi républicaine. Et le troisième aspirent, ni plus ni moins, qu’à la subversion voire à la destruction de la République.
Cela fait tout de même 2 millions de personnes en France qui ne s'inscrivent pas dans le cadre laïcité (même si tous ne sont pas en lutte armée contre elle !).
PS (15/11/2023). J'ajoute à ce post de 2016 que la référence à Tariq Ramadan n'est pas faite ici pour rassurer quant à la modération de la Catégorie 2. Elle ne diffère de la catégorie 3 que sur la stratégie (entrisme vs combat) mais non sur la finalité (le califat mondial).
mercredi 4 octobre 2023
De l'art de rendre des comptes
Chronique LCP du mercredi 4 octobre 2023
La présidente de l’Assemblée Nationale souhaite « redynamiser » la séance des questions au gouvernement qui a lieu tous les mardis à 15h. Cela vous fait réagir, Pierre-Henri Tavoillot.
Ce n’est pas un point anecdotique et la présidente de l’Assemblée a raison de s’en préoccuper. La démocratie ne peut se contenter d’être un jeu de lois et une succession de discours. Parce qu’elle se fonde sur l’espace public, elle doit aussi être une scène et un spectacle. Platon, en son temps, avait dénoncé la théâtrocratie, car il y voyait l’emprise de la démagogie : mais Platon n’était pas démocrate. Rousseau, qui l’était davantage, critiquait le théâtre, comme excluant le peuple (cantonné au rôle de spectateur) du jeu des acteurs. Il préférait la « fête révolutionnaire », participative, mais Rousseau était adepte de la démocratie directe. Or, dans nos démocraties représentatives, la représentation politique doit aussi être théâtrale.
La Présidente Yaël Braun-Pivet, considère (à juste titre) qu’elle ne l’est pas assez ou que la pièce manque un peu de piquant. Elle envisage plusieurs pistes pour remettre un peu de peps dans le plebs (la Plèbe) ; et amuser un peu plus la galerie. Ses propositions sont des questions/réponses plus courtes pour un échange plus incisif ; ou alors moins de questions ; ou alors un temps de questions distribué par groupe ; ou revenir à deux séances hebdomadaires. Je ne suis pourtant pas certain que cela change beaucoup la donne.
Auriez-vous une proposition à lui faire ?
Eh bien oui : le Parlement français, après avoir reçu Charles III au Sénat, pourrait adopter la pratique anglaise des questions aux Communes. En Angleterre, le Premier Ministre est seul dans l’arène et doit répondre en direct et sans préparation à toutes les questions des députés de l’opposition et de la majorité : chaque semaine, c’est un grand oral qui ressemble à un grill.
On a ce propos le témoignage de M. Thatcher et de T. Blair dans leurs mémoires respectifs : « Aucun autre chef de gouvernement dans le monde, écrit ainsi M. Thatcher, n’est soumis à ce genre de pression régulière et beaucoup font des pieds et des mains pour l’éviter ; aucun, comme je ne manquais pas de le rappeler à mes collègues d’autres pays que je rencontrais lors des sommets, n’a autant de comptes à rendre qu’un premier ministre britannique ». Et la dame de fer, fidèle à sa réputation ajoutait : « Peu à peu, je finis par me sentir plus sûre de moi … il m’arriva même d’y prendre du plaisir ».
Plaisir non partagé par Tony Blair de son propre aveu : « Les questions au Premier Ministre resteront l’expérience la plus éprouvante, la plus déconcertante, angoissante, remuante, terrifiante et décourageante de mon vécu de Premier ministre ». « Aujourd’hui encore, ajoute-t-il, où que je me trouve sur la planète, à 11h57 le mercredi, je ressens un frisson glacé, un picotement sur la nuque et mon cœur se met à battre la chamade. C’est l’heure où je sortais du bureau de Premier ministre aux Communes et me dirigeais vers la Chambre. Je l’appelai la marche du condamné ».
En quoi cette pratique anglaise permettrait-elle, selon vous, d’améliorer la vie démocratique ?
La méthode démocratique peut être décrite en quatre moments : il faut des élections, des délibérations, des décisions et de la reddition des comptes. Les trois premiers moments font l’objet de toutes les attentions quand on veut régénérer la démocratie : réformer les élections (vote blanc, proportionnelle, tirage au sort, …), mettre plus de délibérations (avec des conventions citoyennes), contrôler toujours plus les décisions (au point parfois de les empêcher) ; mais on oublie ce moment capital de la reddition des comptes. C’est un peu l’impensé de la démocratie et je trouve que sa mise en scène au sein du Parlement à travers les commissions d’enquête (comme celle récente sur le nucléaire) ou les questions directes et franches (parrêsia) au chef du gouvernement sont bien plus que des symboles. La reddition des comptes ce n’est ni le « dégagisme » ni le procès au pénal ; c’est le fait de revenir sur des décisions passées, non pour punir ceux qui les ont prises, mais pour améliorer celles qu’il faudra prendre demain.
Entretien pour La Croix, 8 janvier 2025
Pierre-Henri Tavoillot : « En France, nous avons le goût de la vie commune » Recueilli par Marine Lamoureux, le 08/01/2025 Ce qui nou...