Révolutionnaire conservateur :
cette appellation est en passe de devenir contrôlée pour qualifier la victoire
et le programme de François Fillon. Patrick Buisson l’a, je crois, utilisée au
moment de son ralliement, et Le Monde
en fait son titre post-second tour (mardi 28 novembre 2017).
L’un pour s’en féliciter ; l’autre pour le déplorer.
L’un pour s’en féliciter ; l’autre pour le déplorer.
Mais les deux se trompent, car,
si les mots ont un sens, Fillon n’est, en toute rigueur, ni révolutionnaire, ni
conservateur, ni même révolutionnaire conservateur.
• Il n’est pas
révolutionnaire, car (faut-il le rappeler ?) il reste dans l’Etat de droit :
sa politique de réforme ne concerne ni les institutions ni les modes de vie et
elle n’aspire à aucun chamboule-tout de l’existence sous tous ses aspects. Arrêtons de voir des révolutions partout !
• Il n’est pas conservateur,
car ses intentions programmatiques (même si l’on se doit de rester d’une grande
prudence à l’égard de leur réalisation) se fondent sur quatre diagnostics/thérapies clairs qui rompent avec les politiques conduites jusqu’alors : 1) la surcharge
pondérale de l’Etat grève l’avenir sans amélioration pour le présent : il
faut la réduire ; 2) l’organisation du travail en France a fait le choix
du chômage de masse : il faut en modifier le logiciel ; 3) Une fois les
chaînes de ces deux boulets brisées, la France sera en état d’affronter la globalisation,
de peser sur sa régulation et de lutter contre la menace du fondamentalisme musulman, à
travers, notamment, 4) une refondation de l’Europe (en phase actuelle de déliquescence).
A titre personnel, je suis en
total accord avec ces quatre objectifs, même si je vois bien qu’entre leur
formulation et leur réalisation, il y a un gouffre. Mais qui peut dire, en
toute rigueur, qu’ils sont révolutionnaires ou conservateurs ?
Mais, j’ajoute encore ce point :
le programme de Fillon n’est pas davantage « révolutionnaire conservateur »,
car le terme, si on préfère la précision à l’idéologie, a un sens.
La révolution conservatrice
désigne un mouvement de philosophie politique, qui émerge dans les années 20,
comme prélude au fascisme allemand. On compte parmi ses adeptes A. Moeller van
den Bruck (das Dritte Reich, 1922), E.
Jünger, O. Spengler (Le déclin de l’Occident),
mais aussi Carl Schmitt, Ernst Nieckisch …. Ce mouvement se fonde sur une
critique radicale de la modernité nourrie par la nostalgie d’un âge d’or. Il
cherche à fonder une troisième voie (d’où la formule de « 3e
Reich » avant son utilisation par Hitler) entre le capitalisme libéral
(focalisé sur le présent, l’argent et la consommation) et le marxisme
révolutionnaire (dont les yeux sont rivés vers l’avenir radieux).
Cette idéologie-là existe en France aujourd’hui
: elle s’appelle « Front National ».
Utiliser le terme de « Révolution
conservatrice » pour qualifier le programme de Fillon est donc à la fois une
erreur et une faute. Cela revient à confondre le poison et un de ses antidotes possibles. Prudence donc !
Cf. Louis Dupeux, La révolution conservatrice allemande sous
la république de Weimar, Kimé.
Armin Molher, Die Konservative Revolution in Deutschland
1918-1932.
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