A propos de Quelle
réforme du Parlement
Par François Cornut-Gentille (Le Débat, 2018, 5, n° 202, p. 87-94).
Il est des contretemps salutaires. La revue le Débat publie ces jours-ci un article du
député François Cornut-Gentille (LR), intitulé « Quelle réforme du Parlement ?
». Il s’agit d’un résumé du discours critique qu’il avait prononcé, en juillet
2018, contre le projet de réforme constitutionnelle du Président Macron. Il est
intéressant de lire cet article aujourd’hui, parce qu’il permet de mesurer l’ampleur
de l’erreur diagnostique qui avait animée ce projet de réforme (dont on peut
penser qu’il va être durablement — et heureusement — enterré).
Le projet prétendait promouvoir « des institutions plus
efficaces, plus représentatives, plus responsables ». Or Cornut-Gentille
annonce que le résultat sera exactement inverse.
1) Elle confond d’abord efficacité et rapidité en cantonnant
le Parlement dans le rôle d’une chambre d’enregistrement de projet
gouvernementaux. Et rien n’est fait pour améliorer la qualité de lois devenus totalement hétérogènes et hors-sol, voire
inutiles.
Pour exemple, cet avis du Conseil d’Etat sur la loi « pour
une immigration maîtrisée » laisse rêveur :
« le
Conseil d’État aurait souhaité trouver dans le contenu du texte […] le reflet
d’une stratégie publique fondée sur l’exacte mesure des défis à relever et sur
des choix structurants orientant les services publics vers un exercice
plus efficace de leur mission »
Fichtre !
2) Le projet se trompe aussi sur la nature de la crise de la
représentation — et le mouvement des Gilets jaunes le montre d’une lumière
crue —. La réduction du nombre de députés dans un contexte de fracture
territoriale majeure est démente, alors même que celui des fonctionnaires du Parlement
augmente. Le non cumul prévu risque d’éloigner encore les députés du « local »
et des réalités, d’où ils tirent leur ultime légitimité … ; … pure démagogie comme
le montre ces quelques chiffres :
La
France compte aujourd’hui un député pour 113 000 habitants ; l’Allemagne,
un pour 114 000 ; le Royaume-Uni, un pour 96 000. Avec la réforme
proposée, le ratio français sera de 1 pour 162 000. Record d’Europe ! Et
l’introduction de la proportionnelle va conduire à des circonscriptions
comptant bien plus de 200 000 habitants, très inadaptées à la représentation de
la diversité des opinions.
L’instauration de la proportionnelle dans un pays qui a
cessé d’être structuré autour de deux camps net n’a strictement aucun sens ;
elle contribuera à une fragmentation électorale accrue entre les 5 forces en
présence — Extrême gauche ; gauche de gouvernement ; centre ;
droite républicaine ; extrême droite — qui représentent chacune +/-
20% de l’électorat. Comment une majorité peut-elle émerger ?
Le gadget d’un CESE (Conseil Economique Social et
environnemental) qui aurait vocation à « dialoguer avec la société civile
et la représenter plus fidèlement » est aberrant : car cela sape la
légitimité du Parlement. On croit améliorer la représentation par sa fragmentation
et sa multiplication ; on la déconstruit consciencieusement.
3) Quant à la responsabilité, Cornut-Gentille note que, si l’idée
est essentielle, la mise en pratique prévue risque d’être calamiteuse. Le
Parlement doit contrôler certes, mais pour cela, il doit aussi établir un
diagnostic, des objectifs (faut-il une loi ou autre chose ?) et se donner
les moyens d’évaluer. Je renvoie ici aux écrits précédent de François Cornut-Gentille.
En
l’état, cette réforme pose plus de problèmes qu’elle n’en résout. Elle ne
rétablit pas des équilibres ; elle aggrave des déséquilibres. Elle
n’organise pas des complémentarités ; elle amplifie des
dysfonctionnements.
Bref, cette réforme serait un « putsch technocratique ».
C’était en juillet 2018 ; nous sommes en décombre :
et le putsch a été déjoué … au prix d’une crise grave.
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