mardi 5 décembre 2023

Cinquante nuances de vert

 Chronique LCP du 23 novembre 2023

A l’approche de la COP 28 qui se déroulera à Dubaï à partir du 30 novembre, vous souhaitez revenir sur les formes contemporaines de l’écologie. 

 Oui, car toutes les enquêtes d’opinion le montrent : la préoccupation environnementale est devenue un, voire le souci majeur dans toutes les opinions publiques occidentales et notamment française . En un sens tout le monde est devenu écologiste. Mais si tout le monde est peu ou prou écolo, personne ne l’est de la même manière, au point même que l’on pourrait dénombrer bien plus de « 50 nuances de vert ». 

 Est-ce que, dans cette diversité, l’on peut, malgré tout, s’y retrouver ? 

 Il y a plusieurs types de classement possible. Le premier partirait de ce qu’on met au centre de l’écologie. Est-ce l’Homme ou est-ce la Nature ? Ou plus exactement la nature a-t-elle de la valeur parce qu’elle est la maison de l’homme (c’est l’origine du mot écologie : oikios/logos : le discours rationnel sur la maison), ou parce qu’elle vaut par elle-même et pour elle-même ? C’est une opposition entre — D’un côté, l’environnementalisme qui va défendre le développement durable — (qui n’empêche pas une certaine sobriété) : c’est-à-dire une nature ménagée et aménagée au profit de l’humain. — De l’autre côté la deep ecology (ou écologie profonde) qui va prôner, non le développement durable, mais une totale décroissance, car, pour elle, l’action humaine quelle qu’elle soit est toujours une mise en danger de la Nature. Il faut donc combattre la démesure (hybris) de l’homme aspirant à se poser, comme disait Descartes, en « maître et possesseur de la nature ». Bref, écologie anthropocentrée, d’un côté ; écologie antihumaniste de l’autre. 

 Y a-t-il d’autres clivages possibles dans le vert ? 

 Il y a en a un méconnu, mais qui me semble important. L’écologie est-elle seulement une politique ou devient-elle aussi sinon une religion, du moins une spiritualité ? Ce qui met la puce à l’oreille c’est cette formule « sauver la planète ou la nature ». C’est quand même la thématique du salut qui est en jeu, et ce n’est pas rien si l’on prend un peu de recul. « Sauver la nature », pour un philosophe grec, Socrate, Aristote, ou Epicure, une telle prétention est ridicule, car la nature, pour eux, c’est l’éternité : tout naît, tout croît, tout meurt ; ce cycle (physis) est éternel et prétendre le sauver n’a strictement aucun sens. Idem pour un chrétien, mais parce qu’il y a un seul sauveur du monde — salvador mundi — c’est le Christ, qui a en, pour ainsi dire, le monopole. Face à ces grands modèles, l’écologisme (qui n’est pas toute l’écologie) émerge comme scandale pour les chrétiens et folie pour les Grecs. Que dit-elle ? Que chaque petit individu est à même de sauver le monde. Immense défi ! On comprend à partir de là plusieurs phénomènes induits par l’écologisme : l’eco-anxiété (serons-nous, nous autres pécheurs, à la hauteur de cette mission ?), le culte de l’apocalypse (la fin du monde est proche !), mais aussi le fanatisme (« je suis la voix de celui qui crie dans le désert »). Attention : l’écologisme ne résume pas l’écologie, mais il en est devenu une dimension non négligeable.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Pourquoi fait-on des enfants ?

 Chronique LCP du 23/01/2024 Bonsoir Pierre Henri Tavoillot, le nombre annuel de naissance en France est passé sous la barre des 700 000 en ...