jeudi 6 mai 2021

Cinquante nuances de (vote) blanc … 


Sans surprise, à l'approche des échéances, la revendication de reconnaissance du vote blanc revient ! Et parfois même comme l’unique planche de salut pour une démocratie en perdition. 
Il faut donc, encore une fois, rappeler en quoi, du point de vue même de l’idéal démocratique, une telle reconnaissance serait nocive. 




1) Le vote blanc permet de comptabiliser les voix de ceux qui ne se reconnaissent pas dans l’offre politique 
Contre — Jamais l’offre politique n’a a été aussi vaste et variée, de l’extrême droite à l’extrême gauche, en passant par les partis animalistes et autres. Si des citoyens ne se reconnaissent pas dans une telle offre très variée et plurielle, il suffit qu’ils fassent l’effort de se présenter aux élections plutôt que d’attendre qu’on leur apporte un candidat sur mesure. Demander la reconnaissance du vote blanc, témoigne d'une vraie paresse civique.

 2) Le vote blanc permet de comptabiliser les voix contestataires, anti-système ! 
 Contre — Il n’y a aucune raison que les démocraties prêtent le flanc aux adversaires du système démocratique. Nos régimes sont construits sur des règles du jeu politique, que l’on peut contester dans l’espace public, mais auxquelles on doit obéir dans l’espace juridico-politique. La vie commune se fonde sur l’acceptation des règles communes. 

 3) Le vote blanc montrerait la très faible légitimité des gouvernants en place, car si on le comptabilisait les majorités seraient infimes. 
Contre — Fort bien ! Et cela produirait quoi ? Des démocraties encore plus ingouvernables ; un déficit symbolique de légitimité encore plus avancé : en quoi, cette révélation résoudrait en quoi que ce soit la crise de légitimité des démocraties ? En quoi cela résoudrait-il les défis de la crise de la représentation et de l’impuissance publique ? En rien … Une solution qui ne résout rien, donc.

4) La reconnaissance du vote blanc permettrait de contraindre les élus à tenir enfin leur promesse. 
Contre — Où l’on retrouve la confusion habituelle entre mandat impératif et mandat représentatif. Dans une démocratie représentative comme la nôtre, l’élu n’est pas le porte-parole ou le commissaire (celui qui fait les commissions) de ses électeurs. Dès qu’il est élu par ses électeurs, il devient le représentant de la volonté générale. Le député élu dans le Var ne représente pas le Var, mais la France dans son ensemble. Il est quelqu’un à qui on accorde sa confiance, par délégation, pour cinq ans. Le programme sur lequel il est élu permet de faire connaissance avec lui, mais ne l’engage nullement autrement qu’en conscience. Ce n’est pas un contrat, ni même un « contrat de confiance ». D’ailleurs cette expression, publicitairement géniale, n’a intellectuellement aucun sens : quand il y a confiance, pas besoin de contrat ; et quand il y a contrat, c’est qu’il y a défiance. 

5) Le vote blanc est une expression politique comme une autre qui mérite d’être reconnue. 
Contre — • Une expression : mais laquelle ? S’agit-il d’une déception à l’égard ‘un candidat, d’une protestation contre une offre électorale, d’une indignation contre le système démocratique lui-même. Il y a bien plus de cinquante nuances de (vote) blanc … L’interprétation du silence, même ostensible, est toujours sujette à caution … Aussi difficile à interpréter d’ailleurs, que l’abstention elle-même, qui est très souvent reliée à des facteurs non politiques (âge, CSP, niveau culturel, stabilité résidentielle, sociale, professionnelle, existentielle, …). 
    • Une expression politique : on peut en douter, car il s’agit plutôt de la négation de la politique. En effet, en votant le citoyen se met en situation de représentant et de décideur. Il représente tous ceux qui ne votent pas (les mineurs, les générations futures, les générations passées) et il doit décider comme un politique. Or, en politique, on ne décide que rarement entre le bien et le mal, mais souvent entre le mal et le pire. Le vote est donc cet acte par lequel le citoyen se met en situation de décision face à une réalité qui sera forcément décevante, y compris s’il « adore » son candidat (ah ! les déçus du macronisme …). La démocratie est un régime de déception, ce pourquoi elle est le fait d’adultes consentants, qui ne prennent pas les messies pour des lanternes ni leurs désirs pour des réalités. 
Dans l’Athènes très démocratique, le citoyen qui refusait de prendre parti était condamné à l’exil : il fallait toujours choisir son camp, camarade ! La démocratie contemporaine permet le vote blanc : c'est déjà ça ; mais elle n’a pas à reconnaître ce degré zéro de la politique.

5 commentaires:

  1. Parlons de la seule élection qui devrait compter vraiment, l’élection présidentielle.
    1 ) L’offre politique est vaste au premier tour, elle est réduite au deuxième.
    2 ) Le vote blanc permettrait de compter les contestataires d’un système à couleur démocratique mais dont on peut penser qu’il dérive dangereusement. Ne pas comptabiliser cette expression revient à continuer de croire que la démocratie est en bonne santé et qu’elle satisfait tout le monde. Celà laisse supposer que le fonctionnement de la démocratie ne peut plus être amélioré.
    3 ) Cela ne résoudrait rien en effet, mais cela permet de poser un diagnostic, de le mesurer et de le regarder en face.
    4 ) Tout à fait d’accord.
    Toute votre argumentation suppose que le vote est toujours l’expression de la volonté générale qui aurait les moyens de s’exercer. Il est désormais clair que depuis plusieurs dizaines d’années, cette souveraineté est illusoire du fait de sa délégation aux instances européennes et aux diverses instances judiciaires. L’affaire du traité de Lisbonne, qui annulait le referendum et le Non exprimé au traité constitutionnel européen, a porté un coup peut-être fatal à la confiance en la démocratie.

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  2. Par loisir, je tiens un blog de philo, j'y mets "un peu ce que je veux" ... J'ai également la conscience que le vote blanc est bafoué et que l'on pourrait très bien argumenter sur le fait que notre démocratie n'est ainsi pas complète.

    En espérant ainsi aider à un monde meilleur

    https://questions-de-philosophie.blogspot.com/2021/02/il-faut-comptabiliser-les-votes-blancs.html

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  3. C'est "démocratique" de ne pas donner aussi le point de vue "pour" ?

    La démocratie n'a jamais existé, même pas à Athènes il y a très longtemps.

    Est-il rationnel qu'un citoyen inculte et un autre passablement cultivé aient le même poids ?

    Je ne suis pas royaliste, mais est-il intelligent qu'on puisse dans le cas extrême gagner une élection avec une voix de plus que son adversaire censé donc être moins bon et moins efficace pour l'intérêt général ?

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  4. Vous n'avez pas de regard sur l'orientation totalitaire des sociétés occidentales. La souveraineté nationale a disparu sous l'égide de Berlin et de l'UE. La République Française est kaputt! Le 21 ème siècle a tué la modernité.

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  5. J'ajoute un argument : voter blanc, c'est forcément voter pour le vainqueur de l'élection ; à moins que vote blanc vise à empêcher une élection. Dans les deux cas, il y a une absurdité : voter pour quelqu'un sans voter ; ou voter contre le principe même de l'élection.

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