vendredi 14 décembre 2018

Retour sur la réforme constitutionnelle … à la lumière des gilets jaunes !


A propos de Quelle réforme du Parlement
Par François Cornut-Gentille (Le Débat, 2018, 5, n° 202, p. 87-94).


Il est des contretemps salutaires. La revue le Débat publie ces jours-ci un article du député François Cornut-Gentille (LR), intitulé « Quelle réforme du Parlement ? ». Il s’agit d’un résumé du discours critique qu’il avait prononcé, en juillet 2018, contre le projet de réforme constitutionnelle du Président Macron. Il est intéressant de lire cet article aujourd’hui, parce qu’il permet de mesurer l’ampleur de l’erreur diagnostique qui avait animée ce projet de réforme (dont on peut penser qu’il va être durablement — et heureusement — enterré).

Le projet prétendait promouvoir « des institutions plus efficaces, plus représentatives, plus responsables ». Or Cornut-Gentille annonce que le résultat sera exactement inverse.


1) Elle confond d’abord efficacité et rapidité en cantonnant le Parlement dans le rôle d’une chambre d’enregistrement de projet gouvernementaux. Et rien n’est fait pour améliorer la qualité de lois devenus  totalement hétérogènes et hors-sol, voire inutiles.
Pour exemple, cet avis du Conseil d’Etat sur la loi « pour une immigration maîtrisée » laisse rêveur :
« le Conseil d’État aurait souhaité trouver dans le contenu du texte […] le reflet d’une stratégie publique fondée sur l’exacte mesure des défis à relever et sur des choix structurants orientant les services publics vers un exercice plus efficace de leur mission »
Fichtre !

2) Le projet se trompe aussi sur la nature de la crise de la représentation — et le mouvement des Gilets jaunes le montre d’une lumière crue —. La réduction du nombre de députés dans un contexte de fracture territoriale majeure est démente, alors même que celui des fonctionnaires du Parlement augmente. Le non cumul prévu risque d’éloigner encore les députés du « local » et des réalités, d’où ils tirent leur ultime légitimité … ; … pure démagogie comme le montre ces quelques chiffres :

La France compte aujourd’hui un député pour 113 000 habitants ; l’Allemagne, un pour 114 000 ; le Royaume-Uni, un pour 96 000. Avec la réforme proposée, le ratio français sera de 1 pour 162 000. Record d’Europe ! Et l’introduction de la proportionnelle va conduire à des circonscriptions comptant bien plus de 200 000 habitants, très inadaptées à la représentation de la diversité des opinions.

L’instauration de la proportionnelle dans un pays qui a cessé d’être structuré autour de deux camps net n’a strictement aucun sens ; elle contribuera à une fragmentation électorale accrue entre les 5 forces en présence — Extrême gauche ; gauche de gouvernement ; centre ; droite républicaine ; extrême droite — qui représentent chacune +/- 20% de l’électorat. Comment une majorité peut-elle émerger ?

Le gadget d’un CESE (Conseil Economique Social et environnemental) qui aurait vocation à « dialoguer avec la société civile et la représenter plus fidèlement » est aberrant : car cela sape la légitimité du Parlement. On croit améliorer la représentation par sa fragmentation et sa multiplication ; on la déconstruit consciencieusement.

3) Quant à la responsabilité, Cornut-Gentille note que, si l’idée est essentielle, la mise en pratique prévue risque d’être calamiteuse. Le Parlement doit contrôler certes, mais pour cela, il doit aussi établir un diagnostic, des objectifs (faut-il une loi ou autre chose ?) et se donner les moyens d’évaluer. Je renvoie ici aux écrits précédent de François Cornut-Gentille.

En l’état, cette réforme pose plus de problèmes qu’elle n’en résout. Elle ne rétablit pas des équilibres ; elle aggrave des déséquilibres. Elle n’organise pas des complémentarités ; elle amplifie des dysfonctionnements.

Bref, cette réforme serait un « putsch technocratique ».
C’était en juillet 2018 ; nous sommes en décombre : et le putsch a été déjoué … au prix d’une crise grave.

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